Création de contenu et financement en 2020

Il y a deux ans, j’avais écrit qu’il y a deux ans, j’avais écrit… euh… Bon, bref on est début 2020, c’est le bon moment pour remettre à jour le guide Création de contenu et financement. Oui, je sais: il m’a fallu un moment.

En résumé: si vous êtes un créateur de contenu – n’importe quel genre de contenu – et que vous publiez sur Internet, vous disposez de plusieurs outils et services pour recevoir des dons et des financements.

C’est un tour d’horizon principalement basé sur mon expérience perso. Ça fait un petit moment que je m’intéresse au sujet, mais je ne suis pas forcément un méga-expert, non plus. Si vous voyez des trucs qui manquent, n’hésitez pas à me le mentionner.

Oui, mais pourquoi?

En guise de prologue, la première question que j’entends, c’est “pourquoi est-ce que j’utiliserais ces outils?” Réponse simple: parce que c’est possible.

Pour aller plus loin, il y a deux aspects: soit vous êtes un créateur et ces outils peuvent effectivement apporter un revenu supplémentaire, soit vous voulez soutenir des créateurs que vous aimez et ils sont là pour le permettre. Les deux ne sont bien sûr pas incompatibles.

Après, il ne faut pas se faire d’illusion: en tant que créateur, les revenus que vous pouvez attendre de ces divers outils et services sont directement proportionnels à votre renommée. Je rappelle ici la Deuxième Loi de Doctorow: “La célébrité ne vous rendra pas riche, mais vous ne pouvez pas être payé sans elle.”

Cela dit, le coût initial est minime: la mise en place de la plupart des outils et services que je mentionne peut se faire en une dizaine de minutes.

Services, pluriels

D’abord, il faut s’entendre sur ce que peuvent être ces services et outils. Je reviendrai plus en détail sur chacun, mais je préfère poser dès le départ les bases.

Il y a des services de micro-dons, qui permettent aux utilisateurs d’envoyer et de recevoir des petites sommes, ponctuellement ou régulièrement. Il y a aussi des services de mécénat participatifs, qui sont eux clairement orientés vers le soutien à long terme, avec contreparties optionnelles pour les donateurs. Il y a enfin les services de financement participatif et les cagnottes, qui sont plutôt dédiés à des projets précis et ponctuels.

Les boutiques sont des sites qui proposent des choses à vendre. Elles sont souvent intégrées à d’autres sites (galerie d’image, blog, etc.) et concernent aussi bien les produits physiques que numériques.

Les sites de paiements sont des outils qui, le plus souvent, fonctionnent en marge des précédents et gèrent toute la partie purement banco-financière du processus. Je soupçonne que ce sont des partenaires difficilement contournables pour les services précédemment mentionnés, car leurs services sont plus de l’ordre bancaire et impliquent une rigueur légale et technique que ne peuvent pas toujours avoir les services.

Enfin, j’ai découvert récemment un autre type d’outil. Enfin, un outil qui est techniquement dans sa classe à lui: Retribute.me, un site qui se connecte avec plusieurs services fédérés (Mastodon, Funkwhale et Peertube), pour le moment pour reconnaître les liens vers des services de micro-dons ou de mécénat, ainsi que vers des boutiques.

La publicité

Ça faisait un petit moment que je me demandais combien rapportait la publicité en ligne. J’ai eu un début de réponse via un live de uTip: une vue sur une vidéo de trente secondes, c’est un demi-centime d’euro.

Voila.

Donc, à moins d’avoir un blog à dix mille vues par jour, laissez tomber: c’est moche, plus de la moitié des utilisateurs les bloque (notamment parce que c’est moche) et ça rapporte des cacahuètes.

Il y a un “mais”; je reviendrai dessus plus tard.

Les écosystèmes

Pressformore est “pressformort”, Carrot végète. À mon avis, c’est un modèle qui est mort-né.

Micro-dons

Le concept central derrière les services de micro-dons, c’est que si tu vois un truc qui te plaît, tu as un bouton que tu cliques et ça donne quelques sous au créateur du truc en question. C’est des services qui sont centrés sur les contenus plus que sur les créateurs.

Flattr est un peu le Grand Ancien des services de micro-dons: il existe depuis plus de dix ans. Pour reprendre une expression lue récemment, il sent aussi un peu la marée basse. Bon, je suis sans doute un peu méchant, mais de mon point de vue, c’est un service qui est passé de 15-20€ par mois à zéro depuis deux ans.

