Con comme un homophobe devant un tribunal

Il y a des jours qui apportent leur lot de bonnes nouvelles, même dans le paysage politique français, qui rappelle parfois les bouts de désert dans le jeu post-apo Fallout, pixellisation comprise. Aujourd’hui, le quotidien Libération nous apprend qu’un politicien, accusé de propos homophobes, a été relaxé au motif que ses élucubrations étaient ridicules.

Quelqu’un qui profère des propos haineux et qui est relaxé, ça ne devrait pas me mettre en joie, mais dans ce cas présent le tribunal a jugé que

il convient cependant de considérer qu’aucun véritable crédit ne peut sérieusement s’attacher à des propos que l’auteur ponctue lui-même de rires satisfaits et qui, pour l’essentiel, constituent une succession d’idées reçues et de poncifs, formulés sous un habillage pseudo-psychanalytique et sociologique

Personnellement, j’interprète ça par “les arguments sont trop cons pour être pris au sérieux.” Le truc, c’est que, pour moi, on peut dire ça d’à peu près tous les argumentaires des haineux. Quasiment tous ces argumentaires reposent sur des idées reçues, des clichés, des stéréotypes qui, régulièrement, se font tailler en pièce par des études sérieuses, voire par dix secondes de réflexion à la portée du premier Alias venu.

Les énergumènes qui les véhiculent ne méritent pas la vindicte de la justice. Ce serait faire trop d’honneur à leurs réflexions de caniveau. Si on est charitable, on prendra en pitié leur manque flagrant d’éducation; si on est de mauvaise humeur, on se moquera d’eux. Ce n’est pas forcément très gentil (ni très conforme à un de mes derniers billets, d’ailleurs), mais ça soulage.

Je suis de ce point de vue un féroce partisan de “faites l’humour, pas la guerre” (même si ceux qui me connaissent vous diront sans doute que certains de mes calembours devraient être bannis par la Convention de Genève) et je considère que le ridicule est, dans ce genre de cas, une arme d’autodéfense redoutable, plus efficace que la répression légale.

Surtout contre des discours publics qui, bien souvent, cherchent plus à faire du bruit qu’à colporter un message. Que le politicien en question ait voulu plaisanter ou ait été sérieux, ce n’est pas très important. Il a voulu qu’on parle de lui, qu’il s’en réjouisse: le voilà officiellement ridicule par voie judiciaire.

On m’objectera qu’il y a un risque de banalisation. C’est possible, mais j’ai l’impression que, de toute façon, c’est déjà le cas ces temps-ci. Les paroles de haine et d’exclusion se sont libérées, ces temps. Et si je n’aime pas les haineux, j’aime encore moins la censure; je vais finir par penser, comme Rick Falkvinge, qu’il est plus rentable à long terme de laisser les cons dire des conneries.

Ce qui manque de plus en plus, dans nos sociétés, c’est une véritable éducation qui puisse donner des armes pour faire face à ce genre de discours. Un esprit critique forgé dans la confrontation de la diversité. On essaye d’apprendre aux enfants à être efficaces, mais il semble que, dans la tête de nos dirigeants, ça soit incompatible avec l’idée de penser par soi-même.

(“La Censure”, gravure de Georges Lafosse, domaine public via Wikimedia Commons)

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3 réflexions au sujet de “Con comme un homophobe devant un tribunal”

  1. Le paradoxe c’est qu’on ne peut pleinement penser par soi-même que libéré de toute influence, mais on ne peut pas être éduqué libéré de toute influence. L’anecdote du problème de baromètre de Niels Bohr démontre toute la faiblesse de l’enseignement à ce sujet. Il nous manque des John Keating pour aller plus loin que le modèle imposé, et ce à tous les niveaux. Ce n’est pas d’une réforme dont l’enseignement a besoin, c’est d’une réinvention. Car le modèle est lui-même prisonnier des conventions et de l’histoire.

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    • Seth Godin, dans We Are All Weird, avait montré que le modèle était foireux en ce que justement il encourageait l’uniformisation alors que c’était précisément de l’anormalité (au sens premier du terme) que naissait la créativité. C’est à mon avis une autre piste à suivre. De l’uniformisation naît aussi le rejet de l’autre.

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      • Dans une société décérébrée et maintenue dans cet état par divers moyens plus ou moins inavouables, l’uniformisation ne génère que des exceptions et non une franche diversité de pensées.

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