L’avenir du jeu de rôle est-il l’usine à gaz?

L’annonce, sur le récent site d’information rôliste Ikosa, d’une troisième édition du jeu de rôle Warhammer me remplit de perplexité. Pas qu’il y ait une troisième édition, mais le contenu de celle-ci.

Le jeu sera vendu au format boite. Cette dernière contiendra, pour 99.95$ :
–    4 livres de règles / univers
–    30 dés spéciaux
–    Des feuilles d’aventures
–    40 carrières et 4 races différentes
–    Plus de 300 cartes (résumant les compétences et caractéristiques, afin de gagner du temps et de ne plus chercher dans le livre de base pendant les parties)
–    3 « character keeper » (destiné à regrouper tout ce que vos héros auront besoin pour chaque session de jeu).

Whoa.

Ce qui me perplexifie considérablement c’est que, de mon analyse, un des problèmes du jeu de rôle est que c’est précisément quelque chose qui peut être abominablement complexe. Sans même parler des univers de jeu abscons et du jargonisme rampant, pas mal de jeux sont affublés de systèmes de règles qui demandent un doctorat en mathématiques non euclidiennes. Or, j’ai l’impression que tous les jeux orientés “pour débutants” rentrent dans cette catégorie, ce qui me paraît totalement contre-intuitif: je n’imagine pas un débutant se taper quatre livres de règles et jongler avec l’équivalent d’une brocante de taille moyenne en accessoires de jeu.

Certes, il y a l’attrait du gadget: les geeks aiment bien les jouets débiles et développent assez facilement une collectionnite vaguement fétichiste pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à un accessoire (exemple numéro un: les dés). Warhammer étant à l’origine un jeu de figurines, on peut imaginer que c’est un peu le public-cible qui veut ça. Mais la plupart des autres “locomotives” du jeu de rôle, en tous cas en Francophonie, tournent également avec ce principe – à commencer par D&D4.

Je ne suis probablement pas la personne la plus douée en marketing rôliste (le succès de Tigres Volants est là pour me le rappeler assez souvent), mais je m’interroge quand même beaucoup sur la perspicacité de tels choix. À vrai dire, je doute que ce soient des jeux pour débutants, mais bien des produits destinés aux seuls rôlistes, de préférence fans des produits originels. Il est vrai aussi que ce sont eux (les rôlistes, donc, par opposition aux éditeurs) qui font le plus gros du travail pour amener de nouveaux joueurs.

À long terme, je doute que ce soit la bonne approche. Et non, je ne sais pas quelle serait la bonne approche, ni même si cela existe seulement.

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8 réflexions au sujet de “L’avenir du jeu de rôle est-il l’usine à gaz?”

  1. C’est un intéressant avis,

    d’abord je trouve le rapport qté matos/frs pas mal sur ce produit. (pour la qualité je peux pas juger).. Par contre évidement c’est un argument de ventes: Une grosse boite pour un prix raisonnable, on voi qu’on se moque pas. Aussi l’autre jour j’était dans une boutique. Et il y avait bien un copie de nobilis ou tigre volant, et la grosse gamme DD, warhammer et co. Et pour un débutant… ben la grosse game elle plus visible, ça donne l’impression que c’est du solide, aussi si un éditeur prend le risque de faire autant de supplément, c’est qu’il y a du public, et s’il y a du public c’est forcément un jeu potable.

    Pour la prolifération des règles, par exemple notre amis DD, il a l’aventage de prendre le mj novice et le joueur novice. Totalement par la main, lui donnant une règles, une recètte de comment faire, de comment résoudre un situation, comment réagir au demande d’un joueur. C’est queleques chose que les joueur chevronnés oublie a mon avis, c’est que si le jeu doit s’adresser a qq de novice et sans entourage, faut tous lui expliqué, le guider de façon cohérente. Aussi n’oublions pas que qq qui connait pas le jdr, connait probablement le jeux de plateau, qui est bien plus strict au niveau de règles, pas question de tordre les règles en cours de partie. Donc pour ce genre de personne , bcp de règles = bcp de possiblité, pour lui c’est une liberté tous à fait nouvelle. Alors que pour un MJ expérimenté, et bien plus de règles, c’est plus de contrainte et moins de liberté.

    Donc oui je pense que les jeux avec bcp de règles et explication et matériel, sont autant de guide sur la voie du jdr, pour le débutant, quand au avancés ils savent déjà qu’ils peuvent s’en affranchir, et lire le suc culant background.

    Note personnlle: j’ai toujours trouvé plus de difficulté d’imporivé des règles que du background, du coup DD de base me convient, Je suis les règles à la lettre, et invente le monde et l’histoire a fur et mesure… chacun sa voie..

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    • @Sard
      Je ne dis pas que ce sont des mauvais jeux. Bon, je n’aime pas le med-fan et j’ai une relation avec D&D qui tient beaucoup du traumatisme de la petite enfance, je ne suis donc pas le public-cible.

      C’est juste la multiplication du matériel couplé avec un prix pas vraiment anecdotique (quelle que soit la quantité et la qualité du matos) qui m’interpellent.

      Un élément que je n’ai pas développé, c’est que c’est aussi, d’une certaine manière, des éléments que l’on retrouve dans les jeux en ligne. Pour avoir testé, ce sont vraiment des mécanismes non triviaux, qui sont juste rendus gérables par des tutoriaux plus ou moins bien foutus et une foultitude d’infos disponibles sur des sites en ligne.

      C’est juste que je trouve que, pour des débutants, des jeux simples et faciles d’accès ne seraient pas plus mal.

