Bon, j’ai enfin terminé Makers, dernier bouquin en date de Cory Doctorow et également dernier de la série d’ouvrages du même auteur que j’ai dévorés depuis la nouvelle année. C’était touffu — les bouquins de Doctorow en général, mais ce dernier en particulier. Suffisamment touffu pour que je réfléchisse un long moment par quel bout je devrais l’appréhender.
Le roman suit deux inventeurs, Perry et Lester: ce sont des bidouilleurs de génie qui utilisent les copieux fonds de poubelle d’une Amérique en pleine récession dans un futur très proche. Suivis par une journaliste/blogueuse et soutenus par une grosse corpo un peu idéaliste, ils lancent un mouvement qui rapidement les dépasse, avant de s’effondrer, puis de rebondir de façon surprenante.
Là, en gros, je vous résume le premier tiers du bouquin — et encore, pas tout.
Il m’a fallu un bon moment avant de comprendre ce qui clochait dans ce bouquin: il n’y a pas de trame. Contrairement aux autres bouquins de Doctorow, Makers n’est pas un roman dans le sens traditionnel: c’est une chronique d’un futur proche plausible dans une Amérique post-industrielle.
Alors oui, il y a une histoire, mais encore plus que dans ses autres bouquins, cette histoire n’est guère plus qu’une excuse pour montrer une société aux prises avec des innovations technologiques rapides (dans le cas présent, les imprimantes 3D) et les interactions entre ceux qui les suivent et ceux qui restent derrière.
Le bouquin a également un côté subtilement pamphlétaire, faisant l’apologie d’une culture entrepreneuriale en même temps que sur les vertus de la transparence et du partage — une sorte d’utopie socio-libérale open-source à base de licences libres et de capitalisme désintéressé. S’il doit y avoir des grands méchants dans cette histoire, ce sont les pesanteurs liées aux vieux systèmes qui refusent de mourir, ainsi qu’un État qui n’apparaît dans l’histoire que sous la forme d’une police ultra-répressive. C’est très américain, somme toute.
En fait, je retire des sentiments mitigés de Makers: j’ai eu beaucoup de plaisir à sa lecture, mais en y repensant, il y a pas mal de petits détails hormis ce parti-pris idéologique qui me gênent. La fin est, sinon bâclée, du moins un peu en queue de poisson et l’écriture, si elle reste très plaisante avec des descriptions mordantes et des idées à foison, me paraît un peu trop fixée dans les années 2000. En d’autres termes, je crains que ce ne soit un roman qui vieillisse mal: qui, dans vingt ans, aura la moindre idée de ce que signifie une expression comme “diggdotting” (contraction de Digg et Slashdot)?
Dans tous les cas, et malgré tous ces défauts, je recommande la lecture de Makers à tous ceux qui s’intéressent à une science-fiction plus axée futur proche crédible: Cory Doctorow a le doigt sur le pouls des tendances technologiques et est à mon avis un assez bon juge des changements sociétaux qu’ils peuvent créer. Et, comme pour ses autres romans, Makers est disponible gratuitement sur son site.
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Tout cela fait d’autant plus réfléchir qu’on commence à peine à entrevoir les potentialités politiques des imprimantes 3D : http://yannickrumpala.wordpress.com/2012/02/02/impression-tridimensionnelle-et-reconfiguration-politique/
Les potentialités politiques et surtout l’impact social de cette technologie, oui.
C’est une des forces du bouquin de Doctorow de s’interroger sur ce sujet.