Il y a plusieurs raisons à cela. Notamment un hiatus de plusieurs mois qui a probablement été fatal à la patience de pas mal d’utilisateurs, suivi par un changement de paradigme qui, s’il n’est pas idiot, a là encore largué pas mal de monde.

Le concept derrière Flattr, c’est une extension pour navigateur qui enregistre automatiquement les visites sur des sites qui ont activé Flattr. C’est du clic automatique tous les X temps, le X dépendant de plusieurs facteurs.

Dans l’absolu, c’est loin d’être con, surtout lié à un partenariat avec un des bloqueurs de pubs majeurs (AdBlock Plus), mais je me demande franchement qui utilise encore Flattr. Pas mes lecteurs habituels, ça c’est sûr…

ProTip est un service open-source et basé sur Bitcoin. Il fonctionne un peu sur le même principe que Flattr: une extension qui « tipe » automatiquement le contenu sur des pages qui ont activé le système.

Enfin, je devrais peut-être dire « fonctionnait », parce que la page et le projet sur Github n’ont pas bougé depuis 2018.

Parler “d’ancien” pour Liberapay est peut-être abusé, mais le service était déjà présent il y a deux ans. Dans l’intervalle, il a connu de gros soucis que je suppose être d’ordre légal et qu’il a fini par régler en changeant de système de payement.

Liberapay, à la base, c’est un peu l’ancien Flattr en version open-source, avec une touche de mécénat participatif. On peut, par exemple, définir des abonnements (techniquement, sur Flattr aussi), et aussi créer des équipes.

La différence « majeure », c’est que sur Liberapay, les payements sont hebdomadaires et non mensuels. De mon point de vue, c’est un des services les plus convaincants. Déjà, il n’essaye pas de faire autre chose que redistribuer des sous entre donneurs et créateurs et il a pas mal de trucs sympas.

Ko-fi est un sytème dont j’avais entendu parler il y a quelques temps et que je me suis décidé à tester au tout début de l’année. Il semble populaire auprès des créateurs américains, mais je n’ai pas vraiment été impressionné par ce que j’ai vu.

D’une part, le don minimal est de USD 1, ce qui est un peu à la limite ce ce que je considérerais comme un « micro-don ». Ensuite, c’est un service qui a un côté « réseau social », dans l’automatisation. Autrement dit, pour être visible sur sa propre page Ko-fi, il fait entrer les liens à la main.

C’est un peu le même problème avec MyTip, un des deux services français apparus il y a moins d’un an. MyTip demande de créer des « boîtes » avec les contenus et ces boîtes peuvent être « tipées » . Il n’est pas possible de le faire automatiquement et on ne peut tiper que les boîtes.

Par contre, MyTip a récemment introduit un système pour donner du temps (et sans doute un peu de données personnelles, aussi) contre de l’argent. Il est en effet possible de faire un don à un contenu en répondant à un sondage.

Mécénat

Si plusieurs services de micro-dons – Flattr, Liberapay – proposent des dons récurrents, il existe des outils spécifiquement conçus pour organiser des dons à plus long terme. Ces services sont Patreon et Tipeee; ils sont très similaires, sauf que le premier n’existe qu’en anglais et est plus orienté vers un public anglo-saxon et le second, d’origine française, est plus européen, avec des versions en anglais, allemand, italien et espagnol.

Les outils de mécénat se rapprochent des services de financement participatif en ce qu’ils permettent de créer des “paliers” de contribution. La somme mensuelle minimale est souvent de 1 (euro ou dollar), mais une contribution plus élevée permet par exemple d’avoir accès à du contenu exclusif.

Pour le créateur, ce sont des outils qui peuvent être très puissants, très incitatifs, mais qui demandent un poil plus de préparation. Pour présenter son projet, d’abord, puis pour proposer des contreparties supplémentaires qui soient à la fois attractives et raisonnables. Contrairement aux outils de micro-dons, ils sont plus orientés sur les créateurs ou sur les projets que sur les contenus.

À noter que, depuis quelques temps, Tipeee offre également la possibilité de faire un don sans argent, en regardant des vidéos – musicales ou autres.

Enfin, il y a uTip, qui est une plateforme qui est un peu hybride. Techniquement, elle permet des micro-dons, mais aussi des dons récurrents. C’est un service qui est surtout connu pour proposer un système de financement original: la publicité.

