Le point de départ de cet article, c’est l’interview de Peter Sunde sur Wired, repris par Ars Technica, intitulé You can’t beat politics with technology, mais je pourrais également citer un article à la tonalité pessimiste de Reflets sur la surveillance qui souligne à peu près les mêmes points: le danger de laisser la politique aux politiciens.

J’aime bien Peter Sunde, non seulement parce qu’il est co-fondateur de Flattr. Le cœur de son propos, c’est que la plupart des électeurs ont abandonné le champ de la politique. Il prend comme exemple les élections au Parlement européen, que tout le monde semble vouloir ignorer alors que la politique européenne a un impact sur tous les Européens (duh!).

Son autre thèse c’est qu’il existe, chez les geeks politisés (genre hacktivistes ou Parti pirate), une tendance à penser que la technologie va résoudre tous les problèmes de la politique et donc ne s’intéresser qu’à cela. Sauf que non; si c’était le cas, ça se saurait.

Il taille au passage un costard à certains de ces hacktivistes qui se comportent un peu comme des Gardiens du Temple et, de fait, cantonnent certaines technologies dans un bastion élitiste. Si je voulais résumer son point de vue, je dirais qu’une technologie qui ne profite pas au plus grand-monde n’a aucun impact politique.

Je ne peux qu’adhérer à ce point de vue. Des technologies comme le chiffrage, les proxys et autres TOR sont belles et bien, mais j’ai pu constater à leur contact que, pour la plupart, elles nécessitent un investissement que la plupart des utilisateurs ne sont pas prêts à faire.

Mais revenons à la politique (encore qu’on portait trouver des points communs). Le problème est effectivement que les citoyens lambda semblent avoir massivement abandonné le champ politique aux élus “professionnels” – lesquels ne s’en portent pas plus mal. Ce n’est pas un hasard si l’expression “politique politicienne” est devenue, depuis quelques années, très (trop) fréquente et un euphémisme pour “magouille”.

La conséquence de cette désaffection est que les élites ont tendance à se reproduire entre elles; la consanguinité n’est pas une bonne idée et, dans le cas présent, c’est une tendance qui va en s’amplifiant. Moins les électeurs s’y intéressent, moins il est facile pour eux de s’y intéresser.

Pour ma part, ça fait un moment que l’idée de rejoindre un parti et de militer un peu, ne serait-ce que localement et ne serait-ce que pour en faire l’expérience, me titille depuis un moment. Ce constat que le système privilégie ceux qui en font la carrière et, en plus, le fait qu’aucun parti n’a de programme qui me satisfasse réellement – plus une bonne dose de flemme et un soupçon de découragement dû à l’âge – contribue à ce que je reste un activiste de salon. Je soupçonne que je ne suis pas seul dans ce cas.

Pour en revenir à un des constats de Peter Sunde, je pense qu’il faut que les apprentis-activistes de la nouvelle génération arrêtent de considérer la technologie comme l’Arme Absolue pour arriver à imposer leurs idées.

La politique a beaucoup de points communs avec la prostitution, notamment en ce que c’est un des plus vieux métiers du monde et un qui implique encore un vrai contact humain. Et, comme la prostitution, ce n’est pas sale en soi, sauf quand c’est utilisé et abusé par des personnes qui n’ont que l’argent et le pouvoir en tête.

Si je voulais continuer dans la métaphore scabreuse, je dirais qu’il est temps pour les électeurs de reprendre les choses en main (mais vous me connaissez: ce n’est pas mon style): utiliser la technologie pour court-circuiter les lourdeurs des appareils de parti, mais ne pas négliger le contact direct, la transparence et savoir mitiger les idéaux et la réalité du terrain.

(Conseil national suisse. Photo John Doe via Wikimedia sous licence Creative Commons partage dans les mêmes conditions CC-NC-SA.)

Stéphane “Alias” Gallay, graphiste de profession, quinqua rôliste, amateur de rock progressif, geek autoproclamé et résident genevois, donc grande gueule. On vous aura prévenu.

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