La musique de merde n’est pas une fatalité

Un des sujets récurrents de ridicule, sur les réseaux sociaux ou dans la vraie vie, c’est la musique de merde. Pas seulement la musique qu’on n’aime pas: la vraie grosse soupe bien daubesque que l’on nous sert à longueur d’antenne. Mais, derrière les mèmes rigolards, je me pose deux questions: qui écoute ça et, surtout, pourquoi ceux qui se moquent n’écoutent-ils pas autre chose?

Je veux dire, des One Bieber, Maître Direction ou Justin Gimms, à part à travers ces mèmes, je ne sais pas qui ils sont, ce qu’ils font et, à part dans les très grandes lignes, je n’ai pas la moindre idée d’à quoi ressemble leur musique – ou ce qui en tient lieu. En d’autres termes, je ne les ai à peu près jamais entendus.

Est-ce que tous mes contacts sont critiques musicaux dans des médias tellement mainstream que Picsou Magazine fait figure de pamphlet gauchiste? Vivent-ils en République démocratique du Nostalgistan, ou vendeurs dans des boutiques de mode – ce qui revient à peu près au même?

Sérieux, les gars, vous faites comment?

Ou est-ce moi qui vis dans un pays de bisounours où les baladeurs MP3 poussent dans les arbres – surtout s’ils sont frappés d’une pomme?

Selon l’expression de Roger Waters, nous avons le choix entre treize chaînes de merde à la télé – beaucoup plus, en fait –, probablement autant à la radio. Et ça, c’est ce que j’appelle la “musique subie”. Parce qu’on peut aussi parler des services d’écoute en ligne ou de la musique embarquée sur nos téléphones.

Je ne comprends donc pas qu’on puisse s’imposer l’écoute de musique que l’on n’aime pas. Surtout qu’au vu du modèle industriel encore dominant dans les médias, tant que les gens écoutent, on trouvera encore des publicitaires nous pondre de telles bouses.

Ce n’est pas la première fois que je le dis et je ne suis pas le premier à le dire, mais si on arrête d’acheter de la merde, on va peut-être finir par arrêter de nous en vendre. Ou la rendre obligatoire, c’est selon.

Une paire d’écouteurs, un lecteur MP3 et les groupes que j’aime; la musique de merde, elle ne passera par moi!

(Image: Alan Bruce, via Flickr, sous licence Creative Commons.)

Pour soutenir Blog à part / Erdorin:

Blog à part est un blog sans publicité. Son contenu est distribué sous licence Creative Commons (CC-BY).

Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.

14 réflexions au sujet de “La musique de merde n’est pas une fatalité”

  1. En fait c’est un peu comme la malbouffe. Tu sais que c’est de la merde et tu y vas quand même….enfin pas toi mais le client lambda. Comme je le disais dans mon dernier article (http://iceblog.free.fr/index.php?article138/musique), tu as un marché dit “mainstream” sensible au matracage radiophonique, au refrain facile et catchy, et qui est préparé via une panelisation des radios selon une cible précise. Et puis tu as le reste, celui des vrais passionnés de musique. Car si je reprends l’exemple donné dans un commentaire sur le réseau fantôme cher à Frederic Bezies, une radio qui passe de la musique en atelier ou au boulot, c’est pas forcément pour la qualité qu’on la met mais pour avoir un fond musical plutôt neutre. A la limite, tu pourrais mettre de la lounge à l’aide de ton baladeur à la pomme (beurk) ou n’importe quoi d’autre.

    Il m’arrive rarement de faire le choix moi même seul, d’écouter des radios de ce type et passant ce que tu as cité. Si je le fais c’est en mode “zapping'” mais ça ne durera pas. Mais pour Histozic.fr, il peut m’arriver de m’intéresser à un phénomène de mode histoire de décrypter comment ils ont réussi leur coup. Exemple récent : Magic System, Marina Kaye, Pink, … où tout n’est pas que de la merde parfois.

    Ok, là tu y vas fort, tout de même avec Bieber et One D et pourtant c’est comme les substances qui vont te rendre dépendant de la bouffe, tu as des mélodies, des sons qui t’en rappellent d’autres, “la boite à musique” de l’enfance comme disaient Stock Aitken ou Waterman, un des trois….

    Répondre
    • J’avoue volontiers qu’il y a, dans ce billet, un côté troll, mais il y a aussi un vrai questionnement qui est dû au fait que, d’une part, je supporte très mal la musique que je n’aime pas et, d’autre part, c’est pour moi très facile d’éviter d’en écouter.

