Ce qui me gêne dans le Parti pirate

Aujourd’hui, j’ai fait quelque chose de terrible, qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps: j’ai lu un article du Matin. Oui, je sais et j’ai un peu honte, mais j’ai une excuse: c’était un article sur l’implantation du Parti Pirate en Suisse romande. Car ces braves gens du Parti pirate suisse, solidement implantés chez les Alémaniques-de-chez-Schmidt-d’en-face, vont bientôt ouvrir des antennes locales à Genève, Lausanne et Fribourg.

Au hasard de l’article, j’ai pu lire un échange qui m’a rappelé ce qui me dérange avec cette formation politique:

Quelle sera votre position, lorsqu’il faudra parler d’AVS, d’environnement ou de politique migratoire?
Il n’y aura pas d’avis monolithique du parti. Nos membres voteront en fonction de leurs convictions personnelles. Nos thèmes s’élargiront avec le temps, mais pour l’instant, nous nous concentrons sur les dossiers numériques que nous connaissons bien. Il serait contre-productif d’entrer dans une logique gauche-droite. Nous perdrions une partie de notre électorat.

Mon problème avec cette approche c’est que j’ai beaucoup de mal avec ces partis de niche qui se concentrent exclusivement sur des sujets donnés. Je soupçonne que ça me rappelle le Parti des Automobilistes, de sinistre mémoire (je l’avais surnommé à l’époque – fin des années 1980 – “Auto facho, auto bobo”) et fort heureusement disparu depuis (ou peu s’en faut). De mon point de vue, un parti mono-orienté de ce genre, ça s’appelle un groupe de pression.

En même temps, j’ai bien conscience que c’est sans doute ce que l’on disait des Verts à leurs débuts, mais il me semble aussi que le changement d’attitude du parti, dont les prises de position vont bien au-delà de ce que l’on peut considérer comme le domaine exclusif de l’environnement, y est pour beaucoup.

Je veux croire que le Parti pirate a lui aussi vocation à s’occuper d’une gamme de sujets plus vastes que des questions touchant exclusivement au monde numérique, ne serait-ce que parce que ce dernier va continuer à prendre une place toujours plus importante dans notre vie, mais, pour le moment, j’ai un peu de mal à y voir autre chose qu’un groupe de pression pour geeks et hacktivistes – au demeurant fort sympathiques à ma personne.

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14 réflexions au sujet de “Ce qui me gêne dans le Parti pirate”

  1. La comparaison avec les Verts me semble juste.
    Pour moi le but essentiel est de faire comprendre à tous les partis qu’il y a un capital politique à récolter en prenant la défense des intérêts des citoyens dans les domaines touchant au monde numérique, comme tu dis. Pour l’instant les partis traditionnels ne le font absolument pas, et sont dans la poche des lobbies et de l’administration sur ces sujets.
    Une fois le message clairement exprimé et compris, l’intérêt de ce parti diminuera, mais sa mission sera accomplie.
    Une autre piste serait d’encourager ce parti à mettre en place une plateforme où ses adhérents peuvent voter sur les objets débattus, et où les représentants élus du parti représentent les opinions des adhérents (telles que récoltées à travers cette plateforme) plutôt que les leurs propres (cette dernière option me paraissant en effet un peu mince).

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  2. Honnêtement, je préfère un parti qui déclare officiellement qu’il n’a pas d’avis sur certaines questions qu’un parti qui prend position pour des raisons stratégiques: alliances et autre arrangements. Dès le moment où le parti écologique a pris position en dehors des questions écologiques, on s’est retrouvé avec deux partis, un de gauche, et un de droite…

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  3. Je suis assez d’accord avec tes commentaires, Alias, la politique ne se borne pas à règler un seul thème mais doit proposer une vision globale de projet de société, et du coup cela je n’en élirai probablement jamais aucun, bien qu’ils aient toute ma sympathie.
    Mais je lirai avec intérêt leurs avis sur les thèmes numériques, comme je le fais pour d’autres groupes lors de nos nombreuses votations.
    Mais ceci dit, je pense qu’ils en sont conscients et se structurer en parti leur permet surtout d’avoir une tribune et une petite place dans les medias.

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  4. Itou aussi…
    Je les aime bien, je soutiens leurs idées, j’en connais personnellement avec qui je m’entends très bien. Bref, c’est le bonheur.
    Mais si on veut être un vrai parti avec de la force et du soutien et de la visibilité, ben faut pas se cantonner à un sujet ; surtout quand ce sujet n’intéresse pas de prime abord le péquin moyen. Oui les idées qu’ils défendent vont toucher beaucoup de monde. Mais allez faire comprendre ça au citoyen lambda qui ne comprend pas bien le fonctionnement des NTIC, ne sait pas ce qu’est ACTA ou n’a pas suivi l’affaire Logistep. La visibilité, et donc les voies, on les obtient en parlant aux préoccupations des citoyens (parfois en construisant de nouvelles préoccupations ou en stigmatisant celles qui sont light, comme l’UDC sait si bien le faire). Ici notre Parti Pirate ne vise que les voies des geeks fondus de technologies qui suivent et comprennent leurs préoccupations. C’est certes un bon début, il faut bien commencer quelque part. Mais ils seraient à mes yeux plus crédibles s’ils se prononçaient sur d’autres sujets.

