Demians: Mute

Donc, hier, c’était convenu. Aujourd’hui, place à l’audace et à Mute, nouvel album de Demians. Derrière ce nom, un Français du nom de Nicolas Chapel qui a décidé de ne pas faire dans le simple. Déjà, son premier album, Building an Empire (que je pensais avoir chroniqué à l’époque, mais qui a dû disparaître dans les limbes de l’intarweb) était du genre bizarre, entre post-rock dépressif, métal progressif énervé et rock progressif mélancolique à la Porcupine Tree.

Mute est tout cela, mais à la puissance dix. Il y a dans cet album des accents d’Anathema, période A Natural Disaster, dans des morceaux comme “Swing of the Airwaves”, “Hesitation Waltz” et “Feel Alive”. On trouve également des inspirations venues en droites ligne de Devin Townsend (riffs lourds et hurlements), comme le déjà cité “Feel Alive”. Il y a également des périodes plus calmes, atmosphériques, comme “Porcelain” et “Black Over Gold”, qui fait suite aux deux précédents. Mélange d’ambiances, certes, mais beaucoup moins hétérogène qu’il n’y paraît.

Paradoxal, mais envoûtant. Demians ose les mélanges, les influences, les atmosphères – avec un certain brio, d’ailleurs, parce que même si certaines juxtapositions sont surprenantes (l’intro orientalisante d’un très métal “Overhead”), il est rare qu’elles tombent à plat. Je ne serais pas hypocrite (et/ou mesquin) au point de dire que c’est un signe que l’originalité paye toujours, mais dans le cas de Mute, elle paye certainement! Tiens, prenez un morceau comme “Tidal” et son intro quasi-pop, qui semble faire un peu tache au milieu de cet album. Paf! En deux minutes, on ressort les grosses guitares et l’orchestration râpeuse et chaotique. Tout l’album est de cet ordre.

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Yoso: Elements

Comment vendre un disque? Facile: mettez des pointures de groupes mythiques ensemble et faites leur faire un album. Rajoutez une pochette qui repompe l’air de rien certains éléments graphiques de ces mêmes groupes et balancez le tout à grand renforts de pub. C’est la recette Yoso, dont l’album Elements vient de sortir.

On va simplifier: Yoso, c’est des bouts de Yes avec des bouts de Toto et quelques autres musiciens pour remplir les trous. Bon, quand on dit “musiciens de Yes et de Toto”, faut pas se leurrer: les Lukather et autres Howe étant occupés à plus intéressant (ou morts), on a droit à des seconds couteaux: Tony Kaye, Billy Sherwood et Bobby Kimball. Tout ce petit monde a surtout été actif au cours des années 1980, il ne faut donc pas s’étonner si l’ensemble à un fort fumet de style-genre. C’est un supergroupe dans la grande tradition des Asia, GTR ou UK de l’époque.

Faut pas rêver non plus: si l’étiquette “rock progressif” est généreusement appliquée sur l’ensemble, on est bien plus proche du rock mélodique de Toto que des concepts kilométriques façon “Tales of the Topographic Oceans”. Yoso, c’est du rock calibré pour les radios, du hit à la chaîne, une musique profilée dans l’équivalent marketing d’une soufflerie: pénétration optimisée dans les cerveaux disponibles. L’originalité aurait bien voulu être de la partie, on l’a remerciée et on lui a dit qu’on lui écrirait.

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Apocalyptica : 7th Symphony

Donc, ce 7th Symphony est le septième album pour les Finlandais d’Apocalyptica. Que de chemin parcouru depuis les débuts de ce groupe à part, quatuor à cordes (et non, dirait Yvan Delporte, pendaison simultanée) qui faisait des reprises de Metallica au violoncelle ! Sauf que j’ai l’impression qu’après avoir montré la voie, le groupe l’a prise à contresens.

Je soupçonne que s’il y a autant de groupes de métal qui, aujourd’hui, intègrent des instruments classiques dans leur orchestration, c’est un peu grâce à des fondus comme Apocalyptica. Mais, par un curieux phénomène de régression, le groupe est reparti vers un métal plus conventionnel. On a l’impression que, d’un groupe de violoncellistes qui font du métal, Apocalyptica est devenu un groupe de métal avec des invités qui jouent du violoncelle.

Suivant une tendance qui apparaissait déjà dans le précédent album, 7th Symphony fait la part belle aux invités prestigieux, mais ce parterre de stars semble avoir comme effet secondaire de flinguer toute originalité. C’est impressionnant, parce que c’est à peu près systématique : dès qu’on a un « Apocalyptica feat. … », on peut être sûr qu’on va avoir droit à une bonne dose de métal plan-plan.