      D’où mon questionnement: est-ce moi qui suis un Sonderfall Alias ou est-ce qu’il n’y a pas un vrai problème de passivité face à une forme d’agression publicitaire, non seulement face à la pub elle-même mais également face aux produits formatés que veulent nous imposer les professionnels de la communication?

      Si l’idée est de passer de la musique en atelier ou en bureau, pourquoi ne pas proposer aux employés de venir avec leurs playlists, les trucs qu’ils aiment vraiment, à raison d’une heure par playlist?

      Répondre
      • Alors sur ce sujet, j’ai eu la chance il y a quelques années de partager un bureau avec le moyen de sonoriser gentiment tout ça. Et j’amenais souvent ma “playlist” ainsi que les autres. A 4, ça se passait bien et je n’allais pas trop dans l’extrème non plus.

        Par contre, il y a des fois où c’est plus compliqué , surtout quand il y a beaucoup de monde. Comme je ne séjourne que rarement dans cet atelier, je ne proposerai pas de moyen de faire ça alors ils subissent des radios…un jour je leur mettrai Nova ou Fip pour rigoler.

        Répondre
  2. Le problème c’est que voter avec ses pieds – passer à autre chose – que ce soit pour la musique où autre chose, est un acte (a)social. Écouter d’autres musiques est parfaitement possible, mais cela implique a) de s’écarter de la norme sociale b) d’assumer ses goûts de merde. J’ai l’impression que beaucoup de gens qui se plaignent ne sont pas prêts pour a) et b).

    Répondre
    • J’arrive après la bataille mais je pense que c’est ça : quand on s’écarte du mainstream et qu’on choisit soi-même sa playlist, on sort complètement de la cible des publicitaires qui font vivre la radio. Ils suivent une audience qui évolue, mais si celle-ci n’est plus là ? Donc les radios grand public travaillent pour la masse « passive ».

      Répondre
  3. Je crois discerner un quiproquo de base dans ton approche: “musique de merde” ne veut jamais dire la même chose pour tout le monde.

    Même quand on parle spécifiquement de musique mercantile.

    Et encore moins quand on considère les générations: dans mon expérience (je suis DJ), les 12-16 ans par exemple, considèrent comme “musique de merde” la quasi totalité de la production musicale hors de la petite fenêtre de choses qu’ils connaissent et qu’ils vénèrent sur le moment. Les plus de 50 ans, considèrent comme “musique de merde” tout ce qui est un tant soit peu rentre-dedans (comme l’électro ou le rap, voire même le rock pour certains).

    Entre deux, on a des tas de variations, qui vont de “musique de merde” parce que c’est “commercial” donc pas bien (terme que je n’aime pas car il prête à confusion: plein de choses qui se vendent bien sont de la musique honorable – heureusement… – je préfère utiliser “mercantile” comme péjoration), à “musique de merde” parce que justement ce n’est PAS commercial (beaucoup soutenant l’idée complètement idiote que tout ce qui est bon se vend et que si ça se vend, c’est que c’est bon et si ça se vend pas, c’est du caca).

    Entre les crétins A et les crétins B: A étant ceux qui veulent se fondre dans la norme et rejettent en bloc tout le reste, et B ceux qui rejettent la norme en bloc quitte à avaliser n’importe quoi qui sort de la norme, il existe un tas de gens (heureusement pour moi) qui développent une toute autre relation à la musique. Certains apprennent même à ne plus taxer de “merde” que ce qui est vraiment bassement mercantile, hypocrite et sans intérêt (Maître gims, Black M…), et à faire la grimace sans autre, quand c’est simplement quelque chose qui les agace.

    Dans les extrêmes, on a aussi les snobs, qui vont traiter de merde tout ce qui n’est pas “savant”, et les ignorants crasse qui vont traiter de merde tout ce qu’ils ne comprennent pas (parce qu’ils n’ont jamais entendu que ce qui passe sur NRJ, les pauvres).

    L’autre jour, je lisais un post qui mettait dans le même sac “musique de merde” (de tête) Stéphanie de Monaco, Daft Punk et Eiffel. C’est dire.

    Alors quand X dit “musique de merde”, c’est rare qu’il fasse allusion aux même artistes que quand Y dit “musique de merde”. Quant à Z, il va se coucher.

    Wizz’

    Répondre
    • Hello et bienvenue sur ce blog!

      Il y a en effet un quiproquo de base, qui tient en ce que cet article ne parle pas vraiment de ce qu’est la musique de merde, mais plutôt de pourquoi est-ce qu’on doit subir de la musique que l’on n’a pas choisie. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi, dans un monde où le moindre baladeur numérique peut emporter une vingtaine d’heures de musique choisie, est-ce que les gens écoutent encore la radio et des trucs qu’ils n’aiment pas.

