Revenu universel

L’article de Romain Rivière, intitulé “Il faut rejeter la licence globale !” et au demeurant excellent, ne m’a pas tant interpellé à cause de son sujet que par l’autre cause qu’il défend: un revenu universel pour tous. C’est une idée à laquelle je réfléchis depuis pas mal de temps également – toujours dans le cadre de mes réflexions politico-rôlistiques – pour en arriver à une première conclusion: c’est une idée qui est révolutionnaire. Entendez par là qu’elle aurait un impact énorme sur la société.

L’idée de donner, sans condition, à toute personne adulte résidente (ou seulement citoyenne, les modalités se discutent) une allocation lui permettant de vivre à peu près décemment changerait radicalement les relations de travail. À l’heure actuelle – et sans même parler des relations d’amour-haine qu’entretiennent nos sociétés occidentales avec le travail en tant que valeur – le chômage est un fort incitatif pour accepter des travaux mal payés. Un revenu universel aurait l’effet de mettre le travailleur en position de force.

Je suppose qu’on peut trouver pas mal de défauts à ce système. Le principal qu’on me citera est sans doute que, si les gens peuvent vivre sans rien faire, ils ne feront rien. La réponse à cette affirmation est que si le revenu permet juste de vivre, il y a un incitatif à travailler; pour reprendre un slogan connu, c’est “travailler pour gagner plus”. Je crains cependant que cette réponse ne fasse que renforcer les aspects les plus absurdes de la société de consommation.

En tant que lecteur de science-fiction, je me rappelle également que dans la série des Honor Harrington, la République du Havre des premiers livres a un système similaire qui, après il est vrai plusieurs siècles d’usage, a pour effet une stagnation dramatique du niveau d’éducation, une bureaucratie kafkaïenne (car pléthorique et inepte) et une corruption généralisée. Cela dit, on ne peut pas qualifier David Weber d’auteur marxiste (contrairement à Iain Banks ou Ken McLeod) et je le soupçonne d’avoir fortement noirci le trait à dessein.

Je pense néanmoins que c’est une idée qui mérite d’être explorée. J’ai de gros doutes sur la possibilité qu’elle soit jamais mise en place à grande échelle et, surtout, de façon réellement universelle (pour toute personne, sans restriction) précisément pour l’impact qu’elle aurait sur le monde du travail.

(Image par Avij via Wikimedia Commons, domaine public.)

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4 réflexions au sujet de “Revenu universel”

  1. Ce qui me gène dans ce revenu de base ou plutôt dans les discussions à ce sujet, c’est son champ d’application restreint par défaut : toi même tu dis pour les résidents ou les citoyens. Tu connais des gens qui ne résident pas sur Terre ou des citoyens sur Mars ?

    Tu vois où je veux en venir ? Si ce revenu de base doit être appliqué, il doit l’être partout, même au Bangladesh et en Laponie. S’il n’était pas globalisé, le revenu de base des français serait tout autant financé par l’esclavage que notre train de vie actuel. Sachant que le seuil de pauvreté absolu est de 2 € par jour… Même si des centaines de millions de personnes dans le monde pleureraient de joie à l’idée d’être assurés d’avoir un revenu de 60€/mois et une paire de milliards supplémentaires aurait ne serait-ce que le coeur léger à cette idée, tu comprends que les “ajustements nécessaires” pour qu’on puisse en vivre sous nos latitudes doivent être “drastiques”. Il faudrait remettre en cause la propriété privée (ne serait-ce que pour ne pas avoir à payer un loyer ou un prêt pour avoir droit à un toit), renoncer à des profits, etc. C’est un sacrifice tellement énorme que peu d’occidentaux sont prêts à le faire et que ça ne peut venir que de la base (et violemment). Par “base”, je ne parle pas des licenciés de Conti’ qui vivent avec un généreux RSA qui les placent 350€ au-dessus du seuil de pauvreté absolu mais les familles qui travaillent dans les filatures de Tshirt au Bangladesh, qui vendent leurs enfants aux touristes moins cher que mon abonnement Freebox, ceux qui extraient notre uranium en Afrique ou qui s’empoisonnent en faisant pousser notre ananas bien sucré.

    Le “soucis”, c’est que cette base ne souhaite pas seulement le revenu de base mais notre revenu à nous. Je ne peux pas leur reprocher…

    Le moins que l’on puisse dire, c’est que si on veut mettre en place un vrai revenu de base, il va falloir la jouer finement.

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    • C’est tout le problème de ces grands changements: abolition de l’armée, taxe Tobin, revenu universel.

      Seulement, j’ai aussi l’impression que c’est l’excuse fatale: si on ne peut pas faire en sorte que ce soit mondial, on ne peut pas le faire. À ce train, pourquoi la démocratie? — question que semblent d’ailleurs sérieusement se poser certains états démocratiques.

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  2. D’ailleurs n’était-ce pas l’idée de base de la Sécu telle que posée à l’origine par le CNR?

    En tout cas, oui, je trouve aussi l’idée très intéressante, mais effectivement délicate à mettre en place.

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  3. C’est une idée plaisante, une piste à suivre dans des sociétés où il n’y aura plus le plein emploi.Une cotisation économique le poserait comme universel. ça en serait fini du salaire à la rémunération du traval subordonné.
    Cette idée est évoquée dans l’enjeu des retraites de Bernard Friot.

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