Je vous ai déjà parlé du revenu de base, ou revenu universel. Si je vous en reparle aujourd’hui, ce n’est pas uniquement à cause d’une panne d’inspiration pour des sujets “vendredi vraie vie”, mais également parce que l’actualité de ces derniers temps est une excellente occasion pour ressortir le sujet.

En France, il y a la question des intermittents du spectacle et celui des auteurs de bandes dessinées – et, derrière ces deux groupes, toute la question de la place de l’art dans une société marchande. En Suisse, c’est l’initiative populaire pour un revenu de base, qui devrait prochainement venir devant le peuple et qui déchaîne tout un tas de fantasmes plus ou moins crédibles, ainsi que quelques réactions plus argumentées, notamment de economiesuisse et du magazine Bilan.

J’aimerais poser ici mes opinions sur le sujet. Ce n’est pas un argumentaire officiel, ce d’autant plus que je ne suis membre d’aucun comité référendaire, mais plutôt une accumulation de réflexions sur ce sujet que, pour certaines, j’ai déjà développé ailleurs et, pour d’autres, que j’ai lues ailleurs sur les interwebs.

Pourquoi c’est nécessaire? Notre société définit, en gros, que pour avoir de l’argent, il faut travailler. Le problème, c’est que l’ère du plein-emploi est derrière nous, donc de plus en plus de gens ne pourront pas travailler.

Pourquoi c’est juste? Parce qu’il faut de l’argent pour vivre; nos droits fondamentaux (Constitutions fédérale et cantonale, Droits de l’homme et autres conventions internationales) sont censés nous le garantir, mais dans les faits, si tu n’as pas de sous, c’est dommage. Le revenu de base, c’est ça: un revenu pour vivre, pour couvrir les besoins de base.

Pourquoi c’est révolutionnaire? La loi de l’offre et de la demande s’appliquant également aux salaires, le chômage tire mathématiquement les salaires vers le bas. Le revenu de base supprimerait le chômage et donc, en grande partie, cette compétition du moins-disant.

Pourquoi ce n’est pas un permis de glander? OK, ça l’est un peu, mais disons les choses ainsi: les gens qui n’ont pas envie de bosser ne bossent pas ou, pour être plus précis, sont rarement productifs. Qui plus est, le revenu de base ne fournit, par définition, que la base: ceux qui veulent plus devront travailler.

Pourquoi ça fait peur aux entreprises? Précisément parce que ça va les obliger à réévaluer les salaires sur la base d’une offre différente, donc de potentiellement payer plus.

Pourquoi ça ne devrait pas faire peur aux entreprises? D’une part parce qu’elles pourront, de base, déduire le montant du revenu de base des salaires sans pour autant faire râler les salariés, qui ne perdraient rien en revenu total. D’autre part, parce qu’ils trouveront toujours des gens intéressés à bosser pour améliorer l’ordinaire – et qu’en plus ces travailleurs seront sans doute plus motivés.

Pourquoi ça ne va rien changer? Parce que ceux qui veulent travailler pourront le faire. Parce que les gens continueront à avoir besoin de plombiers, de fonctionnaires (si si!), de faire leurs courses dans des supermarchés.

Pourquoi ça va tout changer? La question des allocations familiales, des allocations chômage et des retraites, ainsi tout le bigntz autour du statut des artistes, peut être en partie résolu par une mesure simple.

Pourquoi ça risque d’être la merde? Parce qu’il faudra financer et, s’il est possible que notre niveau actuel de prélèvements arrive à financer la mesure, il n’est pas dit que ce soit encore le cas après la transition. Parce qu’au-delà du revenu de base, il faudra réinventer toute la société qui va autour.

Enfin, il se peut aussi que ça ne fonctionne pas. Mais au moins, on ne pourra pas dire qu’il n’y a pas d’alternative.

(Photo de Stanislas Jourdan via Flickr sous licence Creative Commons, partage dans les mêmes conditions.)

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