Donc voilà. Si ça se trouve, l’affaire SOPA a tellement vexé les services gouvernementaux américains qu’ils viennent de lâcher le FBI sur le site de téléchargement MegaUpload. Fermeture, énervement des Anonymous, hurlements des pro-copie, mouvements de mentons politiques, délire médiatique; la routine, bienvenue en 2012.

Pour ma part, je ferais bien mon Desproges en disant que je prendrai deux fois des pâtes, mais ce n’est pas tout à fait exact. Soyons clair, je ne regrette aucunement la fermeture de ce site aux pratiques commerciales douteuses, mais je me permettrai des remarques sur trois points.

D’une part, un certain nombre de personnes physiques et morales utilisaient MegaUpload pour des pratiques tout à fait légitime: archivage, sauvegarde, partage de documents de travail, etc. Ces personnes sont aujourd’hui les dommages collatéraux d’une guerre qui ne veut pas dire son nom. Rien ne dit que Dropbox ou le service cloud d’Amazon ne seront pas les prochaines cibles de ce genre d’action judiciaire et là, ça va faire beaucoup plus mal. On en est à un point où les grands distributeurs de médias sont prêts à atomiser la planète plutôt que de rechercher celui qui leur a vendu cette montre pourrie.

D’autre part, je citerai le message de Guillaume Champeau (journaliste à Numerama), sur Twitter:

Rappel aux ayants droit : si MegaUpload a gagné tant de pognon, c’est que des gens étaient prêts à payer pour y trouver du contenu.

En d’autres termes, si ces mêmes grandes entreprises des médias étaient un chouïa plus raisonnables dans leurs offres légales, on n’en serait peut-être pas là.

Enfin, et peut-être plus important, je vous renvoie à un court texte d’Ayerdhal, sur Facebook, dont je ne citerai qu’un extrait:

Dans le cas Megaupload, entre les publicités sur le site et les abonnements Premium, c’est une fortune qui a été engrangée par une entreprise tout ce qu’il y a de plus capitaliste, sans qu’aucun auteur n’ait perçu de droits et alors que certains fournisseurs de fichiers ont été rémunérés pour leurs copies pirates, parfois grassement.

Ayerdhal étant loin d’être un anti-pirate acharné et étant, lui, un vrai auteur – j’entends par là qu’il vit de ses écrits, pas comme un certain auteur de jeu de rôle semi-branlo de ma très intime connaissance –, ses propos ont un certain poids et mettent une nouvelle fois la lumière sur une hypocrisie de fait de certains des soutiens les plus virulents de la copie libre.

Je parle bien ici d’une hypocrisie de fait et que je veux croire involontaire, due à l’ignorance. Le problème est très con (et je reprends ici un commentaire sur ce même sujet). Megaupload assurait une solution technique à un problème qui n’est pas trivial: comment héberger des données raisonnablement lourdes et assurer un trafic ininterrompu. Les copieurs trouvaient le système pratique, ils payaient pour cela, sans se soucier du reste; convenience or death.

Sauf qu’il est difficile de soutenir à la fois l’axiome en question (qui est plus ou moins le titre d’un album des Dead Kennedys et, du coup, sans doute utilisé de façon sarcastique) et prétendre soutenir une culture de partage non-marchand contre ces salauds de big media qui s’en mettent plein les fouilles. Tout ceci me rappelle d’ailleurs un débat récent sur un sujet très similaire: les abus de l’abandonware en jeu de rôle.

Je veux bien que nous soyons tous des hypocrites, à un degré ou à un autre, mais je ne peux pas m’empêcher de penser que le bal des pleureuses qui se déroule en ce moment autour de MegaUpload ressemble à un mauvais feuilleton – français, au vu du jeu des acteurs.

(Photo par m.a.r.c via Flickr sous licence Creative Commons Share-Alike.)

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