Oui, je vous trolle: l’idée est un peu différente des bannières de publicité, puisque les donateurs peuvent choisir, plutôt que d’envoyer de l’argent, de visionner des vidéos publicitaires, que la plateforme rémunère au créateur. Oh, pas grand-chose: entre un et cinq centimes d’euro par visionnage – ce qui est cependant bien supérieur aux tarifs habituels, mentionnés plus haut.

La plateforme propose également une autre source de revenu: la création d’objets personnalisés – t-shirts, tasses, tapis de souris, etc. – via un partenariat avec un service spécialisé. Un peu comme le ferait un Redbubble, mais intégré. Si vous faites du streaming, uTip propose également un overlay.

En conclusion

Le financement de contenu, ce n’est pas sale. Ce n’est même pas réellement difficile. Par contre, c’est vrai que ça demande un peu plus de travail que le simple “poser un bouton sur son site web et attendre la pluie de brouzoufs”.

D’une part, il ne faut pas hésiter à jouer les évangélistes, pour sa propre paroisse d’abord et pour le concept en lui-même. Si personne ne sait que ces outils existent et que vous comptez – un peu – dessus pour avoir un petit bonus de revenus, personne ne les utilisera.

Alors, oui, ça peut faire un peu bobo à l’égo de “demander la charité”, mais on peut aussi le présenter de façon plus positive. Quelque part, ça fait partie de l’aspect “se vendre” et si vous proposez régulièrement du contenu gratuitement sur Internet, pourquoi ne pas proposer à vos admirateurs la possibilité de faire plus qu’un simple “like”?

Par contre, je vous déconseille de faire comme moi et de vous abonner à tous les services possibles et imaginables. Je le fais parce que le sujet m’intéresse et que je veux voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Si je ne devais garder que deux ou trois plateformes, je pense que je ne resterais que sur uTip, sur Liberapay et sur Tipeee. Et encore, Liberapay c’est un peu du soutien à une solution open-source.

Après, ça dépend pas mal de votre public-cible: si vous avez beaucoup d’Américains, Patreon ou Ko-Fi sont peut-être plus adaptés. Et Liberapay a la préférence des dévelopeurs open-source et des réseaux fédérés (Mastodon, par exemple).

Photo: Sam Dan Truong via Unsplash

Pour soutenir Blog à part / Erdorin:

Blog à part est un blog sans publicité. Son contenu est distribué sous licence Creative Commons (CC-BY).

Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.

7 réflexions au sujet de “Création de contenu et financement en 2020”

  1. Je n’ai pas remarqué la dimension européenne de Tipee. La majorité des créateurs/trices que je soutiens sur Patreon sont européens (Serbie, Suède, Suisse, France, Allemagne), peut-être que c’est une plateforme qui s’est imposée pour les contenus sur YouTube…

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    • Ah, c’est étonnant; chez moi, ce sont surtout des auteurs de (web)comics américains, à part le couple Sejic, Humon et Kimmo Lemetti. Le fait est que Patreon ne propose pas, à ma connaissance, sa plateforme dans une autre langue que l’anglais.

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  2. Merci pour ce billet récapitulatif très intéressant.
    Les micro-dons, c’est une question qui me revient régulièrement à l’esprit. J’ignore si c’est réellement intéressant ou bienvenue quand on est amatrice et non professionnelle, ni si ce serait bien vu, malgré le fait que le contenu est libre et gratuit. Peut-être qu’un jour j’envisagerai de sauter le pas, ne serait-ce pour les personnes qui souhaitent montrer leur soutien mais n’osent pas commenter mes bafouilles ?
    J’en profite pour te remercier également pour les différents textes que tu nous partages, c’est un plaisir à lire et j’aime bien ton style !

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    • Merci et bienvenue pour ce premier commentaire!

      À mon avis, il n’y a pas de question de légitimité quand on publie sur Internet. Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne sont pas légitimes (et encore). Partant de là, ajouter un ou deux boutons qui permettent à ceux qui le veulent de donner quelques sous, ce n’est pas vraiment honteux. En plus, ça donne de la visibilité aux services en question, qui sont souvent mal connus des créateurs et du grand public.

      Après, il y a la question de se “vendre” sans être relou·e. Mais ça, ce n’est pas non plus tant une question de légitimité que de savoir-vivre.

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  3. Vu que j’ai déjà la pub wordpress, je vais pas me lancer là dedans…et puis via bandcamp, on peut indirectement me faire un don, ce qu’un lecteur a fait, d’ailleurs.
    Mais c’est.toujours intéressant de voir comment ça évolue.

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