Tigres Volants et la culture de l’échec

Tigres Volants lite (PDF) est un système qui me prend un peu, pour rester poli, comme une envie de pisser. D’un coup, je réfléchis à un truc et les idées s’enchaînent, parfois sans queue ni tête. Par exemple, récemment, je me suis mis à penser à un élément de la mécanique de Tigres Volants qui est notoirement absent de sa version lite: la notion de culture.

Entre deux parties de Dungeon Crawl, j’ai commencé à réfléchir mollement sur la façon l’intégrer dans les règles et, brusquement, je me suis rappelé d’une conversation que j’ai eue avec des potes, je ne sais plus trop quand – Antoine et Oliver à Lausanne, Brand ou Eric Nieudan en Belgique, va savoir! – et qui avait mentionné en passant certains jeux qui accordaient aux personnage, au lieu de jets de dés, un certain nombre de réussites.

Là où a m’a fait tilt, c’est qu’à mon avis, un tel système me paraît nettement plus adapté à Tigres Volants lite que l’actuel qui demande aux joueurs de lancer tous les dés. L’idée est que les compétences ne sont plus représentées par un score au dé, mais par un nombre de réussites. Par exemple, une pour le niveau zéro, trois pour le niveau 1, six pour le niveau 2, neuf pour le niveau 3 et douze pour le niveau 4 (équivalent aux niveaux -3, 0, +3, +6 et +9 de l’ancien système).

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“Things That Never Were”, de Matthew Rossi

Si vous êtes un fan de Suppressed Transmission et de Ken Hite en général, vous allez adorer Things That Never Were, de Matthew Rossi. Ou le détester, c’est selon. La raison en est que ce bouquin aux 260 pages assez denses, divisé en une quarantaine d’articles de taille variable, reprend des principes similaires à ceux qui fondaient la rubrique hebdomadaire de Ken Hite, publiée en son temps dans le magazine Pyramid, sans en avoir nécessairement la même qualité.

Histoire parallèle, histoire cachée, uchronie, mythologie, occultisme et fantastique contemporain sont certes au rendez-vous et, de ce point de vue, les amateurs vont se régaler. Là où ça coince, c’est la forme. Je passe sur l’océan de typos et d’à peu près linguistiques qui menace à chaque page de submerger le texte (j’exagère, mais pas beaucoup), ce qui risque d’être plus gênant pour le fan de base, c’est l’impression que Matthew Rossi fait du Ken Hite sans être Ken Hite.

Bon, ça m’a un peu gêné au début, mais assez rapidement, je me suis rendu compte que l’auteur a son propre ton, ses propres idées et son propre style – moins rigoureux, plus littéraire, plus poétique aussi. Et surtout que ses idées ne sont pas moins barrées et érudites que celles de son modèle (je doute que Rossi ignore l’existence de Hite, vu qu’il le cite et mentionne à un moment avoir une impressionnante collection de jeux de rôle auxquels il ne jouera jamais; bienvenue au club!).

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X-Men: First Class

Trop de mutants tue les mutants. C’est la réflexion première que je me suis fait en sortant de la séance ciné de X-Men: First Class hier soir (choix principalement dû au fait que ce film-ci n’était pas en 3D). Cette prequel de la série se déroule en effet au début des années 1960 et raconte les premiers pas des pas-encore-X-men dans l’aventure des gens avec des pouvoirs abscons, des noms de code bizarres et des costumes discutables.

Et, du coup, on a beaucoup moins des zozos à pouvoirs, ceux-ci sont donc mieux ancrés dans le réel (et, dans le cas présent, dans la crise des missiles cubains, en 1962) et on évite le nawak des deuxième et troisième épisodes de la série. C’est un peu comme les histoires de vampires et autres créatures surnaturelles, en fait: c’est intéressant quand ça ne concerne qu’une microscopique portion de l’humanité, le gros de la population restant ignorant de leur existence; quand tout le monde, son petit frère et son chien peut s’échanger des boules de feu, passer à travers les murs ou sauter par-dessus les immeubles, ça perd beaucoup de son intérêt.

Pour en revenir au film, je l’ai donc trouvé beaucoup plus agréable que les deux précédents. Il n’est pas au niveau du premier, mais il s’en approche; il a en tous cas cette dimension plus crédible, plus ancrée dans le réel, que les deux suivants. Il a aussi un petit côté jamesbondien, mais je suppose que ça tient beaucoup aux costumes très d’époque. C’est un choix personnel, mais je préfère nettement ce style plus “réaliste” dans les approches de films de super-héros, ou alors il faut y aller plein pot dans le “quatre-couleurs” et la surenchère.

