Moi, ludosaure

Lorsque j’ai commencé le jeu de rôle, il y avait encore une Union soviétique, mais pas encore de jeux de rôles en français. Juste pour dire. C’était pendant l’été 1982, soit il y a très exactement trente ans. Putain, trente ans! Donc, trente ans et un passage de millénaire, qu’est devenu le noob mal dégrossi qui, un beau jour, a poussé la porte du CLIC, le Club du loisir intellectuel et créatif, sis à la Rue de Berne de Genève (quartier chaud s’il en est), dans une ancienne gendarmerie?

Déjà, le jeu de rôle m’a permis, à l’époque, de me sortir d’une période pas forcément évidente: je venais de perdre mon père et j’avais passé une première année de collège (= lycée) exécrable, à être le souffre-douleur d’un peu toute la classe. J’ai trouvé dans ce club des gens qui avaient un peu le même état d’esprit que moi, un goût certain pour l’imaginaire et le créatif, et des références qui me parlaient. C’est aussi l’époque où j’ai commencé à me mettre à l’anglais, poussé par les jeux de rôle (et les comics, Elfquest en tête).

Je n’irais pas jusqu’à dire que le jeu de rôle a fait des merveilles pour mes résultats scolaires, qui se sont enfoncés dans une semi-médiocrité remarquablement constante. Assez pour me permettre de passer ma maturité (= bac), pas assez pour le faire confortablement. Je galérais sur certaines branches tandis que j’en survolais d’autres. Je passerai également sous silence mes tentatives plus désespérantes que désespérées pour faire de l’informatique, d’abord à l’EPFL, puis à l’université de Genève.

Par contre, je pense que c’est en grande partie au jeu de rôle que je dois ma réorientation vers l’histoire, branche dans laquelle j’ai finalement obtenu mon diplôme universitaire. Et c’est certainement grâce au jeu de rôle, que ce soit pour la pratique de l’anglais ou pour celle de la mise en page au sein de l’équipe du Tinkle Bavard et dans l’auto-édition de Tigres Volants, que je dois mon premier boulot de graphiste.

Le jeu de rôle m’a donné la passion de la création, cette passion m’a poussé à apprendre de moi-même les bases du graphisme et de la mise en page par ordinateur, à une époque où un Mac SE/30 et Pagemaker constituaient un outil de travail presque haut de gamme (et coûtaient bien plus qu’un Mac Pro et InDesign aujourd’hui) – et, plus tard, à créer des sites web à une époque où il n’y avait pas encore de balises pour les images. C’est également le jeu de rôle qui m’a poussé vers l’anglais et l’étude de l’histoire.

Aujourd’hui, je suis graphiste pour une organisation internationale religieuse, pour laquelle je mets en page des publications papier, je crée des sites Web, je propose à nos équipes sur le terrain de la formation dans les techniques de communication modernes. Je continue à écrire dans mon coin, en dilettante, mes jeux qui ne se vendent pas et des textes qui n’amusent que moi, ou peu s’en faut.

En trente ans, je pense n’avoir tué personne et je suis tellement peu devenu sataniste que je bosse pour une organisation chrétienne; je suis marié (à quelqu’un encore plus geek que moi et, occasionnellement, rôliste aussi), j’ai deux chats, je vote, je paye des impôts et j’ai même un compte Facebook, c’est dire.

Moi, Stéphane Gallay, dit Alias, je suis rôliste. Donc un mec normal.

(Photo © Olivier Joiris)

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9 réflexions au sujet de “Moi, ludosaure”

  1. Quelle bonne surprise. Ou en est-ce vraiment une ?
    Salutations et merci à un maître DM/GM dont l’immense talent créatif offrit une véritable agence de tourisme du samedi vers l’imaginaire de mondes tels que Space Opera, Car Wars, Diplomatie et les délirants Tigres Volants.

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    • Hello et bienvenue!

      Je connais pas mal d’Eric, mais si tu me parles de Car Wars et de Diplomatie, c’est que ça date d’avant la chute de l’URSS, ou peu s’en faut, et du coup j’ai plus de mal à te remettre.

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      • Ca date même d’avant le premier Mac. Ma première visite au CLIC remonte à 1984, rencontrant pour la première fois Romain, Boris, et retrouvant, oh surprise, Mâââârteeeen, rencontré au cours d’un job d’été à remplir des rayons à Coop-City en 1980.

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