“L’épopée de la Croisière jaune”, de Jacques Wolgensinger

Pas jeune, ce truc. Je parle du bouquin en lui-même, L’épopée de la Croisière jaune de Jacques Wolgensinger, de l’édition dans laquelle je l’ai lu (collection “Plein Vents”, édité en 1970) et de l’aventure dont il parle, la fameuse “Croisière jaune” organisée par André Citroën pour relier Beyrouth à Pékin en suivant l’ancienne route de la soie par l’Himalaya avec des autochenilles, entre avril 1931 et février 1932.

C’est Psychée, à qui je parlais de mon amour immodéré pour L’Usage du monde, qui m’a donné envie de lire ce livre, que je souvenais avoir vu dans la bibliothèque de ma maman. Facile de voir le parallèle: des Européens sur les routes du Moyen-Orient il y a plusieurs décennies, découvrant  des cultures si différentes des leurs qu’elles en deviennent presque extra-terrestres. Mais les ressemblances s’arrêtent un peu là.

La Croisière jaune est sans doute une des dernières grandes explorations dignes de l’Europe colonialiste triomphante; rien que le nom “Croisière jaune”, déjà. Ça se sent aussi beaucoup dans le style très “volontariste” de Jacques Wolgensinger, qui ne cesse de décrire des obstacles impassables franchis quasiment par la seule volonté de Georges-Marie Haardt, chef de l’expédition – et la conclusion de l’ouvrage laisse penser qu’en fait d’un récit de l’expédition, on a peut-être lu une hagiographie du personnage.

Cela dit, on sent aussi que l’histoire avance et que ce n’est plus le même style et que l’Asie, qui apparaît comme une sorte d’Eldorado pour les ambitions coloniales française, est bien plus complexe, dangereuse et organisée. L’expédition bute d’ailleurs de longs mois au Sinkiang, aux prises avec un potentat local qui cherche à s’emparer des véhicules français pour mater une révolte. Le cinéaste André Sauvage, qui suit l’expédition, aura lui aussi une vision humaniste de l’expédition qui, au final, déplaira à la fois à André Citroën (qui voulait un film promotionnel pour ses machines) et aux autorités françaises.

Malgré son côté très suranné, le livre de Jacques Wolgensinger est intéressant; il montre les réalités d’une époque qui n’en est pas encore à faire montre d’humilité face à la nature et qui ne renonce pas. Une route trop étroite? On l’élargit! Les véhicules ne peuvent pas passer les cols? On les démonte et on les transporte à dos d’homme de l’autre côté! La figure du chef, Haardt, est également primordiale.

En cela, c’est une excellente inspiration pour les rôlistes qui s’intéressent à la période des années 1930, que ce soit pour un jeu comme L’Appel de Cthulhu ou des univers plus pulp: balancez vos joueurs dans une guerre civile au milieu des plaines de l’Asie centrale et on verra s’ils font encore les malins!

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4 réflexions au sujet de ““L’épopée de la Croisière jaune”, de Jacques Wolgensinger”

  1. Hmm… j’ajoute à ma liste de lecture, j’apprécie grandement de lire sur le thème de la découverte de l’Asie au début du siècle, et plus particulièrement rapport à la course aux richesses et ses conséquences.

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    • Là c’est un peu postérieur à ça, on est à quelques années à peine de la Seconde Guerre mondiale, juste après l’invasion japonaise de la Manchourie et alors que le Kuomintang essaye de contrôler le pays malgré les Seigneurs de Guerre.

      Cela dit, si tu n’as pas lu L’Usage du monde et les autres livres de voyage de Nicolas Bouvier, je ne peux que te les conseiller (oui, je suis FBDM du bonhomme, Nicolas Bouvier is my homeboy — presque littéralement d’ailleurs).

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