Le fantôme des Spirou qui ne seront jamais

Parmi les trouzaines (sans doute un mot-valise composé de “douzaine” et “trop”) de blogs que je suis, il y a celui du Reilly, The Best Place. Il y cause littérature, films et, parfois, bédé. Dans sa note 1229, intitulée Lost Chapter, il revient sur un album de Spirou qui m’avait particulièrement marqué, Machine qui rêve.

Sur cet album, on a tout écrit, principalement en mal. Et il est vrai qu’il avait quelques défauts méchamment rédhibitoires. Mais je l’avais bien aimé, principalement parce que Tome & Janry, les auteurs de l’époque. étaient partis pour faire un reboot sérieusement couillu d’un des personnages les plus anciens de la bande dessinée franco-belge, comme le prouvent les premières planches d’anthologie d’un Zorglub à Cuba que mentionne le Reilly dans son article.

Parce que Spirou, mine de rien, va avoir 75 ans l’année prochaine. Rien que. Alors certes, il a connu une méchante interruption entre 1940 et 1945, mais c’est quand même un personnage qui est passé entre les mains d’une bonne douzaine d’auteurs différents, et non des moindres: de Rob-Vel, son créateur, à Jijé, puis Franquin. Et c’est un problème.

En fait, c’est surtout un problème pour les auteurs qui arrivent aujourd’hui. Au début, tu essayes de coller au perso des origines et tu as un machin suranné, ce qui peut jouer sur un ou deux albums en jouant l’auto-dérision. Arrive un moment où ça ne colle plus, tu tentes la modernisation et le reboot plus ou moins audacieux et, systématiquement, tous les FBDM débarquent avec torches et fourches (généralement avec l’éditeur en tête de cortège, que ce soit la bave au lèvres ou au bout d’une pique).

En Europe, on se moque volontiers des comics de super-héros et de leurs continuités, disons, aléatoires, mais il faut voir que la continuité dans la création populaire est un concept qui est somme toute très récent. Des séries comme Dr Who ont eu beaucoup de mal à gérer cela et les San-Antonio l’ont pendant longtemps soigneusement ignorée.

Pour citer un exemple récent, j’avais été estomaqué en constatant que L’étrange rendez-vous de Blake & Mortimer escamotait complètement l’intégralité des aventures du Piège diabolique – encore qu’on pourrait me rétorquer que ce dernier étant postérieur, l’histoire a pu changer et effacer l’avenir de L’étrange rendez-vous. Ça a l’air bête, mais mon côté “créateur de contexte” en faisait plein de petits bonds outragés.

Je vais finir par penser qu’Hergé, en interdisant qu’on reprenne Tintin après sa mort, avait fait le bon choix.

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2 réflexions au sujet de “Le fantôme des Spirou qui ne seront jamais”

  1. Je suis assez d’accord. Soit tu fais comme les 1001 nuits, et n’importe qui écrit n’importe quoi, et chacun bricole la continuité jusqu’à avoir des histoire imbriquées et Haroun al-Rachid partout, soit tu décides qu’à un moment l’histoire se termine. Tout position entre les deux va amener des compromis qui rendront les fans malheureux…

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    • L’autre option, qui n’existait pas aux débuts de la bande dessinée et qui est sans doute apparue avec les séries télé, c’est de partir dès le départ sur le principe d’un univers partagé, avec une équipe chargée de rédiger une “bible” et de veiller à la cohérence.

      Sauf qu’évidemment, c’est beaucoup plus difficile à faire rétroactivement, surtout après trois-quarts de siècle.

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