Il y a quelques semaines, j’avais écrit un article sur le danger à parler de nazis pour tout et n’importe quoi. Depuis, il y a eu Charlottesville. Je pense qu’on peut être d’accord sur le fait que des zozos qui se baladent avec des brassards à croix gammée, qui hurlent des slogans antisémites et qui font des saluts le bras tendu entrent sans conteste dans la catégorie “nazis”. Et, d’ailleurs, Mike Godwin, l’inventeur du point du même métal, est de cet avis:

https://twitter.com/sfmnemonic/status/896884949634232320

En français dans le texte (sur son même compte Twitter): “Vous êtes libre de comparer ces têtes de merde aux nazis. Encore et encore. Je suis d’accord.”

Ce message, partagé sur Mastodon, a réveillé certaines des discussions qui avaient provoqué mon billet d’alors. Ce n’était pas vraiment le but, mais je serais faussement naïf si je n’avouais pas que je m’y attendais un peu.

Le fait est que mon contradicteur dans ces échanges a soulevé un point important: un certain nombre des mouvements qui ont entraîné une dégradation certaine de l’ambiance sur les réseaux sociaux ces dernières années, avec harcèlement et attaques en règle contre tout ce qui ne ressemble pas à un “mec blanc cishet”, est lié à des personnalités d’extrême-droite, voire carrément néo-nazies.

Sur Facebook, un de mes contacts a dit que, parmi les auteurs de ces agressions, il y a beaucoup de “losers qui se la pètent”. C’est probablement vrai, mais la question est, à partir de quel point un loser qui se la pète en s’associant avec des nazis ne devient pas un nazi lui-même?

C’est une vraie question. J’entends par là que ce n’est pas – seulement – une figure de rhétorique, mais aussi une question à laquelle je n’ai pas de réponse. Je doute qu’il existe d’ailleurs une seule réponse, mais la raison pour laquelle je la pose, c’est que j’ai l’intime conviction qu’il est aujourd’hui important d’y réfléchir.

Personnellement, j’aurais tendance à mettre le curseur bien plus vers “nazi” que vers “loser”; c’est un peu le même principe que ce que j’exposais dans le “problème de connards“: je pars du principe que les gens qui se laissent aller à des comportements de connards sont bien plus nombreux que les vrais connards pur sucre.

Maintenant, je comprends très bien que les gens qui militent dans des associations LGBT+ féministes, pour les droits humains ou simplement qui ont le malheur de faire partie d’une minorité cible d’une bande de gros lourds, limite dangereux, se sentent un peu plus dans l’urgence.

J’ai tout à fait conscience d’être un militant en carton, qui fait de l’activisme depuis son canapé avec son portable à trois smics. J’habite un pays riche, j’ai une situation stable, la plus grande précarité que j’ai connue, c’est trois mois de chômage. Je suis très proche de l’archétype du mec blanc cishet sus-mentionné, ce qui veut dire que même quand je reposte des sujets ultraféministes, les mascus m’ignorent. Ou alors, c’est que tout le monde m’ignore; c’est possible aussi.

Alors oui, je viens peut-être dire à des personnes qui se prennent quotidiennement des tombereaux de merde dans la tronche “faut pas traiter les nazis de nazis”. Peut-être. En fait, ce que je viens dire, c’est qu’il y a un danger à appliquer sans distinction une étiquette de ce genre.

On en arrive à des situations où une association comme l’American Civil Liberty Union est accusée de soutenir les suprémacistes blancs (article en anglais). Ce qui n’est pas sans rappeler les dérives ultra-sécuritaires, en France et ailleurs, autour de la notion de “terrorisme”.

On a déjà entendu la rhétorique “expliquer c’est excuser”. Le fond du problème, c’est qu’on en arrive à une logique binaire du “nous” contre “eux”, où tous ceux qui ne sont pas contre “eux” sont obligatoirement contre “nous”.

Si ça, ça ne vous inquiète pas, je ne peux plus rien pour vous – mais rassurez-vous, je serai sans doute mort avant vous.

(Image: “Ronald McDonald disguised as Hitler” via Wikimedia Commons, sous licence Creative Commons, partage dans les mêmes conditions)

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