À peu près au même moment qu’était annoncé le retour de Casus Belli, un groupe de joyeux zozos claironnaient le lancement de Di6dent, “magazine de la culture rôliste”. Après un numéro zéro assez alléchant, le premier numéro est sorti. La particularité de Di6dent, c’est d’être un vrai magazine, mais disponible uniquement au format PDF (l’éditeur avait mentionné l’éventualité d’une version papier, mais je doute qu’elle ne voit jamais le jour, pour des bêtes questions pécuniaires).

Franchement, pour trois euros, vous pouvez y aller les yeux fermés: c’est 164 pages de haute qualité – avec notamment un article sur le jeu de rôle en Suisse. N’oubliez pas de les rouvrir après avoir acheté le jeu, c’est plus pratique pour lire et, en plus, la maquette a juste le bon équilibre entre audace et lisibilité. J’avoue ne pas avoir tout lu, mais un rapide parcours m’a convaincu que ce premier numéro a de grandes qualités. Sinon le léger détail que la démarche est un peu mi-chair, mi-poisson et me laisse quelque sceptique.

Je m’explique: on a, avec Di6dent, un magazine présenté comme tel (164 pages, format A5), mais dans un format numérique pur. Le problème est qu’on arrive à une période de l’édition numérique où ça ne suffit plus vraiment: à part une table des matières avec des liens hypertextes et des liens Internet cliquables, il n’y a à peu près aucune interactivité.

Plus ennuyeux à mon avis, c’est l’indigence du site Internet du magazine lui-même. Pour dire, à l’heure où j’écris ces lignes, il n’y a même pas de lien vers le premier numéro. Pas de “À propos de” (il y a bien un article “une taupe à la rédac6on”, mais il est caché), évidemment rien qui ressemble à quelque chose de vaguement communautaire – à part le lien vers une page Facebook. Et ça, ça me paraît vraiment bizarre.

De deux choses l’une: ou Di6dent est un magazine papier classique comme Casus Belli (dont j’avais précédemment raillé le non-site Internet), ou c’est un nouveau média, qui s’appuie sur Internet comme support à part entière. Pour le moment, ce n’est ni l’un, ni l’autre et je ne vois rien qui me laisse croire qu’il va prendre l’une ou l’autre direction; j’espère me tromper, mais pour le moment, c’est un média qui a le cul entre la rame de papier et le rack de serveurs.

J’ai de plus en plus l’impression qu’il y a, dans la communauté rôliste francophone, un vrai problème avec Internet. Je vous ai déjà souvent rabattu les oreilles avec la notion de “rôliste Internet”, née du constat semi-intuitif que le rôliste moyen ne connaît pas vraiment les ressources en ligne pour le jeu de rôle ou, à tout le moins, ne s’en sert que peu. La conséquence est que la minorité qui est active sur Internet – souvent des auteurs et éditeurs – a une influence disproportionnée, ce qui résulte en une forme d’élitisme qui paraît souvent coupée de la réalité.

L’impression que j’ai est qu’une des raisons de cette fracture numérique est que les médias rôlistes traditionnels ont tardé à jouer le jeu. Aussi sans doute parce qu’ils ont presque tous disparu au moment il aurait été important, justement, qu’ils jouent le jeu. Si on regarde aujourd’hui, seul Jeu de rôle magazine a un site qui tient à peu près la route avec des éléments communautaires (même si, au hasard, la section “évènements” a l’air de n’avoir pas été mise à jour depuis juin).

Alors certes, créer une communauté en ligne, c’est quelque chose qui demande un certain investissement, notamment du temps. J’ai cependant du mal à comprendre pourquoi cet investissement n’est pas considéré comme prioritaire par des éditeurs de magazine, qui plus est d’un magazine traitant d’un loisir aussi fondamentalement social qu’est le jeu de rôle (même si certains joueurs ont une certaine tendance à être des asociaux de première, mais ça c’est une autre histoire).

J’attends avec impatience le premier vrai site communautaire rôliste francophone, qui serait une sorte de point de convergence pour les actualités ludiques, les calendriers d’évènements, les forums de discussion et les différentes bases de données qui existent (le Grog, la Scénariothèque, etc.). Et il me paraît naturel qu’il émerge du site d’un magazine, même si on n’en prend pas vraiment le chemin.

Stéphane “Alias” Gallay, graphiste de profession, quinqua rôliste, amateur de rock progressif, geek autoproclamé et résident genevois, donc grande gueule. On vous aura prévenu.

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