“Thinking Eternity”, de Raphaël Granier de Cassagnac

Au départ, un attentat terroriste; au final, la fin de l’humanité, ou peu s’en faut; tel est le parcours de Thinking Eternity, roman de Raphaël Granier de Cassagnac. Et oui, la proximité du titre avec Eternity Incorporated n’est pas fortuite, puisqu’il s’agit de la préquelle de son précédent roman.

Autant le dire tout de suite: si j’ai apprécié la lecture de ce roman, il m’a laissé rétrospectivement une impression de frustration. En quelques mots, il y a dans Thinking Eternity beaucoup d’ambition et pas assez de place pour qu’elle se développe pleinement.

Deux thèmes sont développés en parallèle – en fait, un thème, développé sous deux angles différents. L’intelligence, soit sous sa forme artificielle, individuelle, soit sous une forme collective, partagée, la “sagesse des foules”. Intelligence couplée à la survie: survie d’un petit groupe ou celle de toute l’humanité. Ceux qui ont lu Eternity Incorporated savent comment cela se termine.

En soi, c’est plutôt intéressant et il y a de réelles bonnes idées dans les deux domaines, emmenés par un frère et une sœur autour desquels le récit s’articule. L’une mène des recherches en intelligence artificielle pour le compte de Eternity Incorporated et utilise des univers virtuels pour essayer de dépasser une limite scientifique qui, en théorie, interdit leur développement.

L’autre, rendu aveugle à la suite de l’attentat, est le possesseur des premières prothèses visuelles cybernétiques; au cours d’un voyage en Afrique, il va développer, naturellement, une philosophie de partage des connaissances, plus tard baptisée “thinking”, qui va devenir un mouvement de masse – une sorte de mix entre Wikipedia et Anonymous – et va le dépasser, pour son plus grand malheur.

C’est un peu comme si on avait deux factions qui essayaient de “sauver” l’humanité, l’une – le thinking – par l’intérieur, en tentant de changer les mentalités et en faisant la promotion de la pensée scientifique et l’autre de façon “externe”, en créant des entités capables de surpasser l’humain. En quelque sorte, les uns essayent d’évacuer Dieu pendant que d’autres le recréent.

Le défaut principal du bouquin, c’est qu’il est trop court – ce qui est plutôt rare: on a plus tendance à râler sur les ouvrages qui traînent en longueur. J’entends par là que chacune des deux thèses auraient mérité un roman à elle toute seule, avec en plus du rab pour les points où elles se croisent. Dans Thinking Eternity, les deux sont développées en parallèle au fur et à mesure que l’histoire – et l’Histoire – avance.

Du coup, j’ai eu l’impression que tout allait trop vite – ce qui est peut-être l’effet voulu, mais ça m’a frustré, parce que j’aurais aimé plus de développements et que la fin m’a parue forcée. J’ai trouvé aussi – déformation professionnelle, sans doute – que l’opposition entre le thinking et les religions était un peu cliché et aurait mérité plus de développement.

Malgré tout cela, je m’en voudrais de déconseiller la lecture de Thinking Eternity, surtout à ceux qui ont déjà lu Eternity Incorporated. D’une part, cela permet de remonter aux sources de la bulle, mais Raphaël Granier de Cassagnac écrit très bien et son style est très plaisant. La structure de l’ouvrage, même si elle paraît un peu décousue avec ses incrustations journalistiques, permet une forte immersion.

Un autre avis chez les Naufragés volontaires

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2 réflexions au sujet de ““Thinking Eternity”, de Raphaël Granier de Cassagnac”

  1. Du coup, c’est mieux d’avoir lu “Eternity Incorporated” pour tirer la substantifique moelle de ce “Thinking Eternity” ?

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