Extreme Vengeance

Ce n’est pas tous les jours que je peux découvrir un nouveau jeu de rôle; en fait, ce n’est pas tous les jours que je peux faire une partie de jeu de rôle, sans même parler d’être joueur. C’est pourquoi j’étais assez enthousiaste à l’invitation de Cuchulain pour tester Extreme Vengeance, le jeu des films d’action américains.

L’idée est bel et bien de jouer un film, de préférence du genre des sous-nanards d’action des années 80 – du genre de ceux avec Steven Seagal, Chuck Norris ou Dolph Lundgren, qui passent avec une régularité inquiétante sur RTL9 ou d’autres chaînes du genre. Pour le coup, le personnage (créé en choisissant des archétypes), se définit par deux caractéristiques, “Tripes” et “Coïncidence”, et une volée de “ressources”, qui sont en fait des clichés cinématographiques qui donnent, une fois par scénario, des bonus à l’attaque, aux dommages, ou à la popularité (= l’expérience).

L’idée de mettre l’accent sur un traitement cinématographique du genre est amusante et plutôt bien trouvée. D’autres jeux l’avaient fait avant (Feng Shui) et d’autres l’ont fait plus tard (Brain Soda), mais Extreme Vengeance est sans doute celui qui le fait le mieux. Certaines de ces ressources sont des trouvailles de pur bonheur: de la grimace héroïque à la caméra subjective, en passant par les sponsors, il y a là un potentiel pour des grands moments de kitsch assumé.

Le défaut du système est le même que celui propre à tout jeu qui remplace compétences ou caractéristiques par un wagon de pouvoirs spéciaux: il est très facile de se perdre dans la jungle des ressources. Il y a beau n’y en avoir qu’une vingtaine, c’est beaucoup à gérer à la fois. De plus, il y a pas mal de doublons ou de ressources à l’utilité très limitée: pouvoir changer un dialogue au vol (“What is your quest?” “Er, blue… AAAH!”) est moins utile que pouvoir rejouer la scène (= relancer les dés) ou passer en mode “fureur vengeresse” (qui double le score de Tripes).

L’autre gros défaut du jeu est son système de “niveaux d’intensité”, qui donne des bonus ou des malus à une action suivant l’intensité de la scène et l’originalité de la description faite par le joueur. Outre le fait que ça rajoute un niveau de complexité difficile à justifier dans un tel jeu, c’est un mécanisme que j’ai déjà vu ailleurs (Wushu, par exemple) et qui a tendance à m’agacer pour deux raisons: d’une part, il encourage une “course aux armements” dans les descriptions et, d’autre part, sous prétexte de récompenser les descriptions qui claquent, il pénalise les joueurs peu inspirés.

Mis à part ces défauts, qui peuvent assez facilement se régler en réorganisant un peu les ressources et en ignorant les niveaux d’intensité, Extreme Vengeance est un jeu sympa et très ludique: facile à mettre en place (la création de perso peut se faire en quinze minutes, montre en main) et à jouer (scénario? quel scénario?).

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7 réflexions au sujet de “Extreme Vengeance”

  1. J’aurai une remarque à formuler, sur les deux défauts que tu cites :

    Le premier défaut est en réalité la solution trouvée par les auteurs pour résoudre le deuxième : En cas de joueur peu inspiré ou à la description faiblarde, il peut utiliser un ou plusieurs “Répertoires” afin d’augmenter artificiellement le nombre de dés qu’il lance, et le niveau d’excitation.

    Par exemple, si mes souvenirs sont exacts, griller un niveau de “bande originale” pour augmenter l’excitation d’un niveau par une musique tonitruante, et “zoom” pour doubler le nombre de dés à lancer permet de compenser une action un chouïa molle.