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Musiques sombres pour jeux sombres

Pikathulhu, du site Terres Étranges consacré aux jeux de rôle d’horreur et à Sombre en particulier, a eu la bonne idée de compiler dans le forum du site (OK, cette partie-là est à mon avis une mauvaise idée, mais passons) une liste de musiques sombres adaptées à des jeux d’ambiance horrifique ou oppressante. Bref, sombre.

Jouer avec sa tête

Écrans jeux de rôle

Lu dans le dernier Charlie Hebdo, cette brève:

Toujours plus fort – Microsoft va lancer en novembre un jeu vidéo sans manette, qui se joue uniquement avec le corps. Et, prochaine étape, le jeu vidéo sans écran, qui se joue uniquement avec le cerveau. On appellera ça un livre.

Flattr

Dans un article récent de ce blog à propos d’Adblock, au milieu d’une bonne dose de controverse, j’avais mentionné le fait que j’étais d’accord de payer pour des sites si ça pouvait me débarrasser des verrues publicitaires qui les constellent. Il semble que, grâce aux Suédois de Flattr, les internautes créateurs de tout poil ait désormais un outil pour obtenir des micro-paiements de leurs visiteurs sans que la procédure ressemble à un gymkhana au milieu d’une guerre majeure.

L’idée est la suivante: créez un compte sur Flattr, donnez-lui tous les mois une certaine somme d’argent déterminée et, au fil de vos utilisations d’Internet, si vous tombez sur un truc qui vous plaît et dont l’auteur a lui aussi un compte Flattr, vous pouvez cliquer sur le bouton adéquat. Chaque clic s’ajoute à une liste sur votre portion du site Flattr et, à la fin du mois, le montant que vous avez mis sur votre compte sera distribué équitablement entre tous les sites (ou autres) de votre liste.

Certes, ça risque de ne représenter que quelques centimes par clic, suivant le nombre de sites que vous ajoutez à la liste et le montant mensuel que vous décidez d’allouer, mais si l’initiative rencontre un certain succès et que les utilisateurs jouent le jeu, ça peut se cumuler et commencer à faire une source de revenu conséquente.

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Iron Maiden: The Final Frontier

Je suis un peu embêté pour vous parler de The Final Frontier, dernier album en date d’Iron Maiden. Disons qu’après quelques écoutes, le sentiment principal qui prédomine, c’est mon mantra personnel “la nostalgie, c’est pour les cons”. Killers a été le premier album de métal que j’ai possédé, à peu près à l’époque de sa sortie, et Iron Maiden le deuxième concert auquel j’ai assisté (tournée Somewhere in Time); Iron Maiden, c’est un peu tout ma jeunesse, mais on s’était quelque peu perdu de vue après Seventh Son of a Seventh Son.

Mais bon, trêve de madeleine de Proust, qu’en est-il de ce nouvel album? Deuxième source d’embêtement: The Final Frontier est un mélange entre ancien et moderne, mais pas vraiment le genre homogène. Les éléments du Maiden des temps héroïques – la voix de Bruce Dickinson, la basse si distinctive de Steve Harris et les riffs – se mélangent assez mal avec une production moderne, mais beaucoup trop lisse et des compositions entre le métal classique et efficace et l’épique. Les morceaux sont parfois très longs, souvent entre six et dix minutes, mais sans que ça n’apporte grand-chose à la composition.

Alors, certes, tout n’est pas à jeter dans The Final Frontier; il y a des bons moments et, si on fait abstraction du fait qu’on a connu Iron Maiden bien plus inspiré et innovant, c’est même un album de métal plutôt pas mal. Des morceaux comme “El Dorado”, “Isle of Avalon” (avec son intro à la “Number of the Beast”), sont classiques, mais efficaces et l’épique “When the Wild Wind Blows” qui conclut l’album rappelle la raison pour laquelle Iron Maiden a toujours eu une place à part dans mon p’tit cœur de prog-head (le métal en général ayant plus sa place du côté de mon cerveau reptilien; ça ne se commande pas).

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Blind Guardian: At the Edge of Time

La morale de cette histoire: toujours faire confiance aux disquaires qui vous connaissent depuis cinq ans! Quand celui-ci vous dit “je sais que tu n’as pas aimé leur précédent album, mais le nouveau Blind Guardian, At the Edge of Time, est vraiment très bien!” (la citation est apocryphe sur la forme, mais pas sur le fond), il a raison. Et c’est tant mieux, parce que pour faire un mauvais jeu de mot, je ne l’aurais pas acheté les yeux fermés.