    Sinon, concernant les Verts… A l’heure actuelle, bien que situé plutôt à gauche, le mouvement des Verts ne se veut sur le papier ni de gauche ni de droite. Pour ma part je suis un Vert bien de gauche, mais je connais des gens nettement plus libéraux ou pro-économie ou moins sociaux que moi dans notre parti. Seulement, effectivement, quand on parle de développement durable, il y a 3 composantes, dont la sociale, que l’on ne peut oublier. Et il est prouvé que l’écologie et l’attention aux ressources de la planète nécessite une diminution des inégalités. Donc automatiquement quand on prône ce genre de sujet on se polarise sur la gauche. Reste que je vois mal comment on peut défendre l’écologie tout en prônant le libéralisme mais c’est un autre sujet.

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    • Ce qui me chiffonne dans ton argumentation c’est que tu évinces le troisième point du triangle : l’économie. Développement durable = environnement/social/économie (sans préférence). Or l’économie ne peut s’envisager sans une concentration des capitaux. Pas nécessairement entre les mains d’un (ou plusieurs) individu, mais force est de reconnaître qu’aucun système viable alternatif n’a été proposé (semi-exception faite du communisme … on a dit viable). Je vois donc mal comment on peut défendre l’écologie sans prôner le libéralisme.
      Quant à la preuve que écologie = diminution des inégalités, j’aimerais la voir : une hausse du niveau de vie du tiers monde nous condamnerait (augmentation extrême de la pollution et pression lourdement accrue sur les ressources mêmes renouvelables). La question qui demeure est surtout, comment arriver à une bonne croissance; comment peser les intérêts.
      MJ

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      • Le libéralisme (comme le marxisme) n’a de sens que dans le cadre de ressources infinies.

        Et quand on parle de hausse du niveau de vie, ce n’est pas forcément selon le modèle actuel du PIB, qui est buggé jusqu’à la moelle (en gros, plus tu pollues, plus tu fais monter le PIB).

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        • Je te rejoins tout à fait. C’est ce que je sous-entendais par “bonne croissance”. Je ne suis pas Keynésien pour deux sous.
          Le PIB, en même temps, ce n’est qu’un indicateur, l’empreinte écologique en est un tout aussi buggé, ni l’un ni l’autre ne sont représentatif d’un système.

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      • Je n’oublie pas la composante économique du développement durable, juste que là le sujet était sur l’aspect social. Au contraire je reproche parfois à certains collègues de ne pas assez y penser. Alors certes aucun système alternatif viable n’a été monté. Mais le libéralisme comme on le connait n’est pas non plus viable sur le long terme (finitude des ressources, inconsistance du modèle de l’homo aeconomicus, etc.). Et enfin quand je parle de diminuer les inégalités, je ne pense pas obligatoirement à mettre tout le monde au niveau le plus haut de consommation (par ex limitation de revenus de tops managers)…

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        • Disons que ça dépend de quel libéralisme on parle. Celui des trentes glorieuses n’est plus celui de la révolution industrielle. De même l’économie actuelle se dématerialise comme jamais. Est-ce suffisant ? Je n’ai pas la réponse et le doute plane sérieusement. Les hauts revenus peuvent en effet être contre-productifs mais je ne suis pas certain qu’ils découlent du libéralisme, le show-biz en génère tout autant.

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  5. Il est claire, à mon sens, que le PPS est d’avantage un lobby formé en parti plutôt qu’un vrai vecteur d’idéologie. Il faut toutefois leur reconnaître un mérité: celui de porter à l’attention des autres partis des sujets bien souvent éludés ou traités faussement. Et puis, quel parti n’est pas la vitrine d’un lobby, de nos jours?

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    • Je soupçonne que les lobbies visent plus volontiers les personnes que les appareils politiques. C’est plus facile de manipuler quelqu’un avec qui on a une relation personnelle.

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  6. Ouaip, il faudra voir comme évolue le Parti pirate. Il est vrai que cela peut paraître limité s’il se restreint seulement à des problèmes “numériques”, et cela risque surtout de limiter son électorat. D’un autre côté, quand un parti s’institutionnalise, comme les Verts, il y perd aussi son âme, pour devenir un “machin” comme les autres. En devenant politique, l’écologie a perdu sa composante sociale et c’est bien dommage, car l’écologie sans projet de société ne mène nulle part.

    Pour tout dire, je me suis inscrit au Parti pirate, parce que je suis un geek et parce que l’Internet est un terrain sur lequel se livrent des batailles très importantes par rapport aux libertés individuelles, thème qui m’est cher. Mais je ne suis pas entièrement convaincu. Mon vrai credo est plutôt l’anarchisme, donc un rejet des partis, ce qui devrait être, à mon avis, une culture répandue chez les hackers. Du coup, un Parti pirate qui répondrait à mes attentes politiques serait un parti qui se saborde pour ne pas faire partie du système 😉 Donc, oui, je soutiens le Parti pirate dans une optique de lobbying et aussi parce qu’il fait plutôt anti-conformiste pour l’instant. Le jour où il s’institutionnalise, je n’y serai plus.

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  7. Tiens tiens, je me demande si une histoire de fondateur d’un site piratant des gouvernements lequel serait traqué n’a pas un peu donné des ailes – ou du moins de la visibilité – à ce parti.

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