Un auteur est-il forcément masochiste?

Vous l’aurez compris au titre: je trolle un peu. Je reviens aussi sur un sujet sur lequel j’ai tendance à faire une fixation: la place de la critique dans la création. La faute en revient conjointement à Fabrice Colin, qui a écrit sur son blog (please follow) the golden path l’article par pitié ne me faites pas de mal, et à Laurent Kloetzer, qui l’a partagé.

Fabrice revient sur un aspect des critiques qui est assez peu connu et, effectivement, assez haïssable: celui de mettre en avant ces dernières pour se faire mousser et, surtout, de laisser ses fans aller tabasser celui qui aurait eu l’outrecuidance de dénigrer le Maître.

Je ne sais pas à quel point c’est répandu, je sais juste que j’en ai été “victime” moi-même, mais en même temps, si je n’avais pas vu complètement par hasard le lien arriver dans mes statistiques, je n’en aurai sans doute jamais rien su, car tout se déroulait sur réseau social, dans un groupe semi-privé.

Sur ce coup-là, je me suis bien gardé d’intervenir, d’une part parce que je n’avais pas envie de m’inscrire sur le groupe rien que pour troller la meute, mais aussi parce que mon blog est un blog, et si on veut remettre en question mes connaissances musicales, mon talent d’auteur/blogueur, voire mon ascendance, on peut très bien le faire là-dessus. Il y a des commentaires, c’est aussi fait pour cela.

Tout ceci pour dire que je m’en fous un peu. Mais, en même temps, je considère que c’est la règle du jeu: quelqu’un qui crée et qui publie met, d’une certaine manière, ses organes sexuels sur la table et, à cette aune, une critique est une publication comme une autre. Les critiques sont donc critiquables, les miennes comme les autres.

Alors oui, on prend des coups. Mais c’est fait pour. C’est une Bonne Chose. C’est un peu notre côté maso de créateur: ça fait du bien quand ça fait mal. Même une critique méchante, pure mauvaise foi coulée dans le bronze, peut apporter quelque chose – probablement plus sur la personnalité de son auteur que sur le contenu, mais passons.

Et puis, j’ai tendance à croire que la calomnie est préférable à l’oubli. Je suis un grand naïf. Ou j’ai le cuir plus dur que je ne le pense.

(Image via Wikimedia Commons, sous licence Creative Commons, partage dans les mêmes conditions)

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7 réflexions au sujet de “Un auteur est-il forcément masochiste?”

  1. Le cuir plus “dire” ? ou le cuir plus “dur” ?

    Tes remarques vont dans le sens de la mouvance “buzz” où quoi qu’on en dise, l’important est qu’on en dise plus que ce qu’on en pense. Personnellement, je n’aime pas du tout cette vision des choses. Même si l’on accepte que la “culture” puisse être aussi bonne que mauvaise, de mon point de vue d’auteur, un troll reste un troll, quelque chose de non-souhaitable car avilissant et sans effort construit de réflexion.

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    • Bien sûr, c’est “dur”; le lecteur aura corrigé de lui-même (et l’auteur aussi, du coup).

      Pour ce qui est de la question du buzz, je ne suis pas tout à fait d’accord. Même un troll peut apporter matière à réflexion, il suffit de savoir analyser. Un “bon” troll doit savoir taper raisonnablement juste, pour rester crédible.

      Mon intérêt n’est pas tant pour le buzz, mais pour le retour – même s’il est haineux ou de mauvaise foi. Il y a toujours quelque chose à apprendre (ne serait-ce que le fait que le trolleur est un gros con).

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      • Je n’arrive pas à nuancer comme toi la question du troll. Un troll dont il y a quelque chose à tirer n’est pas un troll. Cette catégorisation n’a de sens que si l’intervention est inscrite dans la “pourrification” et la provocation gratuite. En revanche, on peut se demander pourquoi on se fait troller, ce qui n’est immédiatement instructif en rien tellement la “haine ordinaire” se passe de la moindre explication ou alors à conclure que le trolleur est un gros con, comme tu dis, ce qui n’est pas révélateur de ton travail (sinon qu’il attire les gros cons).

        Dans l’absolu je suis d’accord pour dire que tout retour est instructif, mais faire la part des choses entre le retour haineux et non argumenté mais justifié et le pur troll me paraît être une perte de temps. Le dialogue est déjà rompu dès ce moment (ne s’est même probablement jamais établi) et il est illusoire de chercher à le rétablir (ou à l’engager).

        A cela j’ajoute, pour être plus en phase avec le sujet, qu’un auteur, comme tout artiste, se perd dans un travail ingrat. A moins d’être façonné par l’opinion publique, l’artiste n’a que peu de chance de faire connaître l’ensemble de ce qu’il produit. C’est donc d’autant plus dévalorisant quand il se fait troller pour le peu qu’il expose. Continuer malgré cela n’est pas forcément faire preuve de masochisme. Cela dépend si c’est la reconnaissance qui l’encourage dans sa voie ou pas. Le troll pourrait être vu comme une forme de reconnaissance, et c’est ce que tu évoques finalement pour toi, car il n’y a en effet aucun intérêt pour un troll à troller quelque chose qui ne mérite pas d’être vu/su. Ai-je bien saisi ton propos ?

        Je suis personnellement incapable de dire ce que j’en retirerai si j’étais dans ton cas. Je ne crois pas être masochiste, j’aurai plutôt tendance à être aveugle à la critique haineuse (et aux trolls en particuliers), et je n’en tire rien d’autre que du mépris.

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        • D’un côté, je suis sur Internet depuis suffisamment longtemps pour que les trolls ne me fassent plus peur. De l’autre, je n’ai pas exactement un niveau de notoriété assez élevé pour en attirer beaucoup.

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  2. Tu es plus maso que moi, mais je confirme, quand on crée, et qu’on expose ce que l’on crée, ça revient à admettre de se foutre à poil dans une foule armée de pierres, en espérant ne pas trop se faire lapider.

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  3. Je mettrais un bémol sur la grosseur des organes génitaux en fonction du type de création, tout de même. Se faire lyncher sur une critique de blog, qu’on écrit souvent au gré de l’humeur en une heure de temps, c’est tout de même différent qu’un roman pour lequel le nombre d’heures de travail est innombrable et le pourcentage d’intime forcément plus important. Comme dit Psychée, se foutre à poil dans une foule armée de pierres.

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    • C’est vrai, mais je me dis aussi que les auteurs de critiques devraient aussi sentir un peu de responsabilité dans ce qu’ils écrivent.

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