“Communities of Play”, de Celia Pearce et Artemesia

Le moins que l’on puisse, c’est que je ne suis pas un grand fan des jeux massivement multijoueurs – oui, les fameux meuporgues qui fascinent tant la jeunesse d’aujourd’hui. Pourtant, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt Communities of Play, la thèse d’ethnographie de la chercheuse américaine Celia Pearce, qu’elle co-signe avec Artemesia, son avatar.

Avertissement: ce n’est pas neuf. Le bouquin date de 2009 et parle de communautés en ligne qui existaient il y a une bonne dizaine d’années. Par exemple, la thèse est surtout centrée sur les joueurs de Uru Prologue, le MMORPG quasi-mort-né dans l’univers de Myst. Ouais, c’est vieux à ce point!

C’est une communauté qui présente pas mal de particularités peu courantes: déjà, elle se compose de personnes qui, normalement, ne joue que peu voire pas aux jeux vidéos – exception faite de Myst. C’est une population avec une moyenne d’âge plus élevée que la moyenne, et aussi avec une forte proportion de femmes.

C’est aussi une communauté qui a connu un cataclysme – la fermeture des serveurs du jeu avant même son lancement officiel – qui les a conduit à devenir une diaspora présente dans d’autres communautés en ligne. C’est ainsi qu’on suit les membres de The Gathering of Uru – le nom de la diaspora – sur Second Life, sur Things.com, ainsi que sur des recréations (officielles ou non) de Uru.

Au-delà de la narration historique autour de cette communauté de joueuses et de joueurs, Communities of Play apporte pas mal d’éclairage sur l’aspect anthropologique du jeu en général et des jeux en ligne en particulier.

Il y a également une foule d’aspects intéressants sur la nature d’un travail de recherche en ethnologie. On y suit tout autant l’autrice à la recherche d’une méthode de travail qui soit à la fois respectueuse de ses sujets, scientifiquement correcte et intégrée dans la communauté qu’elle étudie. Ce qui équivaut parfois à la quadrature du cercle.

C’est aussi cet aspect qui explique pourquoi Celia Pearce a décidé de signer sa thèse à la fois de son nom et de celui de son avatar, Artemesia. S’il n’y avait pas eu ce dernier pour former une interface entre elle et ses sujets d’analyses – dont beaucoup sont devenus des amis – elle n’aurait sans doute pas pu écrire sa thèse.

Alors bon, il faut un peu s’intéresser à l’aspect “théorisation” du sujet. Si on est allergique aux textes académiques, il y a des passages – surtout au début du bouquin – qui sont un peu rudes. Il y a aussi pas mal de répétitions, mais c’est un peu voulu. En effet, Celia Pearce raconte la même histoire de trois manières différentes: d’une façon scientifique, factuelle et autobiographique.

J’avoue: je suis tombé sur Communities of Play un peu par hasard, au sein d’un Humble Bundle consacré aux théories ludiques, mais je n’en regrette pas la lecture. L’histoire de The Gathering of Uru est riche et racontée de façon prenante; elle est aussi représentative des tous débuts des MMORPG. Il serait intéressant de voir, dix ans plus tard, ce qu’il est advenu de cette communauté dans un contexte changeant.

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