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Je ne fais pas de politique: je crée

Civilization Board Game Table

En m’intéressant à la politique, j’essaye de comprendre comment les choses fonctionnent (ou, le plus souvent, comment elles ne fonctionnent pas); couplé avec des études d’histoire, ça permet aussi de voir quel est le poids de traditions et de pratiques passées – et souvent dépassées.

Spynest Mission 1: Birdwatchers

“Birdwatchers”, premier tome de la série Spynest, est un jolie tranche de pulp Seconde Guerre mondiale, avec un héroïne navajo à la plastique improbable, un Ian Flemming (oui, le créateur de James Bond) en agent secret britannique raisonnablement compétent et à peu près toute la panoplie des clichés sur les Nazis.

Unexpect: Fables of the Sleepless Empire

Comme son nom l’indique. Unexpect, groupe canadien à la capitalisation volatile est du genre à donner dans l’imprévisible expérimental bizarroïde, comme le prouve leur dernier album en date, Fables of the Sleepless Empire. Officiellement, Unexpect fait du death métal et c’est vrai qu’il en a certaines des marques, notamment les vocaux hurlés; dans les faits, Unexpect fait tout, n’importe quoi, son contraire et, de préférence, les trois en même temps.

Une critique de l’album parlait de “carnaval dans les neuf cercles de l’Enfer” et c’est vrai que la métaphore est assez bien trouvée: on pense un peu à Dimmu Borgir, beaucoup à Diablo Swing Orchestra, avec peut-être une touche de The Gathering pour certaines parties moins cacophoniques (comme le début du premier morceau, “Unsolved Ideas of a Distorted Guest”). Autant le dire tout de suite: elles sont rares. Autant dire que ce n’est pas exactement du métal plan-plan pour pères de famille.

Survolées par un violon encore plus cinglé que celui d’Indukti et dominé par la voix fort variable de Leïlindel, les compositions d’Unexpect sont un grand moment de nawak plus ou moins contrôlé, où les riffs les plus techniques côtoient les délires aux claviers et les rythmiques démentes. S’y ajoutent des éléments électro-techno-éthno-jazzo-bizarro-bizarres, notamment sur la surexcitée “Quantum Symphony”.

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Le starport et le starport

Je fais souvent des rêves étranges et pénétrants. Je n’en parle pas dans ce blog parce qu’en général, ils n’ont soit aucun sens qui vaille la peine d’être relevé, soit parce qu’ils concernent des sujets que je me refuse à discuter en public, ma grivoiserie ayant ses limites. Le plus souvent les deux à la fois, ce qui n’est vraiment pas agréable.

Cette nuit cependant, au milieu du galimatias subconscient habituel, une image claire et forte m’est apparue. Je me trouvais sur une structure, une île – peut-être artificielle – dans une baie. Cela semblait être un port pour navires, mais également pour quelques engins volants; je me souviens y avoir vu une soucoupe volante atterrir. La structure était en bois, pierre et toile, dans une architecture rappelant assez le style éco-chic qui est en vogue ces jours. Face à moi, sur une des rives, il y avait un immense aéroport/starport, avec un trafic très intense: avions et vaisseaux s’y posaient et décollaient à une cadence effrénée.

La structure était typique des aéroports modernes, avec des touches futuristes. J’avais la sensation que le port sur lequel je me trouvais était en même temps un concurrent à celui d’en face et une sorte de point de passage obligé. Dans le demi-sommeil qui précède le réveil – quand celui-ci n’est pas forcé par une sonnerie stridente, s’entend – j’ai commencé à rationaliser les images que j’avais vues. Rarement je n’avais pas eu l’impression d’avoir, un bref instant vécu dans l’univers de Tigres Volants.

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Quantum Fantay: Bridges of Kukuriku

À l’écoute de Bridges of Kukuriku, dernier album en date de Quantum Fantay, nombreux sont sans doute ceux qui ont hurlé au plagiat, tant il ressemble à du Ozric Tentacles: même space-rock déjanté, mêmes virgules électroniques qui partent dans tous les sens comme autant de feux d’artifice, même flûte, le tout, sur le même fond de rock limite métal. Personnellement, je le vois plutôt comme un passage de relais.

