Cet article est le numéro 2 d'une série de 4 intitulée Éthiopie 2010

Sans vouloir faire dans l’ethnologie de bazar ou du racisme néo-colonialiste primaire, l’Afrique, c’est quand même un peu une autre planète. Surtout les routes éthiopiennes – encore que ce que j’ai vu de l’Égypte et de la Tanzanie m’incite à penser que c’est pas mal généralisé.

Alors certes, je suis un gros geek de touriste toubab (ici, ça se dit plutôt quelque chose comme “faranchi“), dont les exploits de routard consistent surtout à repérer les boutiques de jeu de rôle et les pubs à combo Guinness-Wifi gratuit. Le baroudeur un chouïa plus accompli que ma personne ricanera bêtement de mes émerveillements.

N’empêche que si, un jour, vous voulez semez terreur et consternation dans le cœur de vos geeks rôlistes, je vous conseille d’envisager la course-poursuite décrite par le sieur Footbridge sur son blog sur une route africaine.

Par « route africaine », j’entends ici – à titre d’exemple gratuit – celle qui nous a emmené d’Addis Abeba, capitale de l’Éthiopie, à Awassa, une des très grandes villes du sud du pays. Entre les deux, une highway, qu’il faudrait s’abstenir de traduire trop rapidement par « autoroute » : c’est un ruban d’asphalte large comme trois ou quatre voies de par chez nous et relativement droit, mais qui n’est séparé en rien du reste de l’univers.

C’est surtout un endroit qui est fréquenté par beaucoup de monde, dans des véhicules qui vont du vélo au train routier, en passant par la charrette à baudets et le triporteur Piaggio. Selon que le véhicule soit motorisé ou non, la vitesse moyenne va du train de sénateur arthritique à la fusée supersonique. Je soupçonne d’ailleurs que, sur les véhicules à moteur africains, le compteur de vitesse est le premier accessoire qui tombe en panne – le genre de panne provoquée par des coups de marteaux.

Tout ce petit monde roule en théorie à droite, même si en pratique « à droite » semble vouloir dire qu’une partie du véhicule est effectivement du côté droit de la chaussée. Les lignes – continues ou pointillées – semblent être prévues pour servir de fil d’Ariane aux usagers de la route, qui roulent tous dessus ; en fait, ils roulent surtout là où il y a le moins de trous. Parce qu’en fait de nid de poules, les trous de la chaussée éthiopienne hébergeraient à l’aise une famille d’autruches.

Au vu des différences de vélocité, les dépassements sont nombreux, fréquents et toujours un peu sauvages. Le coup des deux charrettes de foin qui dépassent en même temps un vélo alors qu’un camion arrive en face, c’est courant. Je ne vous parle pas des stationnements intempestifs ou des demi-tours sur route à l’improviste.

Il est toujours stupéfiant de constater l’absence de carcasses sur les bas-côtés. Ou alors c’est que les véhicules se vaporisent à l’impact, ce qui n’est pas non plus impossible.

Dans tous les cas, ça klaxonne. Souvent. En fait, le klaxon est un outil de communication universel, qui veut aussi bien dire « bonjour », « casse-toi », « attention » ou « on se voit toujours demain au billard ? Je t’amènerai les photos du petit dernier et toi, n’oublie pas les bières, cette fois ! ».

Et puis, si ça ne suffisait pas, il y les bestioles à papattes. Les piétons, par exemple. Il est juste hallucinant de constater, pour nous autres Occidentaux européens lambda, que même en pleine cambrousse, on croise souvent des gens qui marchent le long de la route. S’ils se contentaient de marcher le long de la route, passe encore, mais ils ont tendance à vagabonder d’une rive à l’autre, avec un mépris presque total pour les tonnages lancés à des vitesses quasi-relativistes qui les frôlent.

Mais, dans les bestioles à papattes, il y a surtout le bétail. Ça va du chevreau à peine plus gros qu’un chat au dromadaire, en passant par les vaches, les ânes et les moutons. Disons que, dans la région, la notion de pâturage avec enclos est une vue de l’esprit et que la supervision humaine n’est pas toujours enthousiaste ni efficace.

Du coup, les ânes qui se trimbalent au milieu de la route ou les troupeaux qui traversent sans prévenir, c’est un peu la routine. Alors bien sûr, suivant la bestiole et le projectile motorisé, il arrive que ça fasse une crêpe complète fourrure-sang-os ou la même avec supplément gros tas de métal et de plastique très cabossé.

Maintenant que vous avez une idée du tableau, imaginez le même, mais avec des personnages poursuivis par plein de 4×4 noirs regorgeant de malfaisants surarmés.

De rien, c’est un plaisir.

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Le voyage infernalLa réalité du terrain, elle mord

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