Diasporaté!

Cela fait un petit moment que je me suis intéressé au réseau social Diaspora. Lancé en 2010, au moment des premières sérieuses alertes sur ce que l’on qualifiera charitablement de libertés prises par Facebook avec les données privées de ses utilisateurs, l’idée d’avoir un réseau social open-source et décentralisé faisait du sens.

En pratique, c’était moins brillant: après plusieurs faux départs, j’ai fini par m’inscrire sur unes des “nodes” de Diaspora (diasp.org) et j’y ai découvert un outil potentiellement intéressant, mais sérieusement bancal. 

Théoriquement, c’est de l’alpha; en pratique, ça ressemble plus à une version 1.0 mal dégrossie: le système fonctionne raisonnablement bien, il y a des choses intéressantes. J’aime bien les grandes images, l’éditeur de texte qui fonctionne au Markdown et, très franchement, rien que pour l’idée d’un site sans pub, c’est du bonheur.

Le problème, avec Diaspora, c’est que ce n’est pas vraiment intuitif (le Markdown a ses limites, notamment pour les liens) et, surtout, c’est vide. En fait, si Facebook est un réseau où on se connecte avec des gens qu’on connaît, sur Diaspora, on a plutôt tendance à se connecter avec des gens qu’on ne connaît pas – principalement parce que les gens qu’on connaît sont sur Facebook et n’ont aucune envie d’en bouger.

Pour ne rien arranger, Diaspora souffre du syndrome du projet open-source abandonné: ses initiants semblent être passés sur d’autres projets (à part un, qui a une excuse: il est mort) et je ne vois pas vraiment d’équipe solide se mettre en place pour en reprendre le développement.

C’est un souci commun à beaucoup de projets: à part des grosses locomotives, comme WordPress, j’ai l’impression que la plupart de ces logiciels fonctionnent de façon un peu autiste, avec de temps en temps des avancées géniales, mais pas toujours dans des directions souhaitable par le commun des mortels censés utiliser le bazar. Beaucoup de projets restent prévus par et pour des unixiens barbus (ou l’équivalent local).

Il y a une raison pour laquelle, en règle générale, les produits “fermés” réussissent mieux que leurs équivalents open-source: le besoin de vendre le produit final signifie que ceux qui en sont à l’origine sont prêts à investir pour avoir quelque chose d’utilisable. Diaspora est une idée brillante, mais j’ai bien peur que ce ne soit malgré tout un échec.

Pour soutenir Blog à part / Erdorin:

Blog à part est un blog sans publicité. Son contenu est distribué sous licence Creative Commons (CC-BY).

Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.

18 réflexions au sujet de “Diasporaté!”

  1. Je trouvais l’idée des adresses ton_nom@ton_serveur.quetuveux.com était vraiment géniale : tout le monde sait comment ça marche puisque l’email, c’est pareil. Après, c’est vrai qu’il ne se passait vraiment rien. Ça ressemblait beaucoup à Google+ à ses début, mais sans la traction monstrueuse qu’a imposé Google, donc ça a foiré!

    Répondre
  2. Je ne pourrais pas vraiment contredire ton article, car j’ai un peu fait le même parcours. Et le constat final est le même : les gens ne veulent pas bouger de Facebook. Même si la plupart des rôlistes que je connais se sont trouvés une activité sur Google+, pour la majorité des inscrits du réseau social du premier moteur de recherche au monde, Google Plus est à peu près aussi vide que Diaspora.

    Par contre, je ne partage pas ton analyses sur l’échec inexorable des projets open-source. Et WordPress n’est pas vraiment un exemple, car il y a un modèle économique derrière. Aux débuts de WordPress, il y avait des concurrents open source sérieux, dont le français Dotclear qui avait été retenu notamment par Gandi pour propulser ses blogs. WordPress était sûrement plus séduisant mais pas plus capable que les autres, s’il s’est imposé, c’est quand tu dis pour des raisons commerciales : les vendeurs de template qui l’ont choisi, wordpress.com et ainsi de suite.