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  2. J’ai l’impression que la discussion éternelle sur le prix des jeux de rôle est complétement anecdotique. Un jeux vidéo coûte entre 70 et 110 Sfr pour une durée de vie bien inférieure à celle de n’importe quel jeu de rôle. Un ado joueur trouve sans problème cette somme.
    Pour le matériel, je pense qu’il peut avoir, au contraire, un effet encourageant, permettant d’entrer dans le “mystère abstrait”du livre de règle avec quelque chose de visuel.
    J’aime pas spécialement les figurines, je trouve en général les illustrations kitschs (avec mention spéciale pour le méd-fan), mais la grande nudité du livre de base avec ces 200 pages de texte ne fait généralement pas grand chose pour démocratiser l’accès à notre loisir. Donc une boîte avec du matos qui fait penser à un jeu de plateau pourquoi pas.

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    • Je suis assez d’accord avec Olivier, si on divise le prix d’un jeu de rôle par sa durée de vie, même un jeu à 100.- est moins cher qu’un DVD. En un sens, on peut retourner le débat, et dire qu’un petit jeu pas cher n’a de sens que pour les gens qui ne font que lire le jeu et le rangent ensuite dans l’armoire. Quand à la complexité du jeu, quand je vois le niveau de complexité que les joueurs de WoW peuvent assimiler, en termes de sorts, capacités et races, je ne pense pas que ce soit réellement un problème, les gens aiment cette complexité, la connaissance de ce monde permet de s’y investir, mais cela n’a de valeur que si cet investissement est partagé par le groupe.
      La question pour moi semble plus être la durée et la relation qu’a un groupe de jeu de rôle avec un jeu, si c’est pour jouer avec une année, quelque chose de cher et relativement complexe ne pose pas de problème, et avoir des accessoires est une bonne chose, que ce soit pour l’ambiance ou le rangement. Peut-être que le problème est plutôt les gens qui veulent jouer à des univers riches, complexes et différents chaque semaine?

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  3. “Il est vrai aussi que ce sont eux (les rôlistes, donc, par opposition aux éditeurs) qui font le plus gros du travail pour amener de nouveaux joueurs.

    À long terme, je doute que ce soit la bonne approche. Et non, je ne sais pas quelle serait la bonne approche, ni même si cela existe seulement.”

    Pour les gros titres (D&D, Vampire, GURPS, etc.) ce n’est pas trop un problème car il y a suffisamment d’enthousiastes ou d’organismes pour s’occuper de la promotion. Par contre j’ai toujours été stupéfié par le manque d’organisation des petits éditeurs à ce niveau. Notamment l’absence de kits de démonstration pour partie d’initiation en conventions / clubs / boutiques. Idéalement ça devrait contenir :
    • Le pitch de vente du jeu en une ligne (e.g. Firefly c’est un croisement entre du space opéra et le far west.)
    • La présentation de l’univers en 15 minutes.
    • La description du système de jeu en 5 minutes.
    • Deux (ou plus) petits scénarios de 3h30 avec personnages prétirés qui peuvent être présentés en 10 minutes. Ces scénarios devraient donner au MJ autant d’informations que possible sur comment l’éditeur souhaite que le jeu soit présenté.
    L’idée étant qu’une personne avec le kit de démo puisse faire le marketing pour l’éditeur (et remplir un slot de convention de 4h). Pour ceux qui n’ont pas de budget ça peut être de simple PDFs à imprimer soi-même. Pour trouver des gens pour faire ces démos, il suffit de faire suffisamment de battage sur le net avant la sortie du jeu et d’avoir un beau site web avec forums ou mailing list ainsi qu’une présence sur les gros sites web (e.g. rpg.net) et y faire du recrutement pour le programme de démo. Idéalement donner un nom cool à vôtre group de démo (e.g. les Men in Black de SJG) afin de crée un sentiment d’appartenance. Si vous êtes semi-riche, faites un joli kit de démo et des t-shirts. Les geeks aiment les T-shirt.

    J’ai aussi été surpris du manque de présence éditeurs Québecois aux conventions locales (on a pas des masses de conventions de jdr à Montréal) et de démo dans les boutiques (ici toutes les boutiques ont des tables où l’on peut jouer ou faire des démos.)

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  4. Je n’aurais qu’un commentaire à faire:

    Ca se vend… et le reste est un peu accessoire, que ce soit utilité, pérennité, intérêt, ou qualité, ceci n’entre pas en ligne de compte dans ce genre de schéma, ça se vend parce que y’aura toujours des collectionneurs et fans de gadgets à essorer comme des vaches à lait, que ça marche ou pas.

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  5. Pour ma part, je suis intrigué par l’approche et je pense que cette troisième édition rejoindra ma collection de jeux auxquels-je-ne-jouerai-pas. Le monde du jeu de rôle a changé. Les rôlistes ne sont plus forcément des geeks férus de méd-fan, mais commencent à être des amateurs de jeux online, qui s’attendent à rencontrer dans le jeu de rôle la structure et l’encadrement fournit par les jeu online en matière de création de perso et de possibilités de customisation.

    Ok, le défaut c’est que le jdr et le mmorpg n’ont pas les mêmes contraintes techniques, et que généraliser une recette qui va bien quand on doit écrire le logiciel de gestion, aux tables de jeux peuplées d’anarchistes pusillanimes que nous connaissons bien, et bien ce n’est pas forcément une idée géniale. Mais je demande à voir. 🙂

    Et d’un autre coté, il n’y a pas eu de jdr potable inspiré par les jeux de cartes à collectionner, je me demande bien pourquoi.

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