Financement et micropaiement

En écrivant l’autre jour mon article sur Tipeee et ChangeTip, je me suis dit que ce ne serait peut-être pas mal de revenir de façon un peu plus large et plus systématique sur tous les différents nouveaux outils de financement, au sens large du terme, que l’on peut trouver sur Internet.

Bon, mon expérience en la matière se résume à une campagne (réussie) de financement participatif, une autre (pas particulièrement réussie) de mécénat participatif – je reviendrai plus loin sur ces termes – et une présence sur Flattr depuis 2010 qui me rapporte tout de même dans les €10–15 par mois. Vous êtes donc en droit de prendre ce que je dis avec des pincettes, mais je ne prétends pas non plus vous rendre riche et célèbre avec la Méthode Alias…

J’espère que ce petit guide ne va pas enfoncer trop de portes ouvertes. Le sujet est vaste et il est difficile d’en parler sans sombrer dans le TL;DR de compétition ou, au contraire, dans le superficiel.

Fondamentalement, je diviserais ces outils en deux types distincts: les outils de financement participatif et ceux de micropaiements (ou micro-dons). Les premiers concernent surtout des projets et les seconds sont plutôt des moyens d’aller plus loin qu’un simple “j’aime” ou “+1” et s’adaptent mieux à des créations qui ne rentrent pas dans le cadre d’un projet donné.

Financement et mécénat participatif

Le financement participatif est surtout représenté par des sites comme Ulule, Kickstarter, IndieGoGo, KiksKissBankBank ou MyMajorCompany. L’idée est d’y présenter un projet (bande dessinée, film, livre de base ou supplément de jeu de rôles, etc.) et de demander une somme donnée pour son financement, à réunir dans un certain laps de temps (de l’ordre du mois).

Une variante du financement participatif, c’est ce que j’appelle le mécénat participatif – faute de meilleur terme – et qui inclut des sites comme Tipeee et son pendant américain, Patreon. Là, l’idée est plus de financer un artiste et sa démarche créative sur le long terme, avec un paiement par mois ou par “livraison” (de chapitre, d’épisode, de morceau).

Les deux types d’outils partagent un certain nombre de points communs qu’il est bon de connaître avant de se lancer. Le premier point à retenir, c’est que si ce sont des services beaucoup plus simples qu’un financement “traditionnel” (passant par un banquier ou un investisseur), ils impliquent quand même une méthodologie et du suivi; ce n’est pas du fire and forget.

Quasiment tous les outils demandent de définir quatre variables pour votre projet: un montant à atteindre, une durée pour la campagne de financement, des “buts étendus” et des contreparties. Les buts étendus sont des améliorations du projet qui dépendront de la somme reçue au-delà du montant à atteindre (impression couleur, couverture rigide, digipack, vidéos bonus); les contreparties sont des bonus pour les contributeurs qui donnent plus que le montant de base.

Soyons clairs: buts étendus et contreparties sont des arguments de vente. Si votre projet comporte des buts étendus alléchants et des contreparties intéressantes, vous allez potentiellement attirer plus de financement. Par contre, ce sont des éléments qu’il faut prendre en compte dès le départ, autant au niveau des frais de production que des délais. S’il est cool de proposer à vos contributeurs un portrait personnalisé (exemple totalement au hasard), il ne faut pas oublier que cela coûte cher que cela prend du temps.

Micropaiements et micro-dons

Pour ce qui est des micropaiements, ce sont en général des boutons à rajouter sur son site pour permettre à vos lecteurs/visiteurs de vous faire un petit don en remerciement des contenus fournis. Les anglophones utilisent souvent le terme de tip ou tipping – autrement dit, “pourboire”. C’est l’idée générale: une poignée de centimes laissés sur la table en remerciement – plus ou moins symbolique – du service fourni.

(Petite note culturelle: les Américains prennent la notion de pourboire beaucoup plus au sérieux que les Européens. Le service n’est pas compris dans le prix et les serveurs gagnant un salaire minimum, ou peu s’en faut, les pourboires représentent un montant non négligeable de leurs revenus.)

Les principaux outils de dons sont Flattr et le nouveau venu, ChangeTip, qui ont tous deux des philosophies un peu différentes: Flattr permet d’allouer une certaine somme mensuelle, à partir de €2, à répartir entre les contenus “flattrés” chaque mois. Par exemple, si vous allouez €5 par mois et que vous faites vingt flattrs, chaque flattr recevra €0.25 (moins 10% pour Flattr). ChangeTip vous permet de choisir le montant alloué à chaque don et fonctionne par commentaire, tweet ou +1.

À ces deux services relativement récents s’ajoute PayPal, le Grand Ancien des paiements en ligne (avec le même côté cthulhien au niveau des conditions de service et des politiques foireuses). PayPal n’est pas super-adapté pour les micro-dons, cela dit (en-dessous de €1).

Utiliser ces nouveaux outils

Pour tous ces services et outils, il y a un élément important à ne jamais oublier: ça ne fonctionne pas de manière automatique. Ce n’est pas parce que vous avez un bouton Flattr sur votre site que vous allez soudainement attirer des dizaines d’euros (je le précise, parce que je l’ai souvent entendu) et même la campagne de financement participatif la mieux goupillée peut échouer. L’important, c’est de communiquer.

En fait, le plus important, c’est de bien communiquer, parce que s’il est clair que personne ne viendra si personne n’en entend parler, il est tout aussi clair qu’à force de trois messages par jour pendant deux mois, ça va finir par fatiguer. Par exemple, communiquer sur les étapes est une bonne idée: dix souscripteurs, premier palier atteint, etc.

De même, pour des outils comme Flattr ou ChangeTip, il est primordial que les visiteurs de votre site sachent ce que c’est et comment ça fonctionne. Même si ce sont des outils raisonnablement simples, ils ne sont pas si triviaux pour ne pas supporter une petite explication de temps à autre.

De plus, ils ont besoin d’une masse critique: j’ai constaté que plus il y avait d’utilisateurs de Flattr dans mon entourage, plus j’avais de chances de revoir des dons. Au reste, ça ressemble peut-être à une arnaque pyramidale (ou chaîne de Ponzi), mais ça ne fonctionne pas du tout sur le même modèle, car il n’y a en théorie aucun lien entre l’argent “investi” (donné) et celui reçu.

Alors n’oubliez pas de parler de la présence de ces services sur votre site et à faire des retours d’expérience, ça ne peut qu’aider.

En résumé

Si vous avez besoin d’un financement ponctuel pour un projet donné, le financement participatif est ce qu’il vous faut.

Si l’idée est plutôt d’avoir une production continue, soit par épisodes ou chapitres, soit sur un rythme soutenu sur une longue durée, le mécénat participatif sera plus adapté.

Enfin, les outils de micropaiement permettent d’avoir un – petit – appoint financier, en complément des deux autres, si nécessaires.

(Image par Eli Francis via Flickr sous licence Creative Commons pas de modifications)

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Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.

4 réflexions au sujet de “Financement et micropaiement”

  1. L’autre avantage des micropaiements et micro-dons, c’est qu’ils permettent de mettre en place un système de “pay what you want” assez simplement. Paypal est pas mal utilisé dans ce sens, par exemple chez Evil Hat pour FATE.

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    • Tout à fait. Le “pay what you want” est ce que Ploum et d’autres (dont moi avec Erdorin) expérimentent avec le concept de “Prix libre”.

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    • Satisfait, oui – dans le sens que je ne voulais pas forcément gagner des millions non plus. Je pense que j’ai touché plus d’argent avec que certains “vrais” auteurs.

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