    Pour en revenir à Diaspora, les projets open-source subissent la même logique que les consoles de jeu : plus les programmeurs peuvent facilement faire des choses, et plus ils font de projets. Et pour un projet web, utiliser des technos d’avant garde maîtrisées par un fragment des professionnels de la création Internet, c’était une putain d’erreur. Le principe du réseau social décentralisé est génial, mais les webmasters n’ont pas pu se l’approprier. Si certains hébergeurs avaient pu le proposer en installation rapide par exemple, je pense que ca aurait changé la donne : s’il n’est pas facile de faire venir les facebookeux sur d’autres réseaux, il est par contre intelligent de passer une petite communauté existante d’inscrits (celle de son site) sur un réseau social qui rejoint la diaspora.

    Il y a un autre projet de réseau social qui est également mort né comme Diaspora, c’est Elgg. Là, la techno choisie était accessible, mais la sauce n’a pas pris. La communauté de développeurs était trop réduite, et le projet pas assez souple pour s’adapter aux besoins de chacun. Au fond, tout se passe un peu comme Google, Facebook, WordPress et d’autres : il faut être là au bon endroit, au bon moment. Ca n’a rien à voir avec la longueur de la barbe, à mon avis.

    Répondre
    • À mon avis, l’erreur de Diaspora est de ne pas avoir compris que tout le monde était sur Facebook de toute façon et que le mieux aurait été de faire quelque chose qui se “branche” sur Facebook tout en gardant les données privées et décentralisées.

      Pour des raisons qui sont peut-être techniques, idéologiques ou les deux, ça n’a pas été le modèle choisi.

      Google+ s’appuye sur le fait qu’un peu tout le monde a un compte GMail et utilise Google comme moteur de recherche. Du coup, même s’il y a peu d’activité sur G+ (ce qui n’est pas vraiment mon expérience), il y a une “masse critique” qui est présente.

      Répondre
      • “quelque chose qui se branche sur facebook tout en gardant les données privées et décentralisées…” Je ne comprends pas l’idée qui est derrière cette phrase. Le principe de base de Diaspora, c’est que tu peux supprimer ton compte à tout moment, et que tu peux importer et exporter tes données personnelles. C’est absolument impossible sur Facebook (ou sur Google Plus d’ailleurs).
        Et brancher quelque chose sur facebook, ca veut dire être un développeur qui respecte les règles de facebook, je vois mal comment on pourrait faire un produit déviant qui en même temps intègre l’empire FB et pour lequel FB ne dirait rien.

        Répondre
  3. Je suis sur un autre node, mais ça fait des mois que je n’ai pas reçu la moindre notification… Je pense que c’est un outil utile pour ceux qui voudraient créer un réseau social privé sur leur propre serveur, mais au-delà…

    Ça ne rend pas très optimiste pour App.net, tout ça.

    Répondre
    • Il y a d’autres outils open-source qui me paraissent plus appropriés à la création d’un réseau social privé, comme Status.net, par exemple.

      Dans le cas de Diaspora, il a été clairement “vendu” dans l’optique d’un Facebook alternatif, mais la seule chose d’alternative, c’est le public…

      Répondre
    • Au niveau développement, Diaspora apporte des solutions intéressantes et complexes. Status.net et ses précédesseurs (comme elgg) ne font que proposer des modules sociaux classiques qui bossent entre eux, mais ca n’importe quel développeur un peu motivé y arrive, c’est comme les forums, certes c’est con de ne pas utiliser un script open source pour avoir son forum, mais avec un peu de motivation, on peut se faire son forum en quelques semaines.
      En termes d’usage, on peut comparer sans doute un Diaspora et un Status.net, mais pas en termes techniques. Gérer des groupes de profil ou des mails ou des activités, c’est assez simple. par contre gérer un mur avec des interactions qui viennent de partout ou une gestion complexe des tags, ca demande carrément plus de boulot, et je ne parle même pas de la logique distribuée qui est quand même la pépite de Diaspora.
      Juste pour dire que Diaspora a été bien plus loin que tout les autres, de mon point de vue, et que la seule chose qui manque, c’est l’affluence. Les gens sont contents d’utiliser les réseaux sociaux actuels et ca leur suffit, ils ne désirent pas vraiment de la nouveauté en ce domaine, j’ai l’impression. Même si ca écrase joyeusement leurs libertés informatiques.

      Répondre
      • Le problème, c’est que 99% des utilisateurs de réseaux sociaux sont juste ça: des utilisateurs. Pas des développeurs.

        On peut se dire que c’est con, que c’est bien dommage, que ne pas savoir développer, c’est le Mal. Ça ne changera rien au problème.

