Le jeu de rôle, City of Heroes (et moi et moi)

Je commence à comprendre les gens qui comparent des jeux massivement multijoueurs (les MMORPG, pour faire simple) à une drogue. J’avais déjà vu l’effet sur certains de mes potes; avec City of Heroes, j’expérimente l’effet en direct. Car oui, passée la période d’essai, j’ai craqué: acheté le jeu et payé un mois de plus.

Ce qui me chagrine un peu. Parce que, dans l’absolu, je ne m’amuse pas tant que ça.

Certes, il y a plein de choses sympas dans le jeu, comme la possibilité de faire joujou avec les costumes (c’est un peu comme jouer à la poupée, mais pour des geeks), certaines missions inhabituelles (éteindre un immeuble en flammes) ou des décors impressionnants (la zone urbaine ravagée de Boomtown ou la zone des Crevasses).

J’avais déjà couiné sur les problèmes d’interface; je commence à m’y faire, mais maintenant, c’est le jeu lui-même qui m’agace. Les deux-tiers du temps, c’est l’usine: patrouiller les rues, trouver des cibles suffisamment puissantes pour que ça rapporte (mais pas trop, pour ne pas avoir à ramasser ses dents avec des brucelles); rinse and repeat. Sans parler des missions à la con qui vous demandent de traverser la même carte trois fois dans la longueur. Ou de celles qui impliquent de se faire tartiner sur les murs par des adversaires trop coriaces — sans que ce soit mentionné quelque part, ce serait trop simple.

La deuxième chose qui m’apparaît clairement, c’est que si je dois juger à l’aune de City of Heroes, les MMORPG sont quelque chose d’abominablement complexe. Hormis le fait qu’il ne faut pas trop se gourer dans le choix de ses pouvoirs, on peut également y adjoindre des éléments qui les augmentent, mais qui se déprécient avec les niveaux; lesdits éléments viennent sous plusieurs formes, utilisable ou non suivant le personnage, et certains sont combinables. Sans parler du fait qu’un pouvoir donné peut avoir une bonne demi-douzaine de variables (portée, dommages, récupération, etc.).

Ce qui m’a fait réfléchir à un vieux débat dans le petit monde du jeu de rôle, quant à l’impact des MMORPG. À mon avis, les éditeurs rôlistes qui essayent de les concurrencer sur leur propre terrain n’ont rien compris au film: retranscrits en termes de jeu de rôle, les MMORPG sont d’une complexité qui ferait peur à un vétéran de jeux tels que Space Opera ou Rolemaster. Le genre de jeux pour lesquels il fallait une calculatrice scientifique pour créer un personnage. Avec les MMORPG, ça passe parce qu’ils sont précisément prévus pour tourner sur des calculatrices scientifiques. Des grosses calculatrices scientifiques!

Plus je regarde ces deux loisirs côte à côte, plus je me dis qu’à part des similitudes de forme extrêmement superficielles (même terminologie, par exemple), ils n’ont pas grand-chose en commun. Les MMORPG ne sont rien de plus que des jeux vidéos classiques moi-voit-moi-tue avec une dimension sociale qui, le plus souvent est ignorée (ou utilisée par des boulets pour faire du kikoolol ou jouer aux insultotrons). Certains arguments, comme la facilité d’organisation, ne tiennent que si l’on ignore la nécessité d’avoir un ordinateur raisonnablement puissant et une connexion internet.

Le jeu de rôle a clairement une autre carte à jouer: celle de la simplicité et de la versatilité. À vrai dire, c’est une approche que j’aimerais également bien voir dans d’autres MMORPG.

(Image par Alex Hopkinson, via Flickr, sous licence Creative Commons)

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7 réflexions au sujet de “Le jeu de rôle, City of Heroes (et moi et moi)”

  1. Hum. Autant je suis d’accord avec toi sur les défauts des jeux online (du hack & slash avec des morceaux de chat graphique dedans), autant les qualités que tu vois aux JdR tradi ne me semblent pas si évidents que ça.

    1/ Simplicité. Oui, les JdR deviennent simples une fois que tu as réussi à passer toutes les étapes compliquées : acheter les bons livres, lire et apprendre les règles, créer un scénario (hop, déjà un mois de perdu) et surtout, surtout, composer et réunir un groupe de joueurs ! Et c’est surtout sur ce point que les jeux online l’ont définitivement emporté : j’ai déjà du mal à réunir 4 personnes tous les mois pour une partie de jeux de cartes autour d’une table, alors organiser une partie de JdR à 5-6 personnes, je n’ose imaginer l’écueil pour tout un tas de personnes…

    2/ Versatilité. Pour toi sûrement. Pour moi et ceux qui nous lisent, peut-être. Mais pour le joueur lambda, pas forcément. Changer d’univers (du med-fan à la SF) est plus simple online, il te suffit de payer un jeu + un abonnement, et tu es parti (merci aux Wiki divers pour le gain de temps). Quant au fait de changer de scénarios… bien sûr que les JdR auront toujours cet avantage d’être limités uniquement par l’imagination de leurs MJs. Mais qui a encore envie de dépasser tous les défauts inhérents au support (coût, perte de temps, complexité) alors qu’ils peuvent se faire leur “fix” en cliquant sur un bouton d’ordi ? Quid pro quo, Clarice.

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    • Je veux bien te concéder la versatilité, mais je crois qu’il faut comparer ce qui est comparable. S’il s’agit de créer un donj’ “porte-monstre-trésor”, il n’y a pas réellement besoin d’un MJ pour cela: un générateur aléatoire fait très bien l’affaire.

      OK, j’exagère, mais à peine.