    Quant au fait de se perdre dans les Répertoires, il est vrai que j’ai déjà constaté ce phénomène chez certains joueurs : Je leur dis alors généralement d’oublier la fiche et de se concentrer sur l’essentiel, à savoir la narration de ce qu’ils veulent faire, à l’aide des deux caractéristiques vitales que sont les Tripes, et la Coïncidence.

    Car il en est d’une partie d’Extreme Vengeance comme de tous les films d’action : Les effets de style ne remplacent jamais complètement une magnifique action héroïque.

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    • @Lord Skeletor C’est peut-être le cas, mais ça ne paraît être une solution un peu bancale au problème: patcher une règle qui fonctionne mal en rajoutant une autre règle qui ne fonctionne pas très bien, non plus.

      On pourra me rétorquer que j’ai fait la même chose dans Tigres Volants; si c’est vrai, ça ne veut pas dire non plus que c’est une bonne idée…

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      • @Alias Je n’ai, pour ma part, pas trouvé que la règle sur la gestion des niveaux d’excitation fonctionnait si mal.

        Le système dissocie juste les concepts de “difficulté” et de “spectaculaire” dans l’action, et c’est à mon sens le plus difficile à appréhender pour le meneur de ce jeu : celui-ci devrait normalement s’avérer capable de faire abstraction du côté spectaculaire de l’action pour en apprécier la difficulté, et inversement.

        Pour éviter ça, la matrice d’action donne une indication importante du niveau de difficulté (de routine/figuration à climax/premier rôle) par rapport au spectaculaire de l’action entreprise.

        De même, les joueurs doivent comprendre que les points d’action qu’il investissent ne correspondront pas nécessairement au nombre de dés qu’ils jetteront afin de réaliser leur action. C’est aussi la raison pour laquelle quand des joueurs sont suffisamment “chauds”, et qu’on aborde la scène finale, ils finissent toujours par lancer un nombre de dés égal à leur score maximal de Tripes, même en investissant un seul point d’action.

        Quant à l’utilité des répertoires, mis à part les “no-goods” (“chutes de pellicule” dans la traduction que j’en ai faite) les joueurs ne sont pas obligés de les exploiter, loin de là.

        De manière plus générale, je pense comme toi que certaines parties du jeu mériteraient d’être simplifiées, ou les répertoires d’être transformés en un mécanisme de points circulant du MJ aux joueurs, comparable à l’Ubik de Rétrofutur.

        Cependant, les défauts du système ne sont pas assez graves pour porter préjudice à son exploitation efficace, ainsi que – j’en suis certain – Cuchulain l’a démontré…

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        • @Lord Skeletor Ce n’est pas qu’elle fonctionne mal, mais qu’elle alourdit la résolution des actions en rajoutant un cafouillazibule que je trouve franchement complexe (trois niveaux d’intensité de scène croisé avec quatre niveaux d’intensité d’action avec des résultats pas immédiatement déduisibles) et arbitraire.

          Cela dit, c’est vrai qu’on s’est bien amusé et que, selon toute vraisemblance, ce scénario était un one-shot, donc ce n’est pas comme si on allait s’engueuler là-dessus jusqu’à la chute des étoiles.

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      • @Alias Une dernière remarque. Quand tu écris que remplacer un dialogue (ADR Control) est moins utile que de relancer les dés (Second Take), je ne suis pas du tout d’accord : Second Take, à ma connaissance, ne permet pas de changer son action. Il s’agit juste de la tenter une deuxième fois : Elle peut encore échouer, ou n’avoir finalement pas les résultats escomptés. En revanche, ADR Control permet de modifier une phrase de dialogue entière, et peut permettre de complètement changer l’orientation d’une discussion, par exemple avec le grand méchant. Tout dépend du scénario et de la situation.

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  2. Oui le scénario était un one-shot avec un scénario écrit en 15mn top chrono et une bonne grosse dose d’impro par dessus. Je suis flatté que ma partie ait fait l’objet d’un article sur ton blog ! A moi la gloire, l’argent et les femmes faciles ! 🙂

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