“Futurs insolites”

Pour quelqu’un qui prétend ne pas être patriote, je dois quand même avouer un intérêt certain pour les productions suisses, surtout quand elles concernent des sujets qui m’intéressent, comme ce Futurs insolites, une anthologie suisse de science-fiction et de fantastique, dirigée par Elena Avdija et Jean-François Thomas.

Sous-titré “Laboratoire d’anticipation helvétique”, l’ouvrage compte quatorze textes, encadrés par une préface et une postface. La liste des auteurs a un petit côté copinage – moins que sur les Dimensions super-héros, mais un peu quand même: la SF suisse romande est un très petit monde et la seule fréquentation des Mercredis de la SF me fait en connaître déjà quelques-uns.

Comme souvent, dans les anthologies, il y a à boire et à manger. La contrainte “helvétique” m’apparaît souvent comme plus gênante qu’autre chose – surtout parce que souvent, elle paraît entrée au chausse-pied dans l’histoire – mais Futurs insolites réserve tout de même plusieurs belles surprises.

À commencer par “Rhodanish Elektrik AG” d’Adrien Bürki, une histoire de barrage sur l’ensemble du Valais qui rappelle autant les Valaisans dans l’espace que les chansonniers Gilles & Urfer, truffée d’humour absurde et d’expressions locales, qu’il est à peu près impossible de lire sans prendre l’accent vaudois.

J’ai bien aimé également “Vreneli” de Julien Châtillon-Fauchez, qui part comme de la science-fiction militaire avec une planète pauvre qui se retrouve au centre d’un conflit entre deux blocs géopolitiques majeurs et qui se transforme en leçon de diplomatie – et de realpolitik. L’histoire met aussi en lumière des problématiques très actuelles, comme les “secundos”, enfants d’immigrés.

“La Mémoire de Lo”, signée François Rouiller, remporte la palme du jeu de mot foireux et ne touche l’Helvétie que par la bande, mais c’est une histoire fantastique sur fond de vieux mythes et de théories foireuses-mais-pas-complètement qui m’a pas mal plus. Aussi sur le thème de la mémoire, mais bien plus tordu, “Audemars, le ver” d’André Ourednik, propose une vision plutôt originale.

Je citerais également “Helvé… ciao” pour sa description d’une Suisse complètement verrouillée à laquelle on n’accède plus que par téléportation, le très cynique “SuissID” et sa société où le suicide assisté est une activité économique comme une autre, le joli compte ruro-futuriste “La Vallée perdue” ou l’histoire de “Baptistin”, propulsé du XIVe au XXe siècle.

La postface de Marc Attalah, directeur et curateur de la Maison d’ailleurs, est très intéressante. Elle parle de la science-fiction en tant que média et soulève pas mal de points pertinents, mais elle est très académique et je déconseille de la lire – comme je l’ai fait – au lit, passé minuit.

Le bouquin est un peu cher – CHF 32 ou €22; normal, c’est suisse – mais j’ai trouvé le contenu plutôt sympa, avec de vrais bons moments. Je ne sais pas si ça parlera autant à des non-Suisses, mais si vous avez l’occasion d’y jeter un œil, n’hésitez pas. Y’en a vraiment point deux comme nous!

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