Et c’est vrai que, si je n’avais pas complètement détesté A Twist in the Myth, je l’avais trouvé un peu plat et très convenu et il ne m’avait pas donné envie d’explorer plus avant. At the Edge of Time, c’est un autre animal: exit le métal à la papa, bonjour le symphonique à gros son des années 2000! Quand j’écoute ça, je me dis qu’avec le prog, le symphonique est sans doute ce qui est arrivé de mieux au métal ces dix dernières années.

Bon, en toute honnêteté, ça reste quand même du métal à la papa derrière: un power-métal mélodique de l’école allemande, mais avec une orchestration symphonique qui produit de l’emphase par mégatonne et une production hyperbolique.

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Moon Safari: [blomljud]

Cette fois, je ne vais pas vous faire le coup de “Moon Safari est un groupe génial et [blomljud] un excellent album et on ne m’avait rien dit”. Pas parce que ce n’est pas vrai, mais parce que je le savais depuis un petit moment (l’album est sorti en 2008 et un peu tous les critiques de rock prog étaient très enthousiastes; les extraits que j’en avais entendu semblaient le confirmer), mais parce qu’il m’a fallu un petit moment pour mettre la main sur l’album. Également parce qu’il serait bon que je me renouvelle un peu, d’ailleurs.

Je ne vais pas prolonger le suspense très longtemps – d’autant plus que je l’ai déjà dit dans le paragraphe précédent – et affirmer que [blomljud] (“le chant des fleurs” en suédois) est effectivement un excellent album de rock progressif. Moon Safari, avec ses faux airs de clone de Yes, propose en fait une musique qui s’inspire tout autant de la bande à Steve Howe, Jon Anderson et consorts et de ses confrères en progeries dinosauriennes des temps anciens que de groupes plus récents, comme le néo-prog des débuts de Pendragon, IQ ou Marillion. Le mot-clé étant “s’inspire de” et non “repompe éhontément”.

Ne nous leurrons pas non plus: Moon Safari n’est pas le groupe le plus original qu’ait pondu le rock progressif ces dix dernières années et, par moment, les influences que je mentionnais précédemment peuvent se faire fort présentes. Mais, sur l’ensemble de l’album – et [blomljud] ne fait pas moins de cent minutes –  ce ne sont que quelques instants: telle harmonie vocale, tel solo de clavier.

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Scott Pilgrim

Je ne sais pas si le film Scott Pilgrim vs. The World sera bien, mais sa bande-annonce aura en tous cas eu pour effet de me faire acheter l’intégrale de Scott Pilgrim, la bande dessinée du canadien Bryan Lee O’Malley sur laquelle il est basé. Ça et les articles dithyrambiques parus sur divers sites que je fréquente.

De la schizophrénie des réseaux sociaux

Social Network Hub

À l’origine, une des révolutions promises par le Web 2.0 et les réseaux sociaux, c’est d’amener la “sagesse des foules” aux médias. Un média traditionnel, c’est bien souvent un axe de communication à sens unique: des élites vers la plèbe (oui, je caricature, mais c’est juste pour donner l’idée); les réseaux sociaux avaient pour idéal de donner la parole au plus grand nombre et de créer des conversation transversales qui, sans exclure complètement les élites, les dépossédaient de leur rôle directeur pour en faire juste une voix parmi d’autres.

Prog-Résiste

Alors que je me demandais ce que j’allais bien pouvoir écrire, est arrivé dans ma boîte aux lettres le nouveau Prog-Résiste, fanzine belge de rock progressif. Double bonne pioche: d’une part, avec la palanquée d’albums y critiqués, je vais bien en trouver quelques-uns à chroniquer moi-même et, d’autre part, ce numéro 61 marque le quinzième anniversaire de ce trimestriel (comptez vous-mêmes), ce qui constitue une excellente occasion de vous en faire l’article.

Division By Zero: Tyranny of Therapy

La Pologne, l’autre pays du métal. Et du prog. Impressionnant la quantité de groupes de qualité que ce pays est capable de produire. Sur la base de leur premier album Tyranny of TherapyDivision By Zero (leur site MySpace est plus à jour, avec notamment l’annonce d’un nouvel album) est un groupe qui n’a pas à souffrir de la comparaison avec certains de ses compatriotes prestigieux, comme Indukti, Votum ou Riverside.

