Idée pour un principe d’écriture de scénario.
Pourquoi ?
Les scénarii à trames adaptatives sont nés d’un constat : quel que soit votre Plan Génial, aussi bien construit que soit une aventure, les joueurs vont un jour ou l’autre trouver le moyen de faire dérailler l’intrigue.
Dans ce cas, de deux choses l’une : ou on improvise, ou agit plus ou moins subtilement pour remettre le groupe dans le droit chemin.
L’idée est ici d’adopter une troisième alternative, à mi-chemin entre les deux : prévoir un scénario qui se modifie selon ce que font – et ce que pensent – les personnages.
Comment ?
Le mieux est de partir d’un événement donné, un point de départ unique – qui n’est pas obligatoirement celui du scénario lui-même. Partant de cet événement, on peut imaginer une trame optimale, ou au contraire un faisceau de possibilités, qui va dépendre des personnages.
Le but est de laisser les personnages écrire le scénario, au gré de leurs envies, de leurs plans et de leurs soupçons. Ils pensent que tel PNJ est un traître ? C’est le cas. Ils voient des conspirations partout ? Il y en a. C’est trop beau pour être vrai ? En effet.
Bien sûr, comme on parle d’un scénario et donc de quelque chose avec un minimum d’actions et de retournements, donc l’option « je suis sûr que tout va bien se passer » n’est pas souhaitable. Il faut donc quand même prévoir un minimum d’adversité.
Au final, un scénario à trame adaptative aura un début et une multitude de déroulements possibles, suivant les personnages. Une méthode consiste à poser plusieurs scènes-clé (un bagarre de bar, une évasion audacieuse, une enquête dans le bazar local, etc.) et d’en changer les acteurs et les buts selon le déroulement de la trame en cours ; avec un peu d’adresse, toutes les scènes-clé peuvent être recyclées dans le scénario, quel que soit le développement.
Le seul défaut est que, si ça fonctionne plutôt bien avec les scénarios mono-épisodes, c’est plus problématique dans le cadre d’une suite de scénarios ou d’une campagne avec une trame raisonnablement rigide.
Exemple
Imaginons un scénario western ; le lieu : une ville-champignon, avec prospecteurs et margoulins. Posons quelques protagonistes (PNJs) : un shérif alcoolique, un gros propriétaire terrien, une tribu d’Indiens, un gang de hors-la-loi, etc.
À la base, le propriétaire engage les personnages pour veiller et convoyer un important chargement d’or, ou de quoi que ce soit de précieux. En conséquence, on aura les scènes-clé suivantes : une attaque de nuit sur le convoi, une bagarre de bar, une poursuite dans un canyon, de la diplomatie avec les Indiens, une mission d’infiltration.
Maintenant, posons la trame de base : les personnages se font attaquer et voler l’or, de nuit, semble-t-il par des Indiens ; après enquête, il s’avère que les Indiens n’y sont pour rien, mais c’est la faute d’un gang local, qui veut faire porter la faute sur eux ; une rencontre avec un des indics dudit gang finit en bagarre de bar, mais les personnages parviennent à pister l’indic, qui les mène au camp des hors-la-loi. Plombage général, récupération de l’or, reconnaissance des édiles et happy end.
Imaginons maintenant que les joueurs, paranoïaques comme tout rôliste moyen, se méfie de leur commanditaire et enquêtent ; ils apprennent que l’individu a une sale réputation et a fait sa fortune sur des monceaux de cadavre. Ils peuvent accepter sa proposition quand même, auquel cas le scénario se déroule normalement, mais les faux Indiens se trouvent être à la solde du propriétaire, qui veut impliquer les Indiens pour piquer leurs terres (en plus garder l’or, tout en touchant l’assurance…).
Les choses se compliquent soudainement : s’ils enquêtent de trop près, le propriétaire fera croire que ce sont eux les voleurs, alliés aux Indiens (plus c’est gros, plus ça marche – surtout si un des personnages est indien ou métis). Le gang prend alors la forme d’hommes de main du propriétaire, qui forment une bande pour poursuivre les personnages ; le shérif peut être un adversaire ou un allié, suivant comment les choses évoluent (i.e pour simplifier ou compliquer les choses).
Si on veut être taquin, on peut même dire que ce sont les Indiens qui ont effectivement volé l’or ; soit ce sont des jeunes Braves qui font les cacous, ou alors la tribu essaye de réparer une injustice (l’or a été volé sur leurs terres, où le propriétaire a installé une mine clandestine).
Ou alors dire que le propriétaire n’a rien à voir dans l’histoire, mais que toute l’affaire est un plan machiavélique de son bras droit, sans foi ni loi, qui cherche à déstabiliser le vieux et lui piquer sa fortune, son trône, ou les deux.
Au final, le principe est d’avoir un scénario où, fondamentalement, ce qui se passe n’ait qu’une influence mineure sur les événements réellement importants à préparer : les scènes-clé.
Conclusion
Un scénario à trame adaptative n’est pas un concept nouveau, ni très original. Il ne s’agit guère plus, comme mentionné précédemment, que d’organiser une improvisation. Cependant je pense qu’il s’agit là d’une forme flexible, qui s’adapte parfaitement à un scénario de convention – ou même simplement lorsqu’on joue avec un groupe qui a tendance à faire ce à quoi le MJ ne s’attend pas.
De plus, il permet de complexifier ou simplifier l’intrigue à loisir, pour permettre à une partie de ne pas (trop) déborder d’une durée fixe.
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Le principal problème, lorsque l’on laisse des détails importants varier en cours de jeu, c’est le risque de perdre en cohérence.
Les indices laissés pour faire croire à une attaque d’indiens doivent pointer dans une direction et pas une autre. A moins de prévoir, pour chaque info donnée, une bonne raison pour qu’elle soit fausse… bonjour les nœuds au cerveau !
Mais bon, c’est une approche intéressante, prévoir les scènes modulables en fonction de l’intérêt pour l’histoire.
Le principe est plutôt de laisser les joueurs, via leurs personnages, trouver les raisons en question.
J’avoue que c’est une idée qui est en grande partie inspirée par la tendance qu’ont mes joueurs à imaginer des scénarios beaucoup plus tordus que ce que j’avais en tête.
Du coup la question que je me pose c’est faut il toujours donner au joueurs ce qu’ils “veulent”? A quel moment décider que non malgré toutes les certitudes des joueurs le pnj n’est pas un traitre?
Est-ce vraiment important que ce PNJ-ci ne soit pas un traître? Pourquoi ne pas partir du principe que oui, c’est un traître et faire intervenir un autre PNJ, qui leur dit “le duc Machin est un traître; je le sais car je suis le vrai duc Machin”.
Ou, plus subtilement, introduire un autre PNJ avec la même fonction que le duc Machin originel.
J’aime beaucoup, d’autant quand les joueurs on des idées plus brillantes ou adaptées que celles prévues au départ.
De plus si un personnage est très doué dans un domaine (exemple intrigue à Pendragon) ses hypothèses il est logiques que ses hypothèses – celles que fait le joueur quand on peu supposer qu’il parle au nom de son personnage – se révèlent plus souvent exactes, ou au moins qu’elle aille “dans le bon sens”…
Ça correspond pas mal à l’idée de “dire toujours oui” aux joueurs.
C’est tout à fait l’idée. Comme le client, le joueur a toujours raison. Sauf si c’est plus drôle qu’il ait tort. 😉