Alors que le groupe anglais aligne bientôt trente ans d’existence et, sans vouloir médire, commence un chouïa à tourner en rond (je n’ai pas été très convaincu par leur dernier album, The Yumyum Tree), les p’tits Belges qui montent se lancent dans l’aventure avec enthousiasme et, au fil des ans, de plus en plus de maturité. J’avais quelques réserves sur les précédents albums de Quantum Fantay, elles sont complètement dissipées à l’écoute de Bridges of Kukuriku.

En six morceaux qui, à une exception près, font entre huit et neuf minutes, Quantum Fantay pose les contours de son univers musical: une version modernisée et très rock de ce qui aurait pu être la bande-son d’un film de science-fiction expérimental des années 1970, mélangeant le rock psychédélique de Hawkwind, le rock progressif de Yes ou de Genesis, le rock électronique de Tangerine Dream et des éléments plus hard-rock; “Portable Forest” est peut-être l’exemple le plus marquant de ce style.

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“Les nouvelles aventures de Harry Dickson”, de Gérard Dôle

Il y a pas mal de petites marottes sur lesquelles je peux devenir un peu concon (par opposition à mon état normal: con tout court); le personnage de Harry Dickson en fait partie. C’est pourquoi, de passage à Trolls & Légendes (sur le stand du chanteur de Borrachoz, d’ailleurs), j’ai raflé les trois volumes des Nouvelles aventures de Harry Dickson signés Gérard Dôle et parus aux éditions Terres de Brume: Le vampyre des Grampians, Le loup-garou de Camberwell et Le diable de Pimlico. Je n’aurais peut-être pas dû: ils m’agacent.

Je me rends bien compte que le problème vient peut-être du fait que j’ai lu assez peu des histoires “originelles” (si on peut utiliser ce terme pour parler d’une série qui est passée entre tant de mains), mais là, j’ai l’impression de lire une caricature. Le grand détective est brutal, cruel et moqueur, son apprenti Tom Wills a tout de la demoiselle en détresse, façon potiche, et les intrigues se résolvent par tellement de deus ex machina qu’on a l’impression que la machine en question est un distributeur automatique bloqué en flux continu.

Cela dit, hormis des conclusions que n’auraient pas reniés les auteurs de Scooby-Doo, les intrigues en elles-mêmes sont loin d’être inintéressantes, mêlant motifs humains et sordides et une touche de fantastique horrifique. Pour le rôliste moyen en manque d’inspiration pulp, il y a là matière à quelques dizaines de scénarios dans le décor de la Grande-Bretagne de l’Entre deux guerres. Encore que ce décor reste singulièrement flou, sinon pour décrire des bas-fonds sanieux et une faune faite de marins cosmopolites, de chiffonniers errants et d’ouvriers immigrés (qui n’ont que là où aller).

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Barði Jóhannsson: Selected Film and Theater Works

Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive, mais Selected Film and Theater Works de Barði Jóhannsson est arrivé plus ou moins tout chaud dans ma boîte à emails cette semaine (modulo les balises d’identification des MP3, qui étaient aux fraises). Ça surprend, mais ça fait toujours plaisir – ce d’autant plus que le service presse avait fait son boulot et jeté un peu plus qu’un rapide coup d’œil à mon blog.

Du coup, la musique du ci-devant Barði Jóhannsson, citoyen islandais m’est plutôt agréable, ce qui – je rassure mes fans (les deux qui reste) – est la raison qui motive cette brève chronique et non un quelconque intéressement financier (le contact de la maison de disque n’ayant même pas fait usage du bouton Flattr, c’est dire!).

Donc, Barði Jóhannsson. L’album est, comme son nom l’indique, une compilation qui propose pas moins de dix-huit morceaux extraits de ses musiques pour films, documentaires, pièces de théâtre – principalement les pièces de théâtre Museum of the Sea et Hedda Gabbler, qui forment plus de la moitié de l’album. Ce sont des compositions instrumentales calmes, souvent minimalistes, interprétées principalement au piano et violon (et rarement plus); elles sont plutôt courtes: aucune ne dépasse les cinq minutes et c’est plutôt entre une et deux.

Je ne connais pas la plupart des films mentionnés ici, mais j’ai dans l’idée que ce ne sont pas des thrillers d’action signés Michael Bay; l’exception est Häxan, mais d’une part il s’agit d’un film de 1922 et, d’autre part, la version que j’ai vue devait avoir la musique de Daniel Humair. Pour rester dans les comparaisons islandaises, on est carrément plus proche de Sigur Rós que du “Army of Me” de Björk. Ou de certains vieux albums de Mike Oldfield (mais c’est moins islandais).

