Zeal & Ardor: Stranger Fruit

Comme c’est le premier août, fête nationale suisse, au lieu de piorner une énième fois sur la notion haïe de patriotisme, j’ai décidé de chroniquer aujourd’hui un groupe helvète. Mais, comme je suis taquin, j’ai choisi Stranger Fruit, de Zeal & Ardor, qui est un des concepts les plus barrés que j’ai jamais entendu. Genre, gospel et black-metal.

Le nom de Zeal & Ardor ne m’était pas inconnu, mais c’est une chronique dans le dernier numéro de Vigousse avant les vacances. Comme quoi le metal, comme le jeu de rôle, est en train de venir mainstream. Bref, l’envie de découvrir cet album est devenue pressante. Parce que, voyez vous, c’est un groupe qui répond à la question uchronique “et si les esclaves africains en Amérique s’étaient tournés vers le satanisme?”

Avouez que c’est la première fois qu’on vous la fait, celle-là!

Et Maurice Gagneux, le musicien américano-suisse derrière le projet, ne fait pas semblant. Rien que le titre, Stranger Fruit, est une référence à “Strange Fruit”, une chanson interprétée par Billie Holliday en 1939 et qui dénonce la situation des Africains-Américains – le “fruit étrange” en question étant les victimes de lynchage.

Stranger Fruit contient la bagatelle de seize pistes, mais courtes: aucune ne dépasse les quatre minutes et elles tournent plutôt autour de deux ou trois minutes, souvent moins. L’album dure au total quarante-huit minutes.

Alors disons les choses ainsi: si vous n’aimez pas le black-metal, le blues et le gospel, cet album n’est pas pour vous. Si vous aimez un des trois, il est fort probable que c’est album ne soit pas pour vous non plus. Par contre, si vous êtes curieux et que les expérimentations contre-nature ne vous font pas peur, c’est peut-être bien l’album du siècle. Ou, à tout le moins de l’année.

Le truc, c’est que Stranger Fruit affiche, au premier abord, une identité surtout blues/gospel. Mais on sent très vite que ça ne colle pas, qu’il y a une tension pas naturelle dans la musique. Bien vite, les premières guitares arrivent, les premiers hurlement et, soudainement, on tombe sur “Fire of Motion” et l’enfer se déchaîne, un peu comme orage qui claque après une journée étouffante.

Il faut dire ce qui est: question ambiances bizarres, Zeal & Ardor se pose un peu là. Ce que je trouve le plus impressionnant, c’est la manière dont le groupe maîtrise les codes de ces deux styles aussi opposés: les parties gospel sonnent vraiment comme du gospel, le black-metal est bien metal et bien black aussi et les morceaux hybrides ont leur identité propre, à cheval entre les deux.

Stranger Fruit contient quelques bizarreries qui sonnent un peu faux dans l’ensemble, comme “The Fool” ou “Solve”, deux pistes électroniques qui semblent échappée du mauvais côté des années huitante, mais à côté de cela, on a des morceaux bluffants, comme “Gravedigger’s Chant”, “Servants”, Don’t You Dare”, “Row Row” et bien d’autres. Dans l’ensemble, c’est un album impressionnant, prenant, original.

Sans aller jusqu’à en recommander l’achat immédiat, je recommande à ceux qui ne sont pas totalement rebutés par le concept de jeter une oreille sur la page Bandcamp de Stranger Fruit. L’album est de plus disponible à un prix très raisonnable.

Bonus: la vidéo de “Gravedigger’s Chant”

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