Tiens, parlons donc un peu de Riverside: il est clair que c’est une des influences majeures du groupe pour ses vocaux clairs (non growlés) et le mélange de mélodies progressives suivies de gros riffs qui tachent (par exemple sur “Your Salvation”). Car Division By Zero, c’est certes du métal progressif, mais c’est nettement plus métal que prog, et même très très technique, parfois à la limite de l’expérimental façon Spiral Architect.

On peut aussi citer Evergrey et Opeth dans les influences, mais ce qui impressionne chez Division By Zero, c’est comment ses influences somme toute très diverses se mélangent pour donner une nouvelle sauce qui n’hésite pas à passer abruptement d’une ambiance à l’autre avec une virtuosité qui donne un peu le tournis.

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Scandinavia and the World

C’est sur RPG.net que j’avais vu pour la première fois quelques extraits de ce sympathique petit webcomic, Scandinavia and the World. L’idée de base n’est guère plus compliquée que la représentation des relations entre les pays scandinaves (Danemark, Norvège, Suède, Finlande et Islande) et avec le reste du monde sous la forme 1) de personnages censés représenter chaque pays ou région, 2) de stéréotypes tournés en dérision et 3) d’allusions salaces.

Izz: The Darkened Room

Ça faisait un moment que le nom Izz flottait au milieu dans mes recommandations Last.fm. L’été étant en général une période calme en matière de nouveautés musicales, je me suis lancé et ai acheté The Darkened Room, leur dernier album en date. On ne sait jamais: c’est comme ça, l’année passée, que j’ai découvert Indukti.

Paf! Encore un groupe de rock progressif génial que l’on m’avait caché. Certes, les New-Yorkais de Izz sont loin d’atteindre le degré d’originalité des fous furieux venus de Pologne. On est même dans le prog symphonique classique, fortement inspiré par les grands anciens – Yes et Emerson Lake & Palmer en tête – mais c’est superbement fait, suffisamment en tous cas pour que les inspirations sus-mentionnées ne restent que cela et qu’on ne s’enfonce pas dans la tendance à la copie plus ou moins bâclée que pratiquent tant de groupes récents du même genre.

The Darkened Room regorge de morceaux courts, aux mélodies imparables, yessiennes en diable et pourtant avec toujours leur personnalité: “Swallow Our Pride”, qui ouvre l’album, ou “Ticking Away”, ainsi que d’instrumentaux à l’inspiration plus ELP tel “Can’t Feel the Earth I”. Il y a quelques morceaux plus longs, qui permettent au groupe de déployer plus avant sa virtuosité et son savoir-faire en matière de compositions complexes, mais j’ai l’impression qu’Izz est un des rares groupes de prog à exceller dans l’exercice de la chanson “short and sweet”: cinq minutes maximum, mais que que du bonheur.

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La méthode Zaitoichi contre la méthode spaghetti

Dans son dernier billet en date, Éric Nieudan, biclassé rôliste/romancier, parle de sa méthode d’écriture, dite méthode Zaitoichi. Je vous la fais courte: l’idée est de vaincre l’angoisse de la feuille blanche en écrivant “à l’aveugle”: sans voir d’écran ou de support. C’est plutôt malin et, pour moi qui n’ai absolument aucune méthode d’écriture sinon de jeter des mots sur le premier traitement de texte venu, ça m’impressionne toujours un peu.

 

Sky Crawlers

Dernier film en date de Mamoru Oshii, réalisateur japonais auquel on doit les films Ghost in the Shell ou Patlabor, Sky Crawlers est une tuerie visuelle de près de deux heures, qui propose dans un XXe siècle uchronique, la vision d’une guerre contrôlée et de combats aériens à couper le souffle. Quel dommage que ce soit la seule chose qu’il faille en retenir.

Le gros problème d’Oshii est que c’est un réalisateur qui aime le contemplatif, mais qui filme des histoires truffées d’action. Du coup, on se retrouve avec des films à la limite de la schizophrénie – et pas toujours du bon côté. Dans cette optique, Sky Crawlers est assez typique: s’il comporte des scènes de combats aériens à couper le souffle, plus de la moitié des deux heures du film doivent être composée de plans fixes ou de panoramiques sur des paysages, certes somptueux, mais vides.

Quelque part, ça ne devrait pas m’étonner: le cinéma japonais, à l’instar de la bande dessinée japonaise, a sa propre façon de raconter des histoires – mélange de contraintes techniques, commerciales et culturelles; je soupçonne que la pratique du zen doit y être pour quelque chose. Ça ne m’empêche pas d’être déçu par ce film.

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