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En jeu de rôle, la faiblesse est une force

Le blog rôliste de Rob Donoghue, Some Space to Think, propose un excellent article intitulé The Meek Shall Inherit The Tabletop sur la notion de faiblesse dans le jeu de rôle. Je vous la fait courte: non seulement le jeu de rôle est un jeu où il n’y a pas de gagnant, mais il va jusqu’à dire que les joueurs qui sont prêts à échouer volontairement y sont les vrais gagnants.

L’idée est classique, limite Captain Obvious dite comme ça, mais mérite d’être exprimée car elle est intéressante et, à mon avis, primordiale pour comprendre l’intérêt ludique du jeu de rôle. Elle se rattache au fait que le jeu de rôle est une forme de narration: les personnages qui se gaussent de toutes les difficultés et qui gagnent tout le temps sans péril, cela fait un moment que ça n’intéresse plus grand-monde (à part les auteurs de fan-fiction créateurs de Mary-Sue). C’est pour cela qu’un personnage comme Honor Harrington n’est plus intéressant, car elle surclasse tout le monde.

Pour qu’une histoire devienne intéressante, il faut de l’adversité et, donc, de la faiblesse. Les héros les plus marquants ne sont pas les surhommes, mais les êtres faillibles qui réussissent malgré leurs défauts et non grâce à leurs forces. La conséquence, c’est que dans ce genre de contexte, la notion d’équilibre de jeu meurt dans d’atroces souffrances, surtout si elle n’est pensée que pour une seule condition (au hasard, le combat). Ce qui n’est un problème que si ce n’est pas quelque chose qui est clair pour tout le monde, meneur et joueurs – ce qui hélas arrive plus souvent qu’on ne le pense.

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RED

Frank Moses est en apparence un retraité tout à fait banal, à la petite vie réglée comme du papier à musique – jusqu’au jour où un commando essaye de l’éliminer et se fait tailler en pièces. Car Frank Moses n’est pas tout à fait un retraité banal, c’est un ex-agent de terrain de la CIA, classé RED: Retraité Extrêmement Dangereux.

L’inanité profonde des programmes de cinéma genevois nous a valu de passer à côté de cette perle lors de sa sortie en salle; erreur réparée et c’est tant mieux! Inspiré d’une bande dessinée scénarisée par Warren Ellis – dont elle ne reprend que le principe de base, ce qui est assez heureux – RED est un scénario Feng Shui qui ne demande qu’à être écrit: une brochette de Vieux Tueurs (basés plus ou moins sur les archétypes du Vieux Maître et du Tueur) et une Madame Tout Le Monde cherchent à savoir qui essaye de les tuer et pourquoi.

Bruce Willis, John Malkovitch, Morgan Freeman et Helen Mirren s’en donnent à cœur joie dans ce réjouissant pastiche de films d’espionnage (qui fait plus d’une fois référence à James Bond, ne serait-ce que par les thèmes musicaux). Les fringuants (et flinguants) papys font tourner en bourrique toutes les agences gouvernementales, et échafaudent des plans dont même les plus blasés des joueurs ne voudraient pas.

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L’Auberge du joyeux condamné

Voici un billet qui va réveiller des souvenirs chez ceux de mes lecteurs qui ont beaucoup de peuxeux (en termes non-rôlistes: les vieux). Le plan de salle de la convention Trolls & Légendes a réveillé en moi le souvenir de l’Auberge du joyeux condamné, une forme de donjon pas comme les autres à mi-chemin entre le jeu de rôle et le jeu de plateau, jouée notamment par correspondance du temps de Plié en deux.

Comme il semble ne plus en exister aucune trace sur le réseau, je me suis dit qu’il était temps de rectifier cette injustice et, puisque les zombies sont à la mode, de ressusciter les morts. Ce billet est donc un travail d’historien; il faut bien que je justifie mes longues années d’errance universitaire. Et, comme tout travail d’historien, il n’est définitif que tant qu’il n’est pas contesté par des Gens Qui Savent Mieux; donc si votre Alzheimer est moins précoce que le mien, n’hésitez pas à me corriger.

Donc, l’Auberge du joyeux condamné est née dans l’esprit malade, enfumé, alcoolisé, barrez les mentions inutiles, du ci-devant Rascal, Pascal Cretton pour les intimes et les fichiers occultes de la Confédération. L’idée est la suivante: dans une auberge transformée en arène, des condamnés s’affrontent dans une joute à mort: le dernier survivant est automatiquement gracié. Sauf que tous les personnages commencent avec pour seul équipement que leurs vêtements, et encore.

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