Lettre ouverte aux nounous d’Internet

C’est malin, je suis de nouveau tout énervé. Plus précisément, je commence à en avoir doucement marre des gens qui veulent me dire ce que je dois voir. Doucement, parce que je suis suisse et quelqu’un de plutôt patient pour certaines choses, mais marre quand même.

Alors bien sûr, il y a l’histoire des caricatures d’un prophète parmi tant d’autres, que ce soit en vidéo ou sous forme de dessins de presse, mais j’ai appris qu’il est inutile de rager contre des fanatiques. Autant les classer dans les catastrophes naturelles, au même niveau que les ouragans, les tremblements de terre et les mises à jour logicielles ratées.

Cela m’ennuie beaucoup plus quand ce sont des personnes que je connais ou des sites que je fréquente qui s’y mettent. Exemple typique: Facebook, qui vient une deuxième fois de bloquer temporairement le site de Wendy Pini, créatrice d’Elfquest, comme le raconte BoingBoing.

Cher Monsieur Facebook, je suis quelqu’un d’adulte et de responsable (à une vache près, mais on ne va pas chipoter). J’estime donc que c’est à moi de dire ce que je veux voir et ne pas voir, pas à toi – ce d’autant plus que ton jugement n’est pas toujours très sûr ni très cohérent.

Plutôt que de bloquer arbitrairement des dessins qui pourraient, peut-être, éventuellement, choquer quelqu’un, je préférerais nettement que tu me donnes les outils pour que je puisse, moi, les bloquer à mon niveau. Ces outils existent, d’ailleurs; ils ne sont pas très visibles, et passablement rudimentaires, mais ils existent.

De façon plus générale, Internet et les services qui s’y trouvent sont des outils. Beaucoup de gens semblent l’oublier et se représentent Facebook ou Google comme des entités semi-conscientes qui génèrent automatiquement des photos de chats et du porno – parfois, les deux ensemble. De loin et sans lunettes, c’est compréhensible, mais faux.

Le problème avec les outils, c’est qu’il faut apprendre à les utiliser. C’est long, c’est compliqué et, suivant les sites et les services, c’est contre-intuitif. Mais s’il y a bien un aspect sur lequel j’apprécierais plus de réactivité, c’est bien là-dessus plutôt que sur l’application des grands ciseaux de Dame Anastasie sur tout ce qui ressemble à un OMG Boobz! Pourtant, avoir un système à base de degré de visibilité, qui dirait “mon image contient du OMG Boobz!” n’a pas l’air si compliqué.

Le second problème, c’est qu’il n’y a pas vraiment d’alternatives crédibles à Facebook et consorts; ne me parlez pas de Diaspora (qui pourtant a des réglages pertinents pour ce genre de chose): je sors d’en prendre. Il y a bien Google+, mais je soupçonne que le problème ne va pas tarder à y devenir similaire.

Le fond de l’histoire, c’est que je n’ai pas (plus/pas encore) besoin de nounou quand je vais sur Internet et, partant, je déteste quand quelqu’un que je n’ai pas mandaté pour ce faire se prend de jouer les nounous.

En plus, ils pourraient au moins faire un effort et porter un uniforme sexy.

(Photo: “Manipulate It – Against Censorship” par Skye Suicide via Flickr sous licence Creative Commons non-commerciale no-derivatives.)

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18 réflexions au sujet de “Lettre ouverte aux nounous d’Internet”

  1. Avec l’arrivée de monsieur et madame tout le monde sur internet, les idées de monsieur et madame tout le monde, ainsi que les lois d’iceux sont venues avec. Comme légalement parlant il est plus grave de montrer quelque chose d’illégal que de cacher quelque chose de légal, le système s’est adapté.

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  2. bah il y a google + toujours
    et je vois pas pourquoi ça deviendrait pareil
    ce n’est ni la même entreprise, ni la même philosophie derrièr

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    • D’une part, il y a le problème “même cause, même effets”. Il suffit que certaines associations hurlent sur le thème “pensez aux enfants!” pour que le même genre de mesures apparaissent.

      D’autre part, je ne fais pas vraiment confiance à Google. Pour moi, ils ont exactement la même philosophie que Facebook (et que toutes les autres entreprises de par le monde): faire plaisir aux actionnaires, ce qui peut se résumer par “faire du pognon”.

      Je rappellerai à tout hasard que Google, tout comme Facebook, interdit l’usage exclusif des pseudonymes sur son réseau social. Compagnie différente, pratiques similaires.