      Pour ce qui est de jouer en réseau, c’est le même souci: si tu veux jouer avec tes potes, il faut qu’ils soient disponibles. Si un joueur est dispo pour une session de MMORPG, il est fort possible (toute chose étant égale) qu’il le soit aussi pour une partie de jeu de rôle. Sinon, tu joues en solo (comme un jeu vidéo non-MMORPG) ou tu prends le risque de rejoindre des inconnus en ligne et c’est un peu la loterie (pour les optimistes; les pessimistes invoqueront plutôt la Loi de Sturgeon).

      On peut certes dire que les MMORPG ont “gagné” face aux jeux de rôle, mais je crois que le problème fondamental est qu’on ne parle pas du tout de la même chose. C’est comme de dire que la télé a gagné face à la radio, la radio face aux journaux et Internet contre tout le monde.

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  2. Premièrement, je ne pense pas que les MMORPG et le RPG “traditionnels” soient en opposition. Pour cela, il fraudait qu’ils remplissent la même niche et ce n’est pas le cas.

    Deuxièmement, les MMORPGs sont très différents les uns des autres en matière de complexité et de courbe d’apprentissage. CoX est un jeu très simple et ne nécessitant pas tant que ça d’apprentissage pour pourvoir y jouer assez correctement. Le hic, c’est que pour passer de “joueur moyen-mauvais” à “bon, voire très bon”, il est assez compliqué car beaucoup de trucs importants sont cachés ou indirectement induit par d’autre mécanismes. Pour illustrer d’autres exemples, on pourrais prendre EVE (qui est extrêmement compliqué et dont la courbe d’apprentissage ressemble au falaises de Normandie) et WoW (qui ressemble à CoH en un peut plus compliqué, mais dont la partie “tutorial” accompagne le joueur biens plus longtemps dans son apprentissage.)

    Enfin, il y a le côté social. Et là, en toute franchise, c’est surtout une question 1/ de temps et 2/ de volonté. Je m’explique: dans la pluspart des MMORPG, quand on débarque, on se sent un peut tout seul. On vas commencer par essayer de “grouper” avec un certains nombres de gens et de discuter avec eux (parfois simplement sur les canaux généraux). Avec un peut de chance et de patience, on finit par rencontrer des gens avec qui on a plus en commun que la simple envie de finir la quête sur laquelle on trime. Si ça ne marche pas, on peut essayer de rejoindre une guilde ou une autre. Après, c’est comme le JdR normal: on finit par jouer toujours avec les mêmes personnes.

    Enfin, si jamais la répétitivité des missions te gavce vraiment, peut-être devrais tu essayer un jeu comme Donjon & dragons online ou WoW ou il n’y a pas de quête générée aléatoirement (mais bon: le grind, ça reste du grind quelque soit le jeu)

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    • wow pas répétitif ???
      “va tuer 10 lapins .. c’est bien, retourne tuer le chef des 10 lapins …
      c’est bien .. bon retourne tuer 10 lapins adultes …
      bien .. bon ben retourne tuer le chef des 10 lapins adultes …

      Et tu refais en long en large la même map 15 fois,
      pour tuer des lapins des cochons etc …
      sur lesquels tu récupères des cannes à pêches.

      Heureusement quelques quetes sortent du lot,
      avec un réel background, mais les joueurs dans la plupart des cas.
      Ne lisent pas les quetes, font la courses aux xp et aux grosses épées.
      Tu rajoutes le sms et tu as de bons décérébrés.

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  3. Juste un petit commentaire à propos de l’aspect social du MMO, que tu sembles ne considérer qu’au rang de de “Kikoo, ki peu meder pr keter ?”, ce qui n’est pas forcément toujours la vérité quand on n’est pas un asocial patenté.
    Personnellement j’ai tissé dans wow des relations durables avec des gens que je “revois” régulièrement pour aller se faire une instance et se marrer comme des baleines, avec l’avantage qu’étant une dizaines de potes on arrive toujours à s’organiser des sorties à 5 toutes les 1-2 semaines. Bon parmi eux il y a aussi 2-3 personnes que je connaissais d’avant et il faut aussi dire que sommes très rapidement passés à des discussions en forum pour sortir du cadre du MMO. Bref, nous avons ici des relations et un réseau social qui tient le coup depuis 2-3 ans avec plein d’échanges intéressants: comme par exemple la rencontre d’un pote de wow à la Gencon l’année dernière et son initiation aux jeux de tables, dont il ne connaissait pas la richesse.
    On voit donc que virtuel ou pas, mmorpg ou strpg (small table rpg), il y a toujours de la place pour développer des interactions sociales approfondies et intéressantes.

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    • Je ne dis pas que c’est impossible, juste que c’est vraiment très loin d’être la norme. Je veux dire, tu peux faire du roleplay en jouant à Nethack ou même à Quake, mais bon, ce n’est pas fait pour.

      Mon point de vue est que, pour des jeux qui se prétendent sociaux, il n’y a pas grand-chose dans le système pour réellement encourager les interactions sociales. En poussant, je dirais que tu fais du social malgré le jeu.

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      • Alias :
        En poussant, je dirais que tu fais du social malgré le jeu.

        Oui, ça c’est tout à fait vrai. Et je t’accorde que de base l’aspect social du jeu ne vaut pas tripette, mais en même temps je ne pense pas qu’ils prétendent vraiment l’être. Dans MM, ils voients surtout Multi Milliards $$$. Ceci dit, si on veut vraiment social, faudrait plutôt faire du Second Life, où il n’y a que des interactions (mais pas de jeu, du moins pas au sens où je l’entends). Mais il y aurait là peut-être un filon à exploiter: un MMO qui encouragerait vraiment les interactions.

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