Je suis terroriste

En ces jours où on nous sert du “terrorisme” à toutes les sauces, il serait bon de rappeler un petit détail, que j’ai récemment trouvé sur le site de la BBC: il n’existe aucune définition consensuelle de ce qu’est le terrorisme ou un terroriste:

Unfortunately, there is no agreed or universal consensus on what constitutes a terrorist, or a terrorist attack. Dictionaries may offer definitions but the United Nations has again just failed to reach agreement. The obvious reason is that terrorism is regarded through a political prism.

Traduit de la langue de Top Gear, “Malheureusement, il n’existe aucun consensus universel sur ce qui constitue un terroriste ou une attaque terroriste. Les dictionnaires en proposent des définitions, mais les Nations-unies ont une fois encore échoué à trouver un accord sur le sujet. La raison évidente est que le terrorisme est vu au travers d’un prisme politique.

En d’autres termes, le terrorisme est une notion qui a plus sa place dans le cadre d’un narratif idéologique – le fameux storytelling – que dans un débat rationnel.

Ce n’est pas la question d’occulter des faits ou d’appeler un chat un chien, mais, comme le souligne l’article de la BBC, on peut très bien décrire ces actes avec des termes autres, sans que cela n’ôte rien à leur caractère criminel.

Terrorisme” (ou “barbarie”, d’ailleurs) n’est plus qu’un simple mot-clé dont les médias abusent pour vendre des articles également vides de sens – conjectures vaporeuses, experts autoproclamés et récapitulatifs sordides – et que les politiques brandissent comme un épouvantail pour faire passer des textes. Textes vides de sens, bien entendu.

Si vous aviez besoin d’une preuve, regardez les actualités de la semaine précédente. Surtout en France, où un fait divers – certes particulièrement macabre – a fait partir en vrille un peu tous les médias et, dans la foulée, les politiques.

Le fait que la récente loi sur le renseignement et son cortège de textes liberticides, inutiles et inapplicables soit renvoyée devant le Conseil constitutionnel n’a bien entendu rien à voir avec toutes les gesticulations du gouvernement à cette occasion.

Après la tuerie de Charleston, un article sur la version française du magazine Slate citait le juriste Julien Cantegreil, qui remarquait que c’est un mot qui génère automatiquement un rejet fort.

Dans ce même article, la citation suivante, de Jean-Pierre Chanollaud, mérite également d’être relevée: “d’une certaine manière, on peut toujours devenir le terroriste de quelqu’un“. Ainsi, il est clair qu’en rejetant l’utilisation de “terrorisme” ou “terroriste”, je pourrais très bien m’en retrouver accusé.

Lors d’un article précédent sur la notion de “guerre contre le terrorisme“, je m’interrogeais sur la pertinence du terme. Aujourd’hui, je ne m’interroge plus: “terrorisme” est devenu un slogan marketing pour nous vendre toujours plus de sécuritaire – et toujours moins de sécurité, puisque nous sommes désormais tous suspects.

(Image: “The Girondists”, Harper’s Weekly, August 1881, domaine public, via Wikimedia Commons)

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6 réflexions au sujet de “Je suis terroriste”

  1. Si aujourd’hui une équipe de protestataires déguisés montait sur un bateau pour jeter par dessus bord sa cargaison, ça serait classé comme une attaque terroriste…

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  2. Le Terrorisme c’est le fait pour un groupe de promouvoir son idéologies par la violence extrême ou de commettre des actions visant à éliminer toutes personnes qui a des idées différentes.
    Ca me paraît clair et il est clair que l’on est sorti de ce cadre avec l’affaire de Tarnac. Et l’on est passé dans des considérations beaucoup plus politico-politiciennes. Et il est clair qu’il faut une définition du terrorisme qui soit claire, indiscutable et qui soit si possible détaché de considérations idéologiques.

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    • Je pense au contraire que ce n’est pas nécessaire, que la notion de “terrorisme” n’ajoute rien aux actes commis. On parle déjà d’actes violents, qui appellent des sanctions lourdes; pourquoi rajouter en plus un terme aussi fortement chargé?

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  3. Les familles des victimes de l’ETA demande à ce que les crimes de l’organisation séparatiste soient qualifiées de crime contre l’humanité. La requête est entre les mains de la cour suprême espagnole.

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