Moi y’en a vouloir des sous !

Je n’en suis pas très fier, mais j’ai craqué et téléchargé une copie de Moi y’en a vouloir des sous pour regarder dans l’avion (dix heures de vol pour la Namibie; c’est long). En même temps, je n’avais pas vraiment le choix: ce film de Jean Yanne n’a jamais été réédité en DVD et ses passages à la télévision sont rares. Ce qui est bien dommage.

J’avoue aussi que Moi y’en a vouloir des sous est un de ces films à l’aura quasi-légendaire et qu’il est rare que cette aura résiste au visionnement tardif.

Moi y’en a vouloir des sous fait partie de ces films réalisés par Jean Yanne dans les années 1970, où il règle ses comptes avec pas mal d’éléments de la France d’alors. Dans le cas présent, ce sont surtout les mouvements sociaux – syndicalisme, MLF – et leur pendant capitaliste qui s’en prennent plein la gueule.

Jean Yanne y interprète Benoît Lepape, d’abord consultant dans une grande entreprise d’électronique, puis viré pour cause de grande gueule. Il s’en va alors proposer à son oncle (Bernard Blier), chef de la grande centrale syndicale, un plan génial pour abattre le capitalisme avec ses propres armes.

À quarante ans de distance, il y a du bon et du moins bon. Du côté des points faibles, il faut être honnête: Jean Yanne n’était pas un très bon réalisateur – et pas terrible comme scénariste, non plus. Le film est passablement décousu, certaines scènes sont inutilement longues, l’image est médiocre, etc.

Il est également pas mal daté, avec des seventies qui sentent bon le patchoulis et les lacrymos. Ce qui a un effet secondaire peu ragoûtant: vu de 2017, il flirte – sans doute inconsciemment – avec le racisme et le sexisme. Le zeitgeist, parfois, ça pue un peu.

Par contre, il est toujours aussi percutant: quelles qu’aient été ses capacités en matière de cinéma, Jean Yanne a toujours été un satiriste d’un mordant rarement égalé, défonçant allégrement les hypocrisies de son époque.

Certains scènes sont de purs moments d’anthologie, comme le square-dance des manifestants des beaux quartiers et des CRS, le discours syndicaliste pendant la répétition de la consécration de la cathédrale et, plus tard dans cette même cathédrale, la musique liturgique signée par Magma en personne(s).

Il y a aussi du pur génie dans les chansons qui accompagnent le film, sur une musique de Michel Magne. Entre résonner une Internationale saucissonnée par des Alleluiah, c’est un grand moment de bonheur.

Moi y’en a vouloir des sous est un film qui est donc daté, avec son image d’une France qui a beaucoup évolué depuis, mais c’est somme toute superficiel. Sur le fond, il est toujours d’actualité – parfois douloureusement: le pouvoir corrompt, le capitalisme est le plus grand de ces pouvoirs. Si vous avez l’occasion de le voir, sur l’une ou l’autre plateforme (légale ou moins), n’hésitez pas!

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