Je vous avais prévenu: je suis dans les bouquins de Cory Doctorow, ces jours-ci. Après Down and Out in the Magic Kingdom et avant Someone Comes to Town, Someone Leaves Town, j’ai fini de lire Eastern Standard Tribe. En fait, si Down and Out… était l’image d’un avenir glorieux et transhumaniste, Eastern Standard Tribe est un peu le contraire: un futur proche, ultralibéralisé et en voie de tribalisation – non selon des habitudes ou des goûts communs, mais selon les fuseaux horaires, pour des bêtes questions de biorythme.
La raison pour laquelle je commence par présenter l’univers dans lequel se déroule le roman est qu’à mon avis, comme avec Down and Out…, c’est l’intérêt principal de l’ouvrage. C’est une peu le défaut commun que je trouve à ces deux premiers romans de Doctorow: j’ai du mal à m’intéresser à l’intrigue, pleine de trahison et de maladie mentale, et aux personnages, que je trouve un chouïa fades.
Cela dit, je dois être honnête: l’intrigue gagne ici beaucoup par l’astuce narrative utilisée par l’auteur: proposer deux fils distincts. Le premier fil, à la première personne, est celui du protagoniste qui, alors qu’il est dans une merde noire, raconte dans le second fil et à la troisième personne les événements qui ont conduit à cette merde noire en question. Trahison et tout le toutim.
Il reste que je suis beaucoup plus fasciné par les détails de ce monde globalisé et tribalisé de la troisième décennie du XXIe siècle qui émergent des différentes narrations. Le thème est une fois encore l’impact de la technologie sur la société humaine et vice-versa. La différence avec Down and Out… est cependant flagrante: la technologie est ici fondamentalement hostile et c’est l’ingéniosité seule du protagoniste qui parvient à l’apprivoiser, un peu comme on débourre un jeune cheval récalcitrant.
Doctorow annonce dès le départ qu’il s’agit de savoir s’il vaut mieux choisir l’intelligence ou le bonheur, mais, sans révéler la fin, c’est un leurre et la conclusion, même si elle est quelque peu capillotractée, est assez amusante. C’est une des raisons pour laquelle j’aime de plus en plus cet auteur: mis à part le fait qu’il écrit bien, il aime beaucoup jouer avec les règles pour les contourner – ou carrément les changer.
Eastern Standard Tribe n’est pas exactement un livre facile d’accès; je l’ai même trouvé quelque peu rébarbatif par moments, volontairement abscons. Mais au final, c’est un roman d’anticipation sympathique et très geek-friendly. En plus, là encore, il se lit assez vite: de nouveau 200 pages en gros caractères. À ce tarif (également gratuit au téléchargement sur le site de l’auteur), on aurait tort de se priver.
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