Et si le pirate était le meilleur ami de l’auteur?

Certains d’entre vous se souviennent peut-être d’un de mes billets d’humeur, il y a quelques mois, sur ce que j’appelais la frontière grise entre le partage de culture et le foutage de gueule. Ces derniers jours, j’ai vu passer deux informations qui me laissent penser que le message est en train d’entrer, d’un côté comme de l’autre.

D’une part, il y a le billet A comme Alexandriz ! paru sur le blog de Thomas Geha, auteur de plusieurs ouvrages de science-fiction, dont un A comme Alone qu’il décrit lui-même comme un hommage à Julia Verlanger, auteur de la trilogie de La terre sauvage, une série post-apo que j’avais beaucoup aimée.

Thomas a appris fortuitement que le roman en question était présent sur Team Alexandriz, un site qui propose des romans numérisés, dont on dirait par euphémisme qu’ils sont en général mis à disposition sans l’accord nominal des auteurs et éditeurs.

Au lieu de renverser des tables, la bave aux lèvres, et de menacer de rotulectomie les impudents, il les a contacté et l’équipe des pirates a accepté d’ajouter un lien vers son compte PayPal pour accepter des dons gracieux. Résultat? Quinze euros rien que la première journée – plus un buzz conséquent.

La deuxième est venue du blog de Benoit Attinost – pas du blog lui-même, mais d’un commentaire au billet sur lequel il râlait sur ce même sujet du piratage des jeux de rôle: Rêves d’ailleurs, un des forums incriminés, a décidé de revoir sa politique et ne publie désormais que des jeux pour lesquels ils ont reçu l’accord du ou des auteurs. Franchement, je trouve ça cool.

Bon, je ne vous cache pas que, de mon point de vue, le problème majeur du piratage n’est pas les pirates eux-mêmes, mais l’attitude auto-destructrice des industries culturelles – terme qui, soit dit en passant, comporte son lot de paradoxe.

Cela dit, si les pirates arrivent à se placer sur un point de vue à peu près défendable moralement, c’est mieux. De même, si les auteurs comprennent eux aussi qu’il est dans leur intérêt, non seulement promotionnel mais également financier, que leurs œuvres soient largement diffusées, c’est encore plus positif.

(Photo par Markjaznbluez via Fotoconnection sous licence Creative Commons non commerciale share-alike)

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9 réflexions au sujet de “Et si le pirate était le meilleur ami de l’auteur?”

  1. Le pire c’est qu’à peu près au même moment, le syndicat des éditeurs français a décidé d’attaquer en justice la Team Alexandriz…

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  2. chouette article
    après étant pirate moi même, j’avoue que je le fais pas toujours par éthique, parfois la facilité d’avoir quelque chose gratuitement plutôt que payer pour l’emporte…

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  3. Petite précision : je n’ai pas demandé (à aucun moment) l’ajout d’un bouton de don paypal. La Team Alexandriz l’a fait de son propre chef. Moi, j’ai proposé une sorte de troc, d’abord pour montrer qu’écrire un livre c’est un travail comme n’importe lequel. C’est comme si j’allais chez le fleuriste, que je lui prenais quatre rose et lui disais au revoir sans lui adresser la parole et sans payer… juste parce que j’avais envie. Ben non 🙂 la seule chose que j’ai faite, puisque le mal était déjà là, j’ai essayé de trouver une solution alternative, sans stigmatiser forcément quelqu’un, puisque ça ne servait à rien.

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    • Merci pour cette précision et mes excuses pour avoir mal compris le propos, je corrige.

      Ce qui ne change rien aux félicitations aux deux parties pour cet arrangement.

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  4. Coïncidence, je suis tombé hier sur ta chronique de « Makers » de Cory Doctorow, que j’ai téléchargé immédiatement sur ma liseuse toute neuve, puisque l’auteur le propose lui-même. Il cite O’Reilly dans sa préface : « Mon problème n’est pas le piratage mais l’obscurité. »

    On ne risque pas de refaire tout le cycle qu’on eu avec la musique, ne serait-ce que parce qu’un livre est BEAUCOUP plus petit que le moindre morceau de musique, et que les éditeurs dispersés sont moins puissants que les grosses majors du disque. La transition risque d’être plus brutale par contre. À supposer que les liseuses remplacent les livres papier massivement, ce qui reste à prouver. Pour le jetable, peut-être.

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