“Chroniques de Jérusalem”, de Guy Delisle

Je sais, c’est mal: après Pyongyang, j’attaque Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle sans passer par les autres cases et, du coup, c’est le bordel compl… euh, ben non, en fait. Certes, je suppose que si j’avais lu les autres ouvrages à peu près dans l’ordre, je verrais peut-être des choses différentes dans le dernier tome des aventures vécues de ce dessinateur québecois. Peut-être. J’en doute un peu, notez.

Bref. Depuis ses pérégrinations nord-coréennes de Pyongyang, Guy Delisle est devenu mari et père; son épouse, Nadège, travaille pour Médecins sans frontières et part pour une mission de dix-huit mois dans la Bande de Gaza. C’est donc l’occasion pour l’auteur de la suivre et de découvrir le petit monde merveilleux d’Israël et de la Palestine.

Je ne sais pas si c’est par choix ou par malédiction, mais Guy Delisle semble collectionner les régimes paranoïaques, schizophrènes et/ou psychotiques. Les deux autres “carnets de voyage” qu’il a écrit sont sur la Birmanie (Chroniques birmanes) et sur la Chine (Shenzen); à quand l’Iran et Cuba?

Toujours est-il que le côté “candide” de son personnage fait une fois de plus mouche. On découvre, à travers son regard et ses dessins, le quotidien d’une famille d’expatriés dans un pays coupé non pas en deux, mais en une myriade de territoires, de confessions, d’opinions politiques et où on s’attend presque à ce que les gens s’étripent sur la couleur d’un ticket de bus.

Le résultat est un panorama étonnant, jamais tout noir ni tout blanc, rempli de contrastes et de paradoxe: pays laïc où la religion tient un rôle prépondérant, où le conservatisme le plus étroit côtoie la modernité (parfois au sein d’un même individu), état de droit où règne l’arbitraire, mosaïque de nationalités, etc. Le regarde de Guy Delisle va au-delà du cliché.

J’ai lu ça et là que ce regard, fait d’un mélange pas toujours très égal de détachement et d’empathie, a fait grincer les dents de pas mal de lecteurs. Personnellement, je trouve que c’est une démarche qui, au contraire, renforce un sentiment d’honnêteté du propos. Je ne doute pas que Guy Delisle se met lui-même en scène dans ses pages, mais il montre une attitude que je trouve très vraisemblable.

À cet égard, la narration de toute la période qui se passe pendant l’opération “Plomb fondu”, autour de Noël 2009, est impressionnante: elle montre un décalage total entre la population de Jérusalem et de Tel-Aviv, qui regarde d’un air blasé à la télévision les forces israéliennes bombarder la Bande de Gaza avec des moyens complètement disproportionnés. Elle montre aussi, à un autre niveau, certaines réalités de l’aide humanitaire dans ce genre de situations.

J’ai aussi eu la surprise de voir apparaître dans ses pages l’hôpital Augusta Victoria, qui appartient à l’organisation où je travaille. Guy Delisle y passe d’ailleurs pas mal de temps (peu productif, mais baste) au sein d’un atelier installé dans l’église luthérienne. Mention spéciale au pasteur qui lit Hellsing

Avec toutes les limites imposées par le genre, j’ai trouvé que ces Chroniques de Jérusalem sont un remarquable outil pour comprendre un peu mieux la situation en Israël et Palestine – ou, à tout le moins, une certaine idée d’icelle. Mieux vaut, bien sûr, ne pas tout prendre pour argent comptant, mais ça pose un contexte bien plus contrasté et crédible qu’un reportage de trois minutes au téléjournal ou un mètre cube de livres d’histoire.

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2 réflexions au sujet de ““Chroniques de Jérusalem”, de Guy Delisle”

  1. T’aurais pas un correcteur d’orthographe trop agressif? Dans ce texte, tu as “mari et près” et dans celui sur Polymanga, tu parlais de l’interview décalée d’un “managea”. Pour être sûr de ne pas rater un truc, j’ai cherché “managea” sur Google, mais j’ai trouvé des sites de ménage à trois 😉

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