“Feuillets de cuivre”, de Fabien Clavel

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, un policier nommé Ragon résout des enquêtes par la seule force de sa connaissance des livres et de la littérature. Il consigne ses notes dans des petits carnets que lui avait offerts son épouse, des Feuillets de cuivre qui donnent son nom à l’ouvrage de Fabien Clavel que j’ai lu récemment avec grand plaisir.

Feuillets de cuivre est un recueil d’histoires en deux parties – plus prologue et un épilogue – qui plonge le lecteur dans le quotidien d’un policier pas comme les autres: obèse, peinant à se déplacer, il ne vit que par et pour les livres. Là où d’autres grands détectives de la même période font appel à leur audace, leur sens de l’observation ou leur psychologie, Ragon se sert uniquement des livres; là où il n’y a pas de livre, dit-il, le crime est sans intérêt.

L’histoire se réclame du steampunk par plusieurs éléments – la présence de savants fous, de conspirations, de fantastique et de l’éther, substance mystérieuse qui attire les convoitises les plus folles – mais ce steampunk est présent a minima; il colore les histoires sans jamais s’imposer comme un élément de plein gré.

Un autre élément très steampunk, c’est la présence de personnages historiques en invités de prestige dans les enquêtes – une pratique qui peut souvent ressembler à un concours de name-dropping, mais qui dans ce contexte fait du sens. Ainsi, on croise Goncourt ou Péguy, on frôle Maupassant ou Dreyfus.

Feuillets de cuivre est excellent dans son registre, avec une écriture riche, des personnages bien campés et des énigmes tordues comme il faut, mais je suis moins fan de son fil rouge. Car, dans la seconde partie de l’histoire, Ragon – connaîtra-t-on jamais son prénom? – se retrouve face à un adversaire à sa mesure, mais qui fait basculer l’histoire dans le bizarre.

Certes, presque toutes les enquêtes du recueil se teintent de fantastique dès le départ, mais j’ai trouvé la “révélation” finale un peu trop superlative par rapport à l’ensemble, qui est plutôt en demi-teintes. C’est cependant un détail mineur qui, à mon avis, ne choquera pas forcément tous les lecteurs.

L’autre défaut de l’ouvrage est qu’il demande tout de même une certaine érudition pour pouvoir l’apprécier pleinement; c’est un livre qui parle d’un amateur de livres et qui est également destiné en priorités aux amateurs de livres. Là encore, ce n’est pas très grave, mais mieux vaut le savoir. Au reste, le texte est encadré d’une bonne préface et surtout d’une excellente postface, qui remet beaucoup des éléments dans leur contexte.

Je ne peux donc que chaudement recommander la lecture de cet ouvrage, surtout si on aime les enquêtes à la lueur des lampes à gaz (ou à éther) et les jeux d’esprit sur la littérature.

Pour d’autres avis, voir les chroniques de Cédric Jeanneret, Lorhkan et Gromovar.

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