Écoquartiers du XXIe siècle, mentalités du XIXe

Au hasard de mes lectures, je suis tombé sur un article du site français Weka, intitulé Le comportement des habitants est inadapté aux écoquartiers. Il pose que le plus gros problème actuel que rencontre les quelques écoquartiers, c’est que les habitants en sont restés à une mentalité “hachélème” qui n’est pas du tout adapté à leurs spécificités.

L’article cite notamment l’usage de détergents sur des sols prévus pour être nettoyés à l’eau claire, ce qui cause des dégagements d’odeurs désagréables, compensées par des diffuseurs électriques de parfums. Ou les façades végétalisées qui sont perçues négativement.

De mon point de vue, c’était à prévoir. Les quelques écoquartiers dont j’ai entendu parler impliquent un certain nombre de contraintes comportementales, comme par exemple les toilettes à compost de la Coopérative Équilibre ou l’engagement de ne pas avoir plus d’un véhicule automobile par foyer. J’avais eu un peu la même réaction en lisant le magazine Swisstopia 2035 et ses idées urbanistiques.

Or, les gens n’aiment pas les contraintes. En fait, plus généralement, les gens n’aiment pas changer leurs habitudes, surtout si ça n’implique pas une gratification significative et/ou immédiate.

Et le problème n’est pas seulement lié aux habitations: on le retrouve dans les transports (la voiture, c’est plus pratique que les transports publics), la consommation (le supermarché, c’est plus pratique et moins cher que le producteur bio du coin), l’informatique (Mac ou Windows, c’est plus pratique que Linux) ou même la politique.

Lorsque j’ai publié le lien sur les réseaux sociaux, beaucoup de gens ont commenté sur la nature humaine et/ou sur l’approche technocratique qui conduit à des habitations qui ne sont pas prévues pour des vraies gens. Je pense que le problème est ailleurs.

Pas que les deux analyses soient fausses en elles-mêmes: oui, il faut de l’éducation, oui, il faut que les architectes arrêtent de réfléchir à des modèles uniquement théoriques, mais surtout, il faut considérer ces expériences avec un suivi à long terme.

J’avais vu, il y a quelques temps, un reportage sur la construction des HLM en France, dans les années 1950-1960; si ce modèle urbanistique était truffé de défauts, il constituait néanmoins, pour la plupart de ses habitants, une avancée significative et un changement de mentalités conséquent.

Au reste, je soupçonne qu’à l’avenir, les écoquartiers vont constituer plus un laboratoire qu’un modèle et que beaucoup des nouvelles constructions vont en adopter certaines des caractéristiques, sans pour autant pousser les efforts au maximum. Un peu comme les immeubles du Corbusier – la Cité radieuse, par exemple – ont préfiguré les barres d’habitation de la moitié du XXe siècle.

Dans tous les cas, à moins de faire de spectaculaires efforts en matière d’ergonomie, il va falloir que les concepteurs de ces futurs projets songent très sérieusement à un suivi à 20-30 ans, pour accompagner les habitants.

(Image: Écoquartier Vauban, Fribourg, photo par Claire7373 via Wikimedia Commons, sous licence Creative Commons, partage dans les mêmes conditions)

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1 réflexion au sujet de « Écoquartiers du XXIe siècle, mentalités du XIXe »

  1. À mon avis, les réels changements sociaux ont lieux soit parce qu’il y a un gros avantage (confort, économique, légal) ou bien parce qu’une génération s’est écoulée. Ces éco-quartiers n’impliquent aucun de ces deux facteurs.

    Je pense qu’il faut les prendre comme ce qu’ils sont: des prototypes, des laboratoires, et dans ce sens, les échecs sont aussi, voire plus intéressants que les succès.

    Pour le reste, ce qui compte, en écologie, ce sont les nombres plus que les symboles, je vois de plus en plus d’urinoirs sans eau, de panneaux solaires, et lorsque quelques stars ou quelques milliardaires auront des villas avec des façades végétalisées, le stigmate social disparaîtra…

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