        Répondre
  4. Gros plus pour D* :
    son système de mots clés qui en fait un hybride entre fb et twitter. Je découvre des choses sur D* que je ne trouve sur aucune autre plateforme.

    Répondre
    • Ça existe aussi sur G+, mais honnêtement, je ne suis pas un grand fan. Ça casse le côté purement littéraire. Ça serait mieux en méga-infos séparées, même si je suppose que, du coup, personne ne s’en servirait.

      Répondre
  5. Ce sont les membres qui font le réseau social, pas le logiciel. Le premier réseau social que j’ai vu était Orkut et c’était bien avant Facebook. Il est aujourd’hui largement investi par des brésiliens. C’est la grosse difficulté pour dégommer un tel truc, c’est que sa valeur réside dans ses utilisateurs plus que dans ses fonctions.

    D’une façon générale, en informatique, il y a le principe du “winner takes all”. Considérant qu’il n’y a pas de contrainte d’échelle, tout le monde utilisera la solution dominante, sans doute parce qu’elle est très bonne, aussi parce que ce sera mieux documenté, partagé ou par conformisme.

    Le truc avec FB et les réseaux sociaux fermés est que les utilisateurs, se foutent de ce qui peut être fait avec leurs données privées, ils se foutent aussi que ce qu’ils publient soit sous surveillance et soumis à la politique de bon goût de FB et qu’au final ils ne sont plus sur internet et dépendent du bon vouloir d’un acteur. Ils s’en foutent parce qu’ils ont fait le pas entre le monde fermé de la télé et le monde un peu moins fermé de FB/téléphonie mobile sans passer par celui d’internet (qui demande un minimum d’apprentissage).

    Tant qu’ils n’auront pas pris une baffe, il n’y aura pas grand chose à en attendre et si FB doit déchoir, ce sera soit parce qu’un autre réseau s’imposera à sa place (du côté du mobile par exemple), ou bien encore que sa source de revenu se tarira (en cas d’effondrement économique par exemple, les budgets pubs sont les premiers à dégager).

    Répondre
  6. Salut,
    Je me suis remis à Diaspora (joindiaspora) depuis l’email envoyé par l’équipe ce matin. Je constate que tu publies tes billets de blog sur diaspora. Tu fais ça avec les doigts ou tu as un plugin pour automatiser tout ça ? Autre chose, à une époque, j’étais sur diasp.org et t’avais mis dans ma liste de “followed”, là sur joindiaspora, je te vois publier dans le tag #french, est-ce parce que tu as déménagé sur joindiaspora ou parce que l’interconnectivité entre les pods se fait très bien ??

    Répondre
    • Je suis sur diasp.org, parce que j’avais eu plein de problème avec le pod joindiaspora.

      Pour la publication, je le fais en semi-automatique, avec le bookmarklet (qui prend le texte sélectionné), mais je dois faire plein de trucs moi-même (formatage, ajout de tags).

      Je rajoute donc les tags à la main, juste pour plus de visibilité. Le truc étonnant, c’est que je soupçonne que des gens viennent lire les articles depuis Diaspora, mais je n’en vois aucune trace dans les stats.

      Répondre
      • Je ne suis pas pro mais il me semble que c’est grâce au https que les données de provenance ne te sont pas révélées. En plus il y a Ghostery qui ne vient rien arranger (chez toi, je n’ai laissé activé que le stuff de Flattr ^^). Du coup, tout ça, c’est du “not set” sur Google analytics.

        A propos, il est bizarre ton machin pour les notifications, il m’attribue un article de Zataz >_<

        Répondre
  7. Très beau projet mais malheureusement ça a l’air trop compliqué. Comme souligné dans les commentaires de l’article, la cible est des internautes sans connaissances en language informatique. Il faut donc quelque chose de simple et intuitif. Les forums sont beaucoup plus simples à créer à titre de comparaison grâce aux moteurs de forum et hébergeurs gratuits. Sans parler des réseaux sociaux !

    De plus, je trouve cela dommage de ne pas avoir de démo ! Des termes spécifiques sont utilisés sans pouvoir les imaginer derrière… Toutes les plateformes mettent en avant cette démo ou un forum de support…

    Répondre
    • Bienvenue!

      Je ne crois pas que la complexité soit réellement le plus gros problème. La question de la “masse critique” est bien plus cruciale.

      Répondre

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.