« Rule 34 », de Charles Stross

Règle numéro 34: quel que soit le sujet, il en existe une version porno. Aucune exception. C’est une des multiples règles mémétiques à laquelle Liz Kavanaugh, inspectrice de la police écossaise dans les années 2020, est confrontée quotidiennement dans Rule 34, le dernier roman de Charles Stross.

À la suite des événements décrits dans Halting State, auquel Rule 34 fait suite quelques années plus tard, elle se retrouve sur une voie de garage, à la tête d’une brigade en sous-effectif qui est en charge de faire face aux mèmes dangereux et autres pratiques virales qui pourraient déborder dans le monde réel.

Autrefois promis à un brillant avenir, aujourd’hui forcée à regarder des peta-octets de vidéos de chats, de cascades jackassiennes et de perversions sexuelles rendues uniquement possible par la popularisation d’images de synthèse photoréalistes, elle se retrouve impliquée dans une enquête sur une série de “malheureux accidents” fatals à un nombre considérable de spammeurs. Et doit refaire équipe avec l’ex-superflic européen qui avait été partiellement responsable de sa disgrâce passée.

J’avais beaucoup aimé Halting State et je ne suis pas loin de penser que Rule 34 est encore meilleur. On y retrouve une alchimie presque parfaite d’un avenir proche (dix ans, à tout casser), dans une Europe qui ressemble furieusement à la nôtre, sauf que pas du tout: la crise financière est passée par là et, avec elle, une refondation majeure des relations entre le public et le privé, plus une société sécuritaire ubiquitaire, des réseaux sociaux généralisés, de la réalité augmentée et des imprimantes 3D. Si j’étais méchant, je dirais presque que Rule 34 est le roman que Makers n’est pas.

Malgré la complexité de sa narration à plusieurs voix – et qui souvent change d’échelle de temps, rien que pour emmerder son monde –  j’ai trouvé l’intrigue plus lisible. Pas forcément plus simple (ou peut-être que si, en fait), mais moins tarabiscotée et moins enterrée sous les multiples couches de contexte de post-cyberpunk pour geek. Oh, il y en a aussi et, pour ceux que ça amuse, le roman est truffé d’idées géniales, tant au niveau de la technologie que de son impact social, mais c’est moins brutal que dans Halting State; l’habitude, peut-être?

Stross s’est aussi calmé sur les retranscriptions de l’accent écossais, ce qui est une bonne chose; là encore, ça fait beaucoup sur la lisibilité. De plus, son écriture est toujours aussi alerte, avec des descriptions très… imagées. Les personnages secondaires sont souvent très intéressants, attachants, humains. Et le dernier petit retournement final est bien trouvé.

Bref, Rule 34, c’est du tout bon! C’est truffé d’inspirations pour du jeu de rôle dans un monde futuriste, entre les technologies crédibles, mais parfois délirantes, les bidouillages sociopolitiques ou les joies d’une administration policière panoptique et procédurière. Et si vous n’êtes pas rôliste, ça reste un excellent bouquin post-cyberpunk, de l’anticipation intelligente, le tout sans trop se prendre au sérieux; c’est le roman à lire. En anglais, parce que zut!

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