Ces jours, j’ai retrouvé un vieux pote, un certain San-Antonio. Un type extra, du genre qui se prend pas la tronche avec des imparfaits du subjonctif avec double arbre à came en tête, ni avec des détails comme la vraisemblance ou les bonnes mœurs. Flic, mais pas du genre pénible; pas une tanche non plus, hein? Services secrets, as du tir et de la castagne; la crème. Et du genre doué de la langue. Oui, à l’écrit aussi.
Trente ans qu’on se connaît, lui et moi; plus que ça, même! Plus qu’un pote: une inspiration! Ah, je m’en suis enfilé, de ses aventures rocambolesques, à Pantruche et ailleurs! J’en ai retenu un goût prononcé pour le calembour foireux, la métaphore acrobatique et les comparaisons qui font claquer les plombages. Oh, on s’était bien un peu perdu de vue ces dix dernières années; lui a perdu son père/double, moi j’avais ma petite vie, mes petits écrits à moi. Mais je le savais pas loin, toujours à portée de pogne en cas de besoin.
Et puis il y a eu cette nouvelle édition. Collection “Bouquins », chez Robert Laffont. Du lourd: 1200 pages le volume, du genre huit à dix épisodes la pièce: tout ce qui faut pour les longues soirées d’hiver. Et j’ai replongé. Je suis reparti en virée avec mon vieux pote à travers la France et la Belgique – et même avec un crochet par Genève, tant qu’on y est. On s’est raconté nos souvenirs. Sans surprise, les siens sont plus chouettes. Du polar, peut-être; de l’espionnage, aussi; limite du pulp, en fait, l’humour en plus: la guerre, la Résistance, les Services secrets, les machinations improbables, les méchants biens tordus, les belles pépées toujours plus ou moins fourbes.
Ah, ça, pour le politiquement correct, tu repasseras! Le San-A, c’est un p’tit gars de l’époque, et un drôle de dessalé. La Loi Évin, par exemple, comment qu’il s’en fait du faf à train, le gnace: gnôle et clopes à tous les étages! Bon, c’est pas toujours très fin et franchement, les épithètes semi-racistes, personne ne les regrette trop, mais j’ai pas eu le cœur de le lui dire. D’abord parce qu’il est plus grand et plus fort que moi et que, comme disais un de ses cousins, quand les hommes de cent-vingt kilos parlent, ceux de soixante se la coincent. Ensuite, ben, parce que c’était l’époque; on s’emmerdait pas avec beaucoup de choses, pour le meilleur et pour le pire.
Autant dire qu’à ce rythme, le pavé, je me le suis tortoré façon express. Une semaine de lecture, bonsoir m’sieur-dames! Pour le coup, il avait même invité un pote à lui, son biographe: un certain François Rivière, qui m’a fait un petit cours magistral sur le San-A-sa-vie-son-œuvre (pendant que l’animal lutinait la barmaid; on ne se refait pas). Moi je buvais du petit lait; fanboy, je suis.
Et puis il y avait ses premières enquêtes, celle où il n’avait pas encore le trait d’union – non, ce n’est pas une métaphore sexuelle, cette fois. À l’époque, il en faisait des tonnes; c’était Superman-sur-Seine, le San Antonio! C’était marrant, ça me rappelait mes parties de Feng Shui. Le seul défaut, c’est que ça manquait de Bérurier; il apparaît brièvement, le Gros, mais ce n’est pas encore la grande époque du duo infernal et de leur non moins illustre troisième larron, l’inénarrable Pinaud.
Ce qui est marrant avec San-A, c’est qu’après notre virée, je n’avais pas la gueule de bois, ni la nostalgie – ce qui chez moi est pire. Tout ce que je demandais, c’était de repiquer au truc. Ça tombe bien, j’ai cinq autres volumes qui m’attendent – en attendant les autres.
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Bel hommage, bien torché!
Merci.
Mes amitiés aux habitants du Kelsaltan, destination de vacances rêvée, ainsi qu’à Berthe Bérurier.
Les habitants du Kelsaltan qui, comme chacun le sait sont les Kelsaltypes.
Pour les amitiés, j’en parlerai à Alfred le coiffeur, qui transmettra.