Plus partis que pirates

Un certain nombre de mes blogs préférés – principalement belges, allez savoir pourquoi – ont beaucoup parlé de ce que l’on pourrait appeler les espoirs déçus par le Parti pirate, lors des élections européennes. « Espoirs déçus » étant un euphémisme pour parler de « branlée ».

Dans le même temps, on a appris que Peter Sunde, co-fondateur de The Pirate Bay et de Flattr et candidat malheureux du Parti pirate finlandais, a été arrêté et va purger la peine de prison de huit mois à laquelle il a été condamné il y a quelque temps. Sale temps pour les pirates!

Sauf que, comme l’expliquent très bien autant Ploum que Greg, le problème du Parti pirate, c’est que c’est un parti. Et, de mon point de vue, créer un parti pirate revient un peu à essayer de monter une organisation anarchiste: c’est un exercice oxymoresque garanti pour générer plus de frustrations que de résultats positif.

Le pouvoir corrompt. Pour être plus précis, l’exercice du pouvoir au sein de structures institutionnelles, telles que les partis politiques classiques, provoque immanquablement un glissement vers le pouvoir pour le pouvoir. Pour un mouvement qui essaye de faire de la politique autrement, voilà le Parti pirate qui se retrouve pris dans le jeu classique de la politique politicienne.

C’est une des choses qui m’a déçue avec « l’affaire » Peter Sunde. Je veux dire, le bonhomme m’est plutôt sympathique: il a contribué à fonder Flattr, qui est à mon avis une des meilleures idées pour Internet depuis des années.

Mais l’idée de vouloir devenir député européen alors qu’on a été condamné à de la prison – même si c’est pour des raisons foireuses – et qu’on est techniquement en cavale, ce n’est pas brillant. Des politiciens de ce genre, qui se planquent derrière leurs mandats pour échapper à la justice, on n’en a déjà trop dans les partis classiques.

Je veux croire que cette idée est plus un pet de cerveau qu’une stratégie pour ne pas aller en tôle (surtout que, si c’est le cas, c’est raté), mais j’ai l’impression que c’est assez représentatif d’une corruption des idéaux par les réalités de l’usage du pouvoir. Comme je le disais plus haut, le pouvoir devient un but en soi.

Il y a quelques années, j’avais déjà souligné que, pour moi, le Parti pirate était plus un lobby qu’autre chose – un lobby geek, soutenant la plupart du temps, des idées avec lesquelles je suis plutôt d’accord, mais un lobby quand même. En soi, ce n’est pas une mauvaise chose – pas plus qu’être un parti politique est une mauvaise chose.

Le fait est qu’à un moment, il faut savoir ce que l’on veut: je soupçonne qu’il est quasiment impossible pour un parti politique de ne pas perdre une grande partie de sa radicalité idéologique, surtout quand c’est un parti qui essaye de « changer la politique ».

Donc, je suis assez d’accord avec Greg et Ploum: soit le Parti pirate se saborde et (re)devient un mouvement idéologique – un lobby, si on veut –, soit il fait de la politique comme tous les autres partis et perd très probablement son caractère unique; il devient un parti comme les autres.

(Reproduction du vaisseau “Thousand Sunny”, du manga “One Piece”, Huis Ten Bosch, Sasebo, Nagasaki, Japon. Image de Nissy-KITAQ via Wikimedia, sous licence Creative Commons, partage dans les mêmes conditions)

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4 réflexions au sujet de “Plus partis que pirates”

  1. Merci pour ta réflexion. Pour moi, cela montre soit le degré de cynisme dans la politique et / ou le peu de choix qu’il existe maintenant, qui à mon avis, conduit au cynisme.

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    • Hello et bienvenue!

      Mon point de vue n’est pas nécessairement cynique. C’est surtout de dire que la politique et le militantisme, ce n’est pas la même activité.

      Dans un monde parfait, aucune des deux ne serait forcément plus “noble” que l’autre, mais il fait constater que la politique, telle que pratiquée aujourd’hui, est plus un jeu de pouvoir qu’autre chose.

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  2. J’aime pas cette idée très répandue que le pouvoir corromp. Bien sûr ça peut arriver, mais de là à dire que c’est la majorité? Si on se base sur les infos TF1 qui montrent que ça, alors oui, on peut déjà paniquer, mais si on compare le nombre d’affaires de corruption et autres magouilles au nombre d’élus, on s’aperçoit que la majorité fait (heureusement) passer ses devoirs d’elus avant le reste.

    J’ai surtout l’impression que c’est un mythe entretenu méticuleusement par les grands partis, qui de toute façon ne seront jamais à court d’électeurs, pour dissuader les gens de tester des alternatives.

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    • De mon point de vue, le pouvoir doit être un outil. Or, j’ai l’impression que, chez beaucoup de gens, c’est un but en soi.

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