      Certains des commentateurs ont répondu à cette question de façon plus ou moins convaincante, d’ailleurs.

      Répondre
  4. C’est chouette d’avoir un retour personnel de l’auteur. ☺

    J’ai bien compris le sens de ton article. C’est moi qui ne suis pas allé assez loin dans mon explication. ☺

    La musique a ceci de particulier que pour savoir si on aime une chanson, une oeuvre… on est obligé de l’écouter, ne serait-ce que quelques secondes.

    Donc au plus la “fenêtre” des goûts de quelqu’un est étroite, au plus il/elle est OBLIGÉE d’écouter une certaine quantité, relative, de ce qu’il perçoit comme ” de la merde”, pour pouvoir faire sa sélection de “non-merde” (ce que tu proposes).

    Moi je sais que si je devais pour me faire une collection perso, “tester” 50 chansons que je déteste, même quelques secondes de chacune, avant d’enfin tomber sur une que je trouve pas trop mal pour la mettre dans ma collection, je serais assez agacé pour gueuler “marre de cette musique de merde”.

    En effet après tout, on n’a pas que ça à faire de sa vie!

    C’est souvent pour ça qu’on finit par se trouverr une “zone” (via les copains, une radio, une chaîne Youtube) pour avoir une source de musique présélectionnée. Ce n’est pas toujours facile, d’ailleurs.

    Bon, moi, comme c’est mon métier, je me tape les 50 inintéressantes en gardant mon calme… en plus heureusement, mes goûts sont très vastes.

    Ca ne m’empêche pas, de temps en temps, de pousser une gueulante sur la “musique de merde” qui me fait perdre mon temps dans ma recherche de “bonne” musique… ☺

    Répondre
    • Ça me rappelle un dialogue classique:

      — C’est de la merde!

      — On ne dit pas “c’est de la merde”, on dit “j’aime pas”.

      — J’aime pas, parce que c’est de la merde!

      J’ai conscience d’avoir des goûts plutôt étroits et, surtout, d’avoir une tolérance assez faible envers ce que je n’aime pas. C’est pour cela que j’évite d’aller quelque part sans un baladeur numérique et des écouteurs solides. Après, c’est vrai que, socialement, le plan “autiste musical” n’est pas toujours bien vu.

      Répondre
  5. si tu transposes ton sujet sur une autre activité, je pense que tu verrais que ta question a quelques biais. par exemple, pourquoi tous les gens vont dans les boîtes et lieux branchés alors qu’ils pourraient faire des jeux de rôles / société / whatever ? Peut-être que c’est juste parce qu’ils ne savent pas que ca existe, c’est comme ca que le jeu de société conquiert pas mal de nouveau public en ce moment. Mais peut être aussi parce que c’est nous qui avons des goûts très particuliers.

    Pourquoi tout le monde ne met pas des écouteurs ? Ben parce que les écouteurs m’ont provoqué des acouphènes et depuis j’évite. Franchement, vis ma vie d’a moitié sourd et tu verras que moins que de devenir asocial ce qui te préoccupe c’est de ne pas te sentir seul et isolé. (les écouteurs m’ont juste provoqué les acouphènes, ils ne m’ont pas rendu sourd, ca c’est congénital, je préfère prévenir pour éviter des faux débats). Le monde moderne fourmille de bruits partout, et le casque est pourtant la seule solution pour éviter la pollution sonore, mais s’il faut se battre, ce n’est pas pour avoir de la meilleure musique dans les endroits publics, mais plutôt pour pouvoir à nouveau profiter du silence, et si vraiment la musique te manque, tu peux toujours emporter des écouteurs. 🙂

    Enfin, point qui a déjà été évoqué, on est saturés de choses à faire, à choisir, à trier, dès qu’un marché culturel devient rentable, on est inondé de sorties partout, dans les magasins, sur internet… Ceux qui votent mal du coup, je ne leur en veux pas, car je sais que si je prenais moins de temps pour m’informer, pour choisir des trucs, je serai surement comme le clampin qui va au supermarché et qui choisit sur le panel du moment proposé par les marketeurs, et je voterai RPEM. Le capitalisme a volé aux gens leur temps, ils ont l’impression d’être libres mais pas du tout, et une fois que t’as plus une thune tu as du temps mais tu es trop occupé pour trouver un abri et de la bouffe. Je terminerais en disant que malheureusement, savoir pourquoi les gens écoutent de la merde me semble être une question beaucoup plus sociologique que consumériste.

    Répondre
    • Ah, mais ma question a des blindes de biais. Cet article, c’est tonton Alias qui fait son vieukon de prog-head / metaleux-tendance-abscons, pas beaucoup plus.

      Répondre

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.