La guerre contre le terrorisme n’aura pas lieu

La semaine passée, je voulais écrire un article intitulé “Je ne suis pas en guerre” et, juste avant de commencer à balancer mes idées, je suis tombé sur Non, nous ne sommes pas en guerre, un article d’Eros Sana sur le site Basta ! (via Un jour, une idée), qui disait à peu près la même chose.

Mais vu que nos chers gouvernements persistent dans leurs délires ultra-sécuritaires à base de pur nawak, je me dis qu’il est temps, à mon humble niveau, de dire clairement que cette guerre qu’on nous vend, je la refuse. J’en refuse les bases, j’en refuse les conclusions et j’en refuse même la réalité.

Une guerre, ce sont des nations – ou des mouvements nationaux – qui s’affrontent. Parler de “guerre contre le terrorisme” est donc un abus de langage, à moins qu’on admette l’existence d’une nouvelle nation – Terroristie, Terroristan ou Terroristland, peut-être. On me dira, “et l’État islamique?” OK, donc on reconnaît son existence en tant que nation? On envoie des ambassadeurs? On l’invite à l’Onu?

À vrai dire, je suis de moins en moins convaincu par le terme même de “terrorisme”. Ou, pour être précis, je soupçonne que vouloir faire du terrorisme une activité criminelle “à part” est une très mauvaise idée, en ce qu’elle justifie des mesures d’exceptions dont je ne suis pas du tout certain de l’efficacité.

Du coup, on se retrouve avec des mesures absurdes, dont l’efficacité est loin d’être prouvée mais qui, d’une part, ne coûtent pas très cher (en comparaison) et, d’autre part, montrent que le gouvernement fait Quelque Chose – même si, objectivement, ce “quelque chose” peut se traduire par “n’importe quoi”. Nos élites veulent montrer que le pays n’a pas peur et se comportent comme un poulet sans tête.

Utiliser une rhétorique guerrière dans cette situation revient à considérer qu’un clou mal planté est un défi architectural majeur et sortir la boule de démolition pour régler le problème. Qui plus est, se déclarer “en guerre” signifie souvent la suspension d’un grand nombre de libertés, à commencer par celle d’expression. “La première victime d’une guerre, c’est la vérité,” disait Kipling.

Du coup, on se retrouve avec des condamnations en rafale pour “apologie du terrorisme” – notamment d’attardés mentaux, d’ivrognes ou d’enfants de huit ans – prononcées dans des conditions d’urgence qui paraissent difficilement compatibles avec la notion d’état de droit. La guerre, ça fait des dommages collatéraux.

Je veux bien admettre que la liberté d’expression soit assortie de limites, mais de plus en plus, cela ne justifie en rien des peines de prison et me paraît plutôt une excuse pour faire des exemples. Du coup, quelle est la différence entre une démocratie qui condamne un apologiste à de la prison ferme et une dictature qui fait fouetter un blogueur (hormis le pétrole)?

Si on rajoute le dernier projet de loi à la mode, qui punirait les lanceurs d’alerte et journalistes pour la publication d’un “secret économique” et le fait que de tels délits sont quand même assez largement sujets à interprétation, je commence sérieusement à penser que les exceptions à la liberté d’expression vont finir par couvrir un champ plus large que le principe de base et que, du coup, ce qui aurait pu être une bonne idée est en train de pourrir méchamment.

Même si je n’aime pas ce qui se dit, même si les apologistes se comportent comme des sales cons, je préfère encore les voir en liberté – après éventuellement une simple amende ou un rappel à la loi – qu’enfermés pour avoir exprimé une opinion. Ne serait-ce que parce que rien ne me dit que, demain, ce ne sera pas l’expression de mes opinons qui sera punie par la loi.

Et, en temps de guerre, la trahison, c’est le peloton.

(Image: Élément de la série de gravures “Les misères et les malheurs de la guerre”, domaine public, via Wikimedia Commons)

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2 réflexions au sujet de “La guerre contre le terrorisme n’aura pas lieu”

  1. Voici des paroles pleines de sagesses qu’il ne faut pas oublier dans notre société obnubilée par l’actualité, faute de s’intéresser à une compréhension globale des enjeux.

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