Je vous ai déjà raconté cette histoire: il y a plus de vingt ans, alors que j’étais parti pour – enfin! – voir Le Voyage de Noz à Satellite, je me prenais par surprise le groupe suisse Galaad en pleine tronche. Et aujourd’hui, en 2018, je retrouve ce groupe aussi jurassien que mythique en concert à Zelig, la petite sœur de Satellite, sur les terres de l’uni de Lausanne.
Galaad, c’est un groupe à la carrière météoritique: après un premier album, Premier Février, ambitieux mais trop typé Genesis/Marillion, la formation explose sur la scène progressive francophone et internationale avec Vae Victis, un album ultramoderne et exceptionnel, avant d’exploser tout court.
Et puis c’est le miracle : la bande de Pyt (Pierre-Yves Theurillat, chanteur du groupe, qui s’est entre-temps essayé à une carrière solo) se retrouve et reprend le chemin de la scène en 2016. Je les rate de peu en 2017, contrarié par mes soucis de santé – et ratant par la même l’occasion d’accrocher une quatrième légende du prog (après Fates Warning, Magma et Yes) à mon palmarès – mais les voici enfin à portée.
Ok, c’est un jeudi soir et la salle est en périphérie de Lausanne, mais c’est un détail ! Vélo, puis train, puis deux métros différents et me voici bien en avance sur place. Ça me laisse le temps de prendre une bière, puis un sandwich, puis une deuxième bière parce qu’on ne va pas se laisser abattre, avant que le concert ne commence vers 20 h 45.
Zelig est une petite salle sympa, un bar d’étudiants à la déco bordélico-estudianto-alter-beaucoup de choses. Il dispose d’une scène de taille raisonnable, devant laquelle on doit pouvoir tasser un peu moins de 200 personnes, à vue de nez. Le bar a une jolie sélection de bières, à la pression et à la bouteille, avec notamment pas mal de micro-brasseries locales.
Premier groupe à monter sur la scène, Barde & Orage, un duo valaisan (guitare et batterie) dont le guitariste m’accueille par un “mais je te connais, je t’ai déjà vu quatre ou cinq fois à la Convention du Dé qu’a dents!” Ce qui prouve, d’une part, que la Suisse romande est un petit village et, d’autre part, que je n’ai aucune mémoire des noms et des visages.
Barde & Orage se qualifie de “historio-rock”, ce qui signifie que les morceaux d’un album forment une histoire. Perso, j’appelle ça un concept-album et, musicalement, du blues-rock avec un côté plus rock que blues. En temps normal, j’aurais haussé les épaules, pris quelques photos pour la forme et continué de m’alcooliser au bar, mais il se trouve que la configuration atypique du duo donne une patate assez remarquable à leurs compositions.
Le groupe va balancer un set de plus d’une heure, avec son histoire sur la Biocité, son roi, son peuple et sa révolution – avec deux reprises, dont Pink Floyd, en rappel. Énergique et carré, malgré quelques cafouillages en fin de set – rien de tragique, les musiciens en rigolent avec le public – la prestation est parfaite pour chauffer la salle, qui commence gentiment à se remplir.
Le temps de changer la scène – et d’aller chercher une troisième bière, parce que raisons – les lumières s’éteignent et une petite musique annonce l’arrivée imminente de Galaad. L’intro de “L’Épistolier” est un petit truc tout simple qui, pour les personnes non prévenues, ne laisse pas présager de la tornade qui arrive. Les fans – et il y en a pas mal parmi la centaine de spectateurs présents – ont reconnu les signes avant-coureurs et foncent vers la scène.
Et c’est parti pour un concert que j’attendais depuis vingt ans! Il est 22 h 25 environ; je le signale, parce que je crois à avoir perdu l’heure et demie qui suit dans un continuum spatio-tempo-progressif.
Je suis au premier rang avec les fans, appareil photo à la main, à hurler les paroles – enfin, quand je m’en rappelle – et s’il y a quelques clichés flous dans le tas, c’est peut-être parce que j’ai l’impression d’avoir une poussière dans l’œil. À moins que ce ne soit encore un coup des ninjas coupeurs d’ognons…
Alors oui, les membres de Galaad ont vieilli. Sic transit et tout ça; moi aussi sic transit, d’ailleurs. Par contre, la musique de Galaad, elle, pas du tout! Non seulement le groupe va balancer pendant près d’une heure et demie la plupart des morceaux de Vae Victis – “L’Épistolier”, donc, “Le Feu et l’Eau”, “Les Ondes”, l’immensissime “La Loi de Brenn”, “Une Rose noire” et, en rappel, “Seul” – mais également quatre nouvelles compositions.
Et, j’aime autant vous dire que le Galaad de 2018 n’est pas resté bêtement planté dans les années nonante – ou même avant! Ces quatre titres – “Crier haut”, “Merci [pUr]”, “La Mauvaise terre” et “L’Esprit des frères” – sont impressionnants de modernité. Le groupe nous promet un nouvel album pour le printemps 2019 et ça promet du lourd.
Au reste, il est réjouissant de constater que, malgré les deux décennies de hiatus, le groupe n’a rien perdu de sa mæstria ni de son énergie. Ils tiennent la distance et maîtrisent leur sujet comme jamais. La voix de Pyt est toujours aussi puissante et son flow est une des grandes forces du groupe.
Vous l’aurez compris, ce concert a été pour moi un grand moment. Vingt ans que je l’attendais: Galaad est revenu et ça va poutrer! Des soirées comme celle-là, j’en redemande – même s’il faut après gérer le retour à minuit passée, avec métro, train, bus, puis vélo jusqu’à mes pénates campagnardes, puis le reste de la semaine (pas fou: j’avais pris congé).
Et, d’ailleurs, le lendemain, rebelote – mais je vous en reparlerai.
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