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  3. Je ne réagirais directement qu’à la première partie de ton article, ayant depuis quelques temps déjà abandonné Facebook et ses alternatives (pour des raisons pas si lointaine d’ailleurs de tes arguments).
    Dans l’ensemble je ne peux être que d’accord et approuver ta réflexion. Cela devient effectivement insupportable en utilisant un site communautaire de signer (car les CGU que personne ne prend le temps de lire, l’indiquent bien…) cette acceptation pour se faire imposer un mode de pensée, un politiquement correct, une morale. Que cette dernière soit en adéquation ou non avec nos valeurs et façon de voir les choses n’a pas d’importance, le simple fait d’imposer au lieu de nous offrir les moyens de choisir pour nous est en soit un premier pas (est on seulement encore dans le premier pas ?) d’un dictat qui ne devrait pas exister. Par conséquent bien entendu il serait bien plus agréable (et respectueux) d’avoir de la part de ces géants la mise à disposition des dits outils de contrôle, ainsi que la connaissance pour les utiliser. Proposer au lieu d’imposer, chacun dispose ensuite et respecte ainsi l’autre… (vivons tous dans le monde des bisounours)
    Seulement une chose me gêne dans cette réflexion; le public ou plus exactement le grand public, donc les jeunes.
    Ces sites sont ouverts à partir, de mémoire, de 13 ans. L’important n’est pas de savoir si c’est justifié ou non de proposer un tel service pour des jeunes de cet âge car je laisse cette réflexion à chaque parent (si tenté ils s’y intéressent), mais bien de réfléchir à l’ensemble. Comment protéger ce public, plus jeune, plus démunis, face à des informations pas forcément adaptées pour eux (la nudité nerf de guerre de Facebook, n’est pas seul fléau dans ce cas) ?
    A ma connaissance, qui se veut maigre, il n’existe aucun programme permettant à tout a chacun de contrôler, lui-même, vraiment le contenu qu’il va diffuser et son impact. Les logiciels de contrôle parental sont de vastes blagues dans l’ensemble et là encore on revient à un concept de « je censure pour toi… » même si cela pourrait se justifier de par « l’immaturité » de la cible.
    C’est là que se pose ma réserve sur l’ensemble. Comment réunir la liberté pour soit, sans devenir une liberté destructrice pour l’autre ?
    Ce qui me ramène au choix très judicieux (volontaire ?) de ton interlocuteur dans ton titre : « les nounous ». Car quel est le rôle d’une nounou (hormis la belle poitrine…), si ce n’est pas de protéger, interdire, veiller sur quelqu’un qui n’a pas les moyens de le faire pour lui même ?
    Ne faut il pas par conséquent accepter que l’on contrôle pour nous, en vue de protéger ceux qui ne peuvent, qui n’ont pas la possibilité de connaître l’impact que cela aura sur eux ? La censure (car il s’agit bien de censure) ne devient elle pas nécessaire, voir bénéfique ?
    Encore à ce jour j’ai bien du mal à avoir une opinion tranchée. Pour moi, oui, mais pour les autres ? N’est il pas de ma responsabilité également de veiller sur l’impact de mon contenu ? Dois je pour autant devenir une entité web 2.0 politiquement-moralement correcte ? Donc à me privée de ma liberté de diffuser tout ce qui pourrait choquer, etc. Pour moi cela devient vite le serpent qui se mord la queue cette histoire.
    Bien entendu les grands groupes (Facebook mon des-amour) ne peuvent que se servir de ce type d’argument pour justifier leur contrôle absolu et ainsi pouvoir continuer d’imposer en toute tranquillité leurs visions absolue, mais dans le fond à quelle échelle il y a t’il plus de mal que de bien ?

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    • Le problème, avec l’argument “pensez aux enfants”, c’est que j’ai l’impression qu’il évacue complètement ceux qui sont censés le faire: les parents.

      Ceci posé, je ne vois grosso modo que deux solutions: soit on accepte qu’un programme tiers censure ce qui n’est pas censé être montré, soit on s’auto-modère.

      Si la première solution m’est haïssable pour des raisons expliquées dans l’article, la deuxième solution me paraît faisable avec des outils ad hoc, par exemple en cochant des options pour chaque article, photo ou lien publié.

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      • L’argument, même si je l’ai simplifié et cantonné aux enfants, se voulait un peu plus large. Il prenait en compte l’application du bon vieil adage “la liberté de l’un s’arrête là où commence celle d’autrui”. Il me semble important de réfléchir effectivement à des solutions pour protéger pas seulement son contenu, mais l’impact qu’il peut avoir sur les autres. Car la magie du Contenu diffusé (non réservé à Internet) est bien de ne pas avoir de contrôle direct sur l’impact qu’il aura sur la cible au sens large…

        Pour moi, et t’accompagner dans ton idée/reflexion:
        – accepte t’on sans réserve une liberté totale du contenu/contenant/diffusion/impact qui s’apparenterait très vite à une forme d’anarchie.
        – accepte t’on sans réserve qu’une tierce personne/autorité (la nounou ?) nous protège et protège autrui des dérives de l’impact de notre liberté. Prenant le risque qu’il y ai des abus (pouvoir = dérive) ?

        Le fait de s’auto-modérer me semble utopique et surtout problématique; s’auto-modérer sur quels critères de références ? Education ? Social ? La Morale ? Ce qui est choquant pour l’un ne l’est pas pour l’autre, etc… En somme en revient à se dire “je vais m’auto-modérer car j’estime que tel ou tel public ne devrait pas voir ce Contenu – je décide pour lui”.

        Je reste divisé…

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        • Personnellement, je pense que, sur un média social, il devrait être aussi facile de dire ce qu’on veut que de ne pas entendre ce qu’on veut.

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  4. Aaaah ! Les suisses….
    C’est l’ai pur des montagnes qui vous tient le cerveau en si bon état.

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    • Hello et bienvenue!

      Par contre, l’air pur des Alpes n’est pas exactement une référence, d’une part si on s’en réfère aux cas de crétinisme qui y pullulent et, d’autre part, en notant que le point le plus haut de Genève est à 550 m d’altitude…

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