La culture ne s’use que si l’on ne s’en sert pas

En tant que grand consommateur de culture, principalement sous forme numérique, l’article Obsolescence culturelle et autres considérations paru hier sur Tengu’s Blog m’a fortement parlé – ce d’autant plus que je suis arrivé plus ou moins aux mêmes conclusions que lui il y a quelques temps.

Lui le fait mieux et, surtout, de façon plus exhaustive, en se plongeant dans les méandres des législations sur le droit d’auteur et la façon dont le marché fonctionne (ou ne fonctionne pas, suivant de quel point de vue on regarde). Il faut dire que le Tengu est un animal taquin, dont les proies de prédilection sont la Suisa et les commissions fédérales qui statuent sur Internet; bon, c’est un peu helvético-centré, mais je pense que ça doit facilement être applicable partout.

La conclusion est hélas douloureusement classique pour toute personne qui s’intéresse un tant soit peu à la question: les grandes industries du divertissement cherchent surtout à faire des quantités indécentes de pognon et flippent tellement sur le piratage que leurs mesures de protection des œuvres sont aussi inefficaces que frustrantes pour l’utilisateur légitime.

Pire: une grande partie de notre patrimoine culturel est en train de disparaître, faute d’intérêt commercial à une numérisation. On préfère nous revendre toujours les mêmes bouses plutôt que de ressortir des vieilleries qui n’intéressent certes pas grand-monde, mais qui ne coûtent pas grand-chose non plus (surtout en numérique).

Au final, on se retrouve avec le paradoxe que ceux qui souhaiteraient mettre du pognon dans des œuvres culturelles finissent par se tourner vers le téléchargement illégal, dégoûtés par les politiques commerciales des grands groupes, la pauvreté des catalogues et les limitations des offres légales.

(Le Tengu passe d’ailleurs sous un silence miséricordieux l’échec spectaculaire de la “Carte musique jeune” française, avatar de la piteuse Hadopi, vendue à 72 000 exemplaires en deux ans en lieu et place des deux millions attendus).

Comme je l’ai commenté dans l’article, je soupçonne que, comme tout changement majeur, il faudra une génération pour qu’il soit compris et intégré. En d’autres termes, la digitalisation des œuvres ayant réellement commencé vers l’an 2000 (Napster), les grandes industries vont réellement commencer à prendre en compte cette nouvelle réalité vers 2025-2030. Dans l’intervalle, elles vont continuer à prétendre que c’est Contre l’Ordre Naturel des Choses et réagir contre.

Ah, et on peut compléter cette lecture par une chronique  d’OWNI, parue hier et signée Laurent Chemla, au titre évocateur: On achève bien les dinosaures.

(Photo par Craig Sefton via Flickr sous licence Creative Commons non commerciale share-alike.)

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2 réflexions au sujet de “La culture ne s’use que si l’on ne s’en sert pas”

  1. J’ai tendance justement à considérer le rachat d’Universal par Vivendi en 1997 comme le fait politique important de ces 20 dernières années. L’action de Jean Marie Messier est intervenu pour empêcher le démantélement de la multinationale américaine et pas pour autre chose.
    C’est quelque part une occasion manquée. Le démantèlement d’Universal aurait constitué un précédent et d’autres mastoidontes auraient suivi le même chemin et nous ne vivrions sans doute pas dans le même univers culturel.
    Remarquons aussi que les rachats de grands groupes américains par des grandes entreprises européennes a été très fréquent dans les années 2000. Ca me fait sourire quand on parle de l’impérialisme culturel américain lorsque les actionnaires d’un certain nombre de major sont des groupes européens.

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    • La tendance étant plutôt à la concentration qu’au démembrement, tant à l’époque qu’aujourd’hui, j’en doute quand même beaucoup.

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