Parfois, je me demande si le groupe suédois Ghost ne constitue pas la plus grosse bande de trolls de la scène metal contemporaine. Témoin leur nouvel album, Prequelle, qui combine le satanisme théâtral du black-metal avec des sonorités hard-rock / shock-rock seventies et des hommages appuyés au rock progressif.

Ghost a plus fait parler de lui récemment pour des questions judiciaires que pour leur musique. Il est constitué d’un collectif de musiciens connus sous le nom de “Goules anonymes” autour d’un chanteur, autrefois affublé du titre de Papa Emeritus et qui, sur cet album, est identifié comme Cardinal Copia (Tobias Forge dans le civil). Normal, pour une préquelle, d’avoir le pape redevenir un cardinal.

Avec dix pistes et seulement quarante et une minutes – sans compter les deux pistes-bonus, qui n’apportent pas grand-chose à l’ensemble – on ne peut pas dire que Prequelle est un album qui s’étale inutilement. Les deux pistes qui dépassent les cinq minutes sont d’ailleurs les deux instrumentaux de l’album.

Quelque part, l’orientation très seventies de Prequelle ne devrait pas être une surprise pour ceux qui avaient écouté l’album précédent, Meliora. Du black-metal, Ghost ne reprend que les codes d’apparence et, peut-être, les thèmes. Les sonorités sont clairement à chercher du côté des groupes de hard-rock de l’époque.

Ainsi, après l’intro “Ashes” (où la petite fille du chanteur égrène une comptine anglaise originaire de l’époque de la Grande Peste), on a deux brulôts exceptionnels, “Rats” et “Faith”, dans la veine d’Alice Cooper et un “See the Light” de toute beauté.

Hard-rock, mais pas seulement: sur cet album, Ghost se lance dans des titres pur prog, comme l’exceptionnel instrumental “Miasma” – et, dans une moindre mesure, “Helvetefönster” (terme qui n’a que peu de rapport avec la Suisse, puisqu’il signifie “fenêtre vers l’Enfer” et désigne l’échancrure latérale de certaines robes médiévales).

Le reste de l’album réserve également d’excellents moments, comme “Witch Image” ou un splendide “Life Eternal”. Il n’y pas de moment faible dans Prequelle, tout au plus quelques passages un peu moins intenses.

Je ne vous cacherai pas que j’ai une tendresse très particulière pour cet album. D’abord parce que son approche prog est une évolution bienvenue et, aussi, parce que malgré ses thèmes morbides et satanistes, je le trouve particulièrement lumineux et réjouissant. Et, avant que vous ne me signaliez le paradoxe de la chose, puis-je vous rappeler l’étymologie du nom “Lucifer”?

Si l’on excepte les deux pistes-bonus, il n’y a pas grand-chose à jeter dans Prequelle. C’est bien parti pour être un des mes albums préférés pour 2018.

Bonus: la vidéo de “Rats”

(Pour ceux qui se demandent si c’est un hasard que je publie cet article le jour où le Pape – le vrai, le catholique, s’entend – passe non seulement à Genève, mais sur mon lieu de travail… c’est sûrement un hasard. Sûrement.)

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