Agir, rêver peut-être…

Il y a peu – genre, mercredi 9 novembre, j’ai eu quelques échanges un peu vifs sur les réseaux sociaux avec certains de mes contacts. Un de ceux-ci concernaient un article récent de Ploum, intitulé (Ré)apprendre à rêver, et qui avait été qualifié de “platitude dépolitisante”.

Sur le moment, j’ai préféré sortir du débat. Au vu de l’ambiance, je craignais d’avoir des arguments peu diplomatiques.

La question mérite néanmoins d’être posée: en quoi rêver ne serait-il pas un acte politique? Personnellement, j’irais jusqu’à affirmer que c’est parce qu’elles ne rêvent plus – ou plus assez – que les différentes forces progressistes sont en train de se bananer la gueule.

Au début du XXe siècle, on avait des partis conservateurs qui, comme leur nom l’indique, étaient favorables au statu quo. Sont arrivés des formations progressistes, qui promettaient une nouvelle société, une nouvelle vie; du rêve, quoi. Le souci, c’est que ces formations ont gagné: la vie s’est effectivement améliorée au cours du siècle, la société a changé.

C’est un souci, parce que soudainement, le rêve de ces formations est devenue une réalité et, de rêveurs et d’idéalistes, beaucoup des politiciens issus de leurs rangs sont devenus des gestionnaires. En d’autres termes, ils entretenaient un nouveau statu quo.

Et, dans le même temps, les formations conservatrices se réappropriaient le monde du rêve – rebaptisé depuis “storytelling“. Leur narration promettait également une nouvelle société et une nouvelle vie, à ceci près que c’était – dans les grandes lignes – celle d’avant. Un âge d’or mythique loin des lourdeurs du système habituel, un retour aux valeurs d’antan. L’ancien statu quo contre le nouveau statu quo, en quelque sorte.

À l’heure actuelle, la politique est en grande partie une affaire de fiction; la vérité, les faits sont hélas devenus accessoires. Du coup, c’est celui qui a la fiction la plus “vendeur” qui gagne – et qu’importe si ça ne tient pas debout trente secondes, on pourra toujours blâmer ceux qui étaient là avant.

Du coup, quand Ploum dit qu’il faut réapprendre à rêver, je n’y lis pas autre chose qu’une exhortation à appréhender la politique avec une narration forte, une vision d’un nouveau monde encore meilleur, encore plus enthousiasmant. Au reste, avoir une vision, n’est-ce pas ce que l’on demande aux chefs?

D’une certains manière, c’est ce que je fais quand j’écris de la (science-)fiction, comme Progressions; c’est aussi ce qu’a récemment fait mon confrère en rôlisterie Arnaud Cuidet avec son texte France 2020, où il imagine une victoire de Jean-Luc Mélanchon et ses conséquences.

On peut déplorer que la politique soit devenue une histoire de narration, mais la vérité est que ça a toujours été le cas. Aujourd’hui, pour contrer les conservateurs et les néofascistes qui prennent de plus en plus leurs aises dans le paysage, il va falloir un peu plus que des faits et des chiffres. Il va falloir que nos rêves soient plus forts que leur cauchemar.

(Photo: NottsExMiner via Flickr sous licence Creative Commons, partage dans les